Discriminations : un "monopoly des inégalités" pour prendre conscience des injustices
Par Rémi Brancato
C'est une extension au célèbre jeu de société que dévoile aujourd'hui l'Observatoire des inégalités. L'association a créé le "Monopoly des inégalités". Comme dans la vie, les joueurs ne débutent pas tous la partie au même niveau et tous n'expérimentent pas les mêmes discriminations.
C'est un Monopoly pas comme les autres qu'édite ce lundi l'Observatoire des inégalités. L'association planche depuis trois ans sur une extension du célèbre jeu de plateau. Ce "Monopoly des inégalités" offre une première nouveauté : des cartes personnages pour débuter le jeu, réparti de la catégorie A, très favorisée, à la catégorie C, la plus pauvre. "Aurel, un homme blanc de 55 ans est en catégorie A" explique Constance Monnier, responsable du projet jeunesse pour l'égalité au sein de l'association : "son salaire est de 300 euros et son patrimoine de 2 000 euros, il débute la partie avec deux maisons et va avoir deux dés pour jouer pendant la partie : il part très avantagé car à chaque fois qu'il passe par la case départ, il va toucher plus d'argent et il va pouvoir aussi acquérir des terrains plus rapidement".
A l'autre bout du spectre, "Mohamed, en catégorie C, lui, va commencer avec un salaire de 100 euros et un patrimoine de 600 euros, trois fois inférieur à Aurel". "Il va avoir un seul dé pour avancer, donc il va avancer beaucoup moins vite : on a fait une quarantaine d'ateliers et Mohamed n'a jamais gagné la partie, tout comme les autres joueurs de catégorie C" note Constance Monnier.
Des cartes événements pour pointer les discriminations du quotidien
Ce jeu, édité ce lundi à 500 exemplaires, l'Observatoire des inégalités a pensé à le concrétiser après l'avoir imaginé dans une vidéo promotionnelle, en 2017. On y voit des enfants qui jouent à ce Monopoly, aux règles désavantageuses pour certains, et qui s'insurgent notamment quand ils découvrent que les filles touchent 20% de revenus en moins.
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Après plusieurs ateliers, les règles se sont affinées. Pour chaque personnage, donc, un revenu, un patrimoine, et parfois un handicap, qui engendre une soustraction de deux points à chaque tir du dé. Au fil du jeu, les cartes du Monopoly sont remplacées par des cartes événements plus ou moins heureuses. Les joueurs expérimentent l'homophobie, le racisme, les inégalités de revenus face aux événements de la vie, comme les accidents, la rentrée scolaire ou les vacances.
Certains cartes sont plus positives : "l'ascension sociale" qui permet de passer d'une catégorie à une autre ou la "grève générale", qui permet une avancée sociale et offre 20 euros de revenus à tous les joueurs de catégorie C.
"Prendre conscience" des inégalités par le jeu
Face à ces règles, les réactions des joueurs sont souvent aussi scandalisées que sur la vidéo. "La première question qui arrive souvent lorsqu'ils découvrent leur carte, c'est : 'pourquoi, moi, j'ai un dé en moins ?'" témoigne Malika Meziadi, professeure dans un lycée technique de Vaux-le-Penil en Seine-et-Marne, qui a pu expérimenter le jeu avec quatre classes en décembre. Accompagnée d'un livret pédagogique, il permet aux professeurs de débattre avec les élèves des inégalités.
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"Cette injustice vécue, c'est une injustice pour laquelle les élèves ont envie de lutter contre" assure Malika Meziadi : "des élèves se sont dit qu'ils ne s'étaient jamais posé la question des personnes en situation de handicap, par exemple et cela leur fait prendre conscience qu'il y a encore des choses à faire".
"Montrer l'importance des impôts dans la réduction des inégalités"
Volontairement "militant", cette extension du Monopoly, réalisée en accord avec l'éditeur du jeu, tente aussi de ne pas enfermer les joueurs dans la fatalité, avec des événements positifs, solidaires et "une case redistribution" pointe Constance Monnier : "à chaque fois que quelqu'un tombe sur cette carte, chaque joueur de catégorie A va devoir donner 100 euros à un joueur de catégorie C, pour montrer l'importance des impôts dans la réduction des inégalités".
"On n'appelle pas à faire la révolution mais on appelle à prendre conscience de réalités sociales, à montrer que tout le monde ne vit pas la même chose, que certains sont plus favorisés que d'autres" explique-t-elle. Ce jeu, destiné aux professeurs ou animateurs de centres sociaux notamment, est disponible sur commande, sur le site de l'Observatoire des inégalités.