"Désinfox", "nationalisations", "distanciation" : les mots nouveaux de la pandémie de coronavirus
Par Christine Siméone"Désinfox", "guerre", "nationalisations", "état d'urgence", voici les mots oubliés ou nouveaux qui, désormais, peuplent les conversations ou les déclarations officielles. Sous l'effet du coronavirus, ils reviennent en grâce ou changent de sens.
Oui, nous connaissions déjà les sens des mots "scolarisation à domicile", "cours en ligne", "télétravail", "vidéo-conférences", mais ils se rangeaient au rayon des exceptions et usages marginaux. "Peu usité", aurait-on écrit dans les vieux dictionnaires.
Ces mots font désormais partie du quotidien de tous. On note aussi à quels points les chefs d'entreprise trouvent leurs salariés "formidables", les ministres saluent l_'"héroïsme"_ des soignants, qui, finalement, "méritent" un coup de pouce, on entend même des "merci" à foison. Il y a aussi des mots nouveaux, ou anciens et tombés aux oubliettes, que le coronavirus est en train de mettre ou remettre en service.
1. Guerre ou mobilisation générale ?
Commençons par cette guerre qu'Emmanuel Macron a annoncé. Une guerre dont l'ennemi est un virus, et les victimes, des civils et non des militaires. Une guerre sans soldats, à part pour les officiers requis pour un hôpital de campagne et un Airbus de réanimation, est un concept nouveau.
Son "nous sommes en guerre" appelait en fait une expression qui se placardait autrefois sur les murs des villes : "mobilisation générale". Autrement dit, tout le monde est réquisitionné pour faire barrage à l'ennemi en restant chez soi.
2. Confinement ou semi-liberté ?
Ce mot de "confinement", ce sont les écoliers qui le connaissent le mieux. Depuis les attentats, ils font des simulations régulières d'intrusion dans les écoles, et de confinement. Une sonnerie leur indique de se mettre sous les tables, les portes sont bloquées et personne ne doit faire de bruit.
Ici, le confinement ressemble pour eux à des vacances, un peu ennuyeuses. "Confinement" devait être aussi le mot choisi pour la mise à l'abri des populations en cas de risque nucléaire. Mais là encore, il se conjugue différemment aujourd'hui. Fenêtres ouvertes, attestations dérogatoires en poche, ce confinement ressemble à une semi-liberté.
3. Les gestes barrières ou interdictions ?
Faire un geste, normalement c’est tendre la main, apporter de l'aide. Le "geste barrière" auquel nous étions habitués, c'est le signal du policier au carrefour qui interdit le passage des voitures et des piétons alternativement. Ici les "gestes barrières", sont d'abord des interdits : serrage de mains, embrassades, etc... sont proscrits.
Comme Marie de Medicis qui mit fin à la tradition française de s'embrasser sur la bouche, pour se contenter des joues, Covid-19, nous incite royalement au frottage de coudes, pour les plus affectueux.
4. Distanciation sociale ou distance de sécurité ?
Des "gestes barrières", on arrive naturellement, à cette pratique lancée par le gouvernement de "distanciation sociale". Si la Sécurité sociale est en train de démontrer son utilité à ceux qui en doutaient, le concept de "distanciation sociale" est nouveau. Là encore, Emmanuel Macron a innové avec cet élément de novlangue assez mal choisi.
Au moment de se serrer les coudes dans l'adversité, il nous parle de "distance sociale", quand il s'agit d'observer une "distance de sécurité". Ce second terme est plus approprié, semble-t-il, que cette volonté de remettre des distinctions sociales entre les gens, à un moment, où la maladie frappera tout un chacun, sans distinction de classe, avec la plus grande injustice, comme la nature sait si bien le faire.
5. Désinfox ou corrections ?
Ce mot circule sur le fil Twitter du ministère des Solidarités et de la Santé. "Désinfox" qui sonne comme "intoxication" et "désinfection" n'a rien de médical. Il s'agit de rétablir la vérité, combattre les fausses nouvelles, les informations erronées.
