Du baluchonnage québécois au relayage français : un peu de répit pour les aidants familiaux

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Du baluchonnage québécois au relayage français : un peu de répit pour les aidants familiaux

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La baluchonneuse prend en main tous les actes quotidiens de la vie, comme ici, le repas que Corinne donne à Sheena.
La baluchonneuse prend en main tous les actes quotidiens de la vie, comme ici, le repas que Corinne donne à Sheena.
© Radio France - Anne Orenstein

Pour permettre aux aidants familiaux de prendre des vacances, une auxiliaire de vie vient s’installer chez lui et prend le relais. Un système importé du Québec qui est actuellement expérimenté en France.

"Je vous présente Sheena, c'est une ancienne professeure de musique, de violon et de piano. Mais maintenant qu'elle est Alzheimer, elle passe sa journée à écouter de la musique." Cela fait seulement six jours que Corinne a posé son baluchon dans la maison de Sheena et de son époux mais elle connait parfaitement toutes les habitudes de la vieille dame. "Son mari m'a laissé son ordinateur avec toutes les musiques qu'elle aime alors, je lui mets le matin et ça l'apaise." Et en effet, la vieille dame allongée dans son fauteuil roulant, sourit en bougeant très légèrement la main.

Intervention à domicile pour aider les aidants familiaux

Corinne est baluchonneuse depuis deux ans. C'est en tout cas comme cela que les auxiliaires de vie de l'association Baluchon France se nomment. Dans d'autres structures, elles se nommeront plutôt relayeuses, pratiquant le relayage, adaptation française du baluchonnage natif du Québec.  Mais quel que soit le nom, la tâche est identique : pour offrir du répit aux aidants familiaux, une auxiliaire de vie intervient à domicile, en relais auprès d’une personne en situation de dépendance, personne âgée ou handicapée.

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En 2019, la Direction générale de la Cohésion sociale (DGCS) a lancé une expérimentation de ce système avec une dérogation au droit du travail permettant à un même professionnel de faire un relayage sur une période continue allant de 36 heures à 6 jours consécutifs. Les auxiliaires de vie bénéficient ensuite d'un repos compensateur qui leur permet à la fois de récupérer et de mieux organiser leur vie. "Au lieu de courir entre plusieurs personnes à aider et d'avoir des trous énormes dans la journée, là, on a un point fixe et on ne regarde plus la montre, on est plus apaisées, reconnait Corinne. Alors c'est vrai, on est toujours en alerte, c'est 24h sur 24, mais la compensation, c'est le repos. Et moi, j'apprécie parce que comme ça, on se donne à fond pour la personne."

Eviter les changements d'environnement

Cette fois-ci, Corinne a pu offrir des soins esthétiques à Sheena, soin du visage ou massages des pieds. "On pourrait se demander si elle est réceptive, mais moi je vois bien qu'elle se détend après, elle est moins crispée." Comme lorsqu'elle écoute de la musique.

C'est grâce à la visite préalable de collecte des données que Corinne a appris toutes ces informations sur Sheena, informations essentielles pour ne pas changer les habitudes de la personne aidée. Le relayage est en effet pensé pour éviter tout changement d’environnement pour la personne âgée à la différence d’un hébergement temporaire en Ehpad. Elle permet ainsi à l’aidant de prendre du temps pour lui afin de ne pas s’épuiser tout en maintenant la personne aidée à son domicile, dans son cadre habituel.

Une expérimentation jusqu'à fin 2023

Grâce à l'article 53 de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (Essoc), les obstacles juridiques ont été levés par le biais de dérogations au droit du travail. Mais au départ, l'expérimentation ne devait durer que trois ans avec des salariés volontaires. Comme le Covid est passé par là, le rythme a été largement réduit. L'essai a donc été prolongé jusqu'à fin 2023. Actuellement, 44 porteurs de projets (établissements médico-sociaux) répartis sur près de 53 départements et 14 régions, ont été agréés pour tenter l'expérimentation. 169 intervenants se sont portés volontaires.

Comme c'est le cas de Corinne, le dispositif est plébiscité par les salariées selon une enquête interne menée par Baluchon France. Cependant, la pérennisation du système reste incertaine car la loi n'a pas prévu de financement. Le colloque du 17 mai organisé à Avignon sur ce thème tentera de convaincre des financeurs de s'engager, en espérant peut-être un jour compter sur des subsides de l'Etat.