Des entreprises américaines dans la tourmente après les décisions de Trump
Par Valérie CantiéAlors que Harley Davidson annonce sa délocalisation pour contrer la hausse des taxes douanières avec l'Europe, d'autres sociétés américaines suppriment des postes pour faire face aux baisses de leurs ventes.
Depuis le 22 juin, Bruxelles cible une série de produits typiquement américains et leur impose de droits de douane de 25%, en rétorsion aux taxes infligées par l'administration Trump sur l'acier (25%) et l'aluminium (10%) européens.
Ainsi les célèbres motos Harley Davidson, mais aussi les jeans, le bourbon ou encore le beurre de cacahuètes sont dans le collimateur de Bruxelles.
Harley, victime collatérale
Le constructeur emblématique de motos américaines Harley Davidson se dit victime de la guerre commerciale lancée par Donald Trump. Le groupe a annoncé ce lundi qu'elle allait délocaliser une partie de sa production pour échapper aux tarifs douaniers instaurés par Bruxelles en représailles à ceux de Washington.
La célèbre marque de motos, née il y a 115 ans, a déploré que les taxes douanières européennes soient passées de 6% à 31% sur ses produits entrant sur le marché européen, ce qui augmente le prix au détail de chaque véhicule de 2 200 dollars ( soit 1 900 euros).
L'Europe est le deuxième marché de Harley après les Etats-Unis, avec 40 000 véhicules vendus chaque année. L'essoufflement de ses ventes n'est pas nouveau, dû au vieillissement de sa clientèle et à la concurrence japonaise. Le groupe compte donc beaucoup sur ses exportations pour tenir sa production à flots alors que ses ventes ont chuté de 6,7% l'an dernier (242 788 ventes dans le monde en 2017, contre 260 289 en 2016).
Donald Trump a réagi dans un tweet se disant "surpris" :
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"J'ai bataillé dur pour eux et au bout du compte ils ne paieront pas de droits de douane vers l'Europe (...) Les taxes douanières ne sont qu'un prétexte. Soyez patients", a affirmé le président.
Harley-Davidson avait pourtant été l'un des premiers à visiter la Maison Blanche en février 2017 pour illustrer la stratégie industrielle de "l'Amérique d'abord" (America first) deTrump. Le président américain s'était alors dit confiant dans le fait que la compagnie allait augmenter sa capacité industrielle sur le territoire américain.
Et maintenant des victimes directes
60 salariés de l'entreprise Mid-Continent Nail, le plus grand fabricant américain de clous ont perdu leur emploi le 15 juin, dans leur usine du Missouri. Les ouvriers étaient des CDD payés environ dix dollars de l'heure. L'entreprise toute entière, soit 500 personnes, pourrait cesser ses activités d'ici à début septembre. Et là, il faudra licencier des salariés en CDI depuis de nombreuses années, payés 14 dollars de l'heure. La direction affirme que ces suppressions d'emplois sont rendues nécessaires par les taxes douanières imposées par Trump. Fin mai, les difficultés ont commencé lorsque Trump a imposé 25% de hausse de tarifs sur les importations d'acier mexicain et canadien. Or, c'est avec de l'acier mexicain que la compagnie fabrique les clous. Mid-Continent Nail a du alors augmenter ses prix et a perdu une partie de sa clientèle, les ventes à cette époque ne représentant que 30% des ventes de l'an dernier à la même période. Les clients se sont surement tournés vers l'acier chinois selon la direction de l'entreprise.
Il y a beaucoup d'inconnues
dit au Washington Post le patron de Mid-Continent Nail qui a pourtant voté Trump et qui se dit "déçu et "triste" de ce qui arrive à la petite ville de Poplar Bluff (Missouri) et à sa société. Selon lui, les taxes infligées par Trump ne font pas de mal à la Chine, mais bel et bien aux Etats américains comme le Missouri !
The Tax Foundation, ONG indépendante travaillant sur les politiques fiscales, prévoit 48 585 suppressions de postes à cause des taxes imposées par l'administration Trump sur les machines à laver, les panneaux solaires, l'acier, l'aluminium. Mais si Trump continue à imposer des taxes sur d'autres produits chinois par exemple, ce sont plus de 250 000 emplois qui pourraient être perdus.
Même si les nouveaux tarifs douaniers ne devraient pas entraîner une récession, des entreprises vont surement suspendre leurs plans de développement et donc d'embauches ou de constructions d'usines. .
Des produits savamment ciblés
Certains Etats du pays risquent d'être encore plus touchés que d'autres. D'autant que l'Europe, le Canada, la Turquie et la Chine visent des produits fabriqués dans des villes ayant voté Trump. L'UE par exemple vise notamment Harley-Davidson dont le siège est à Milwaukee (Wisconsin), l'Etat de Paul Ryan, le chef des républicains à la Chambre des représentants.
"Voilà une nouvelle preuve des dommages entraînés par l'application unilatérale de taxes. La meilleure façon d'aider les travailleurs et manufacturiers américains est de leur ouvrir de nouveaux marchés et pas d'imposer de nouvelles barrières sur leurs propres marchés", a commenté Paul Ryan.