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6. Nébulisation
Si parfois les consignes semblent contradictoires, rester chez soi et aller travailler, sortir faire ses courses et rester confiné, il y a un terme qui ne semble pas être nébuleux, c'est celui de "nébulisation". Il appartient surtout au langage médical. La nébulisation, c'est l'action de vaporiser, de projeter (un liquide) en fines gouttelettes à l'aide d'un nébuliseur.
Du côté des médecins, on croise la nébulisation dans ce type de phrase : "les masques FFP2 sont à enfiler en cas de soins avec nébulisation". Les chirurgiens dentistes ont estimé qu'ils courraient de hauts risques de contamination via les projections et nébulisations liées à leur activité.
7. Etat d'urgence sanitaire
"L'état d'urgence" est un "gros" mot, un mot qui fait peur, qui sent les pleins pouvoirs, la fin de libertés, et l'intrusion tous azimuts dans la vie quotidienne des citoyens. Selon la Constitution française, l’état d’urgence permet aux autorités administratives (ministre de l’Intérieur, préfet) de prendre des mesures restreignant les libertés comme l'interdiction de la circulation, la remise des armes à feu, l'assignation à résidence, la fermeture de certains lieux, l'interdiction de manifester ou les perquisitions administratives. L'état d'urgence, on l'a eu en 2005, en raison d'émeutes dans les banlieues, et enfin entre le 14 novembre 2015 et le 1er novembre 2017 en raison des risques d'attentats.
Aujourd’hui, on nous parle "d’état d’urgence sanitaire", notamment des mesures "limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tout biens et services nécessaires", afin de lutter contre le coronavirus. Députés et sénateurs débattront jeudi et vendredi de l'ensemble des règles édictées par le gouvernement pour le mettre en place.
8. Réserve sanitaire ou vivier ?
Ici, la réserve n'est pas un retrait mais un vivier. La "réserve sanitaire" est composée de professionnels de santé volontaires (directeur d'hôpital, médecin, psychologue, pharmacien, infirmier, ambulancier, etc). Ils peuvent être en activité, sans emploi, à la retraite depuis moins de 5 ans ou en formation (étudiant).
"Il y a aujourd'hui 36 000 inscrits" pour participer à la Réserve sanitaire a déclaré Geneviève Chêne, directrice générale de Santé Publique France, ce jeudi. C'est un "afflux énorme de bénévoles, notre site a littéralement explosé" a -t-elle précisé.
9. Nationalisations
"Nous avons plusieurs options sur la table pour toutes les grandes entreprises industrielles qui pourraient être menacées sur le marché, ça peut être des montées au capital (...) ça peut être des nationalisations", a déclaré le ministre de l'Economie sur France Inter ce jeudi.
Qui l’eut cru ? La dernière fois qu'on a entendu parler de "nationalisation", c'était au lycée, pendant les cours d'Histoire. En revanche, on avait plutôt entendu parler de privatisation et notamment du projet concernant Aéroports de Paris. La pétition s'y opposant n'a recueilli que 1,09 millions de signatures. Pour être validée, la proposition de loi référendaire devait être approuvée par un dixième des électeurs inscrits, soit 4 717 396 de personnes. Bref, quand on entend Bruno Le Maire évoquer des nationalisations pour soutenir l'économie et les grandes entreprises françaises face aux turbulences sur les marchés financiers, on se dit qu'on a changé de monde.
10. Trinquons déjà en "coronapéro" ou "apéronavirus"
En attendons de crier victoire, certains n'oublient pas les traditions de pots, apéros, si chères aux Français. La vidéo conférence appartient au monde du travail, l'apéroSkype à l'"afterwork".
À France Inter, on vous a même fait un tuto pour bien prendre l'apéro à distance et entre amis.
Les amateurs n'ont pas hésité à allier les mots entre eux, comme on mélange l'eau et le pastis, ou le whisky et les glaçons, pour composer des mots avec coronavirus et apéritif. L'apéro, cette pandémie que personne n'a réussi à contenir.