Du popo au pot, ou l’expérimentation d’une couche compostable
Par Mathilde Dehimi
Tous les parents en ont fait l’expérience, un bébé produit beaucoup (trop ?) de matière, et il aura besoin de 4 000 couches dans sa vie avant d’être propre. La plupart des trois milliards de couches vendues en France chaque année partent à la poubelle. Mais pourquoi ne pas transformer ces couches sales en compost ?
Julien commence sa journée par faire les poubelles des crèches. Elles sont cinq à Pantin et Paris à avoir accepté de participer à l’expérimentation. Dans sa fourgonnette électrique, les sacs s’entassent, l’odeur persiste mais à force Julien ne la sent plus. Arrivés à la friche René.e derrière le périphérique, les sacs sont pesés : 30 kilos de couches sales vont ainsi être transformées aujourd’hui et deviendront dans deux semaines du compost. Mais pour cela, il a fallu construire le projet et trouver la bonne recette de compost.

Le projet est porté par l’entreprise solidaire "les Alchimistes". Cinq crèches, départementale ou associative, se sont prêtées au jeu et fournissent la matière première essentielle, les couches. "Il n’y a pas de tâches supplémentaires pour notre personnel", explique Catherine Coll, directrice de la crèche départementale Annie Fratellini à Pantin, "il faut juste enlever les scratchs des couches car pour l’instant ils ne se compostent pas et mettre les couches dans des sacs. Les couches lambda, elles sont détruites, enfouies, incinérées, là au moins on sait qu’il y a un devenir de la couche après la crèche" sourit-elle.
Les 520 couches hebdomadaires nécessaires à la vie de la crèche Fratellini, et des autres crèches, sont fournies à titre gracieux pour l’expérimentation par les Celluloses de Brocéliande. Le groupe breton fabrique des couches jetables normales ou plus écolos vendues en supermarché et travaille désormais avec les Alchimistes sur un prototype de couche compostable.
"Dans ce prototype, ce ne sont pas des plastiques, ça ne vient pas du pétrole, ce sont des matières entièrement biodégradables", explique Eric Vilmen, directeur RD de l’entreprise de Ploërmel. "Nous ne sommes pas loin mais nous devons encore améliorer quelques problèmes de fuite. Notre objectif est de sortir ce produit dans les délais les plus brefs possibles."

En attendant, Julien sur sa friche de Pantin continue de tester le meilleur équilibre pour le compost. Une fois les couches broyées -essentiel pour que les micro-organismes "mangent" plus facilement- il verse les lambeaux dans une grande citerne. La chaleur y est de 60 voire 65 degrés et tue les agents pathogènes. Pour compléter la recette, il ajoute des drêches de bière, les céréales résidus du brassage de bière, préférées depuis peu à de la matière végétale plus sèche, et du broyat de bois qui permet d’aérer le compost.
Tous les tests montrent qu’il n y a aucun risque pour la santé, les agents pathogènes contenus dans les selles sont éliminés par la chaleur. Le compost est pour l’instant conservé et permet de faire des comparaisons pour trouver le meilleur dosage. Pour le commercialiser, il faudra encore attendre que les normes soient modifiées.
