Dans le cadre de l’opération "Sport féminin toujours" pour la promotion du sport féminin et des sportives, nous faisons connaissance avec une battante : Marion Poitevin est l’une des rares femmes guides de haute-montagne en France. Elle milite pour plus de mixité dans un milieu encore largement dominé par les hommes.
Marion Poitevin est bien placée pour savoir qu’être une femme et une sportive de très haut niveau est un chemin semé d’embûches. Malgré ses diplômes, malgré ses années d’expérience, quand elle a appris sa grossesse, il y a deux ans et demi, ses sponsors de l’époque l’ont lâchée. "L’année suivant ma grossesse, j’ai perdu 5 000 euros de dotation de matériels, raconte, encore dépitée, la jeune maman_. J’ai perdu mes deux sponsors principaux. L’un m’a annoncé que comme j’étais enceinte, c’est écrit noir sur blanc dans un mail, il ne me donnait que 1 000 euros de dotations, au lieu de 2 500 prévus initialement parce que je n’allais pas faire grand-chose cette année, vu que j’attendais un enfant. J’ai refusé. Contrarié, le sponsor m’a annoncé que c’était fini et que je n’aurai rien l’année suivante._"
Un coup dur difficile à avaler, moralement surtout. "On râle un petit peu et on se fait virer, se souvient Marion Poitevin_. L’adage sois belle et tais-toi, j’ai trouvé qu’il était encore bien d’actualité._"
40% d'adhérentes mais que 2% de professionnelles
Mais ce n’est pas le seul obstacle pour cette passionnée de la montagne. Elle décroche en 2014 son diplôme de guide de haute-montagne avec un constat : les femmes ne sont qu’une poignée à exercer. Elles sont surtout reléguées au second plan, quand les hommes, eux, occupent les meilleures places. "Il y a des femmes en montagne, il y a 40% d’adhérentes dans les fédérations, mais il n’y a que 10% des femmes qui sont leader des sorties et 2% qui sont professionnelles, détaille la native de Nancy mais qui a vécu toute son enfance en Haute-Savoie_. Et dans les cordées, les femmes ne sont pas devant. Je vois souvent des femmes en montagne qui sont en seconde place et qui ont du mal à prendre le leadership."_
Pour un meilleur équilibre, Marion Poitevin a créé en 2018 une cordée 100% féminine : Lead the Climb (que l’on pourrait traduire par prendre la tête de l’ascension). C’est un club qui propose des formations poussées pour les femmes. L’initiative lui a valu quelques remarques acerbes dans le milieu très masculin de la montagne. L’objectif est de permettre à ces passionnées d’oser prendre des initiatives et de s’appuyer sur des figures féminines, comme Marion Poitevin a pu le faire dans sa formation. "Ça m’a servi en tant qu’alpiniste amateur d’être encadrée par une femme guide et de me dire : 'si c’est une femme, ça me fait moins d’excuses. C’est certes une guide expérimentée mais c’est une femme comme moi'. C’est plus facile de s’identifier, de me dire que moi-aussi, je peux y arriver. Ça met moins de barrières mentales."
Première femme guide en 1983
Aujourd’hui les choses sont en train de bouger. "La première femme guide de haute-montagne c'était en 1983. Il a fallu trente ans pour que les quinze suivantes soient formées au métier de guide de haute-montagne. Et sept ans, ensuite, pour les quinze suivantes, se félicite-t-elle_. Oui, ça bouge même si on a l’impression que ça ne va pas assez vite._"
Preuve supplémentaire que les mentalités évoluent : après une expérience difficile chez les chasseurs alpins ("on ne me faisait pas confiance parce que j’étais une femme"), elle a intégré en 2016 les CRS de montagne, première femme secouriste dans cette institution. Marion Poitevin a désormais cinq collègues femmes à ses côtés.