Du vison à l'homme, une première contamination au coronavirus ?

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Du vison à l'homme, une première contamination au coronavirus ?

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Les autorités néerlandaises ont estimé "plausible" qu'un employé d'un élevage de visons aux Pays-Bas ait contracté le Covid-19
Les autorités néerlandaises ont estimé "plausible" qu'un employé d'un élevage de visons aux Pays-Bas ait contracté le Covid-19
© Maxppp - EFE / Newscom / Diego AZUBEL

La ministre de l'Agriculture néerlandaise a annoncé qu'un homme avait probablement été contaminé par des visons d'élevage porteurs du SARS Cov 2. La comparaison des cartes génétiques des virus aurait conduit à cette conclusion. Cette première, demande à être confirmée par une publication scientifique.

Une ministre a t-elle parlé un peu vite ? Carola Schouten, ministre de l'agriculture des Pays Bas a en tous cas écrit au Parlement de son pays pour signaler cette contamination animal-homme au coronavirus venu d'Asie.  Si elle se confirmait, ce serait une première. Mais hormis l'annonce de la ministre et les déclarations d'un virologue publiées dans la presse , aucune publication ni même alerte des services sanitaires européens n'a eu lieu.  

Plusieurs espèces carnivores sensibles au Covid

À ce jour, la communauté vétérinaire, très attentive à l'évolution de cette zoonose (une maladie infectieuse de l'animal transmissible à l'homme), surveille quelles espèces sont touchées. De façon naturelle ou expérimentale. Seules quelques espèces ont montré une sensibilité au SARS Cov2 rappelle Jeanne Brugère-Picoux, vétérinaire et membre de l'Académie de Médecine où elle a en charge le suivi du dossier. "Les espèces contaminées par l'homme sont des chiens à Hong-Kong, puis des chats, des tigres et des lions à New-York et récemment des visons aux Pays-Bas" rappelle t-elle. "Dans les essais de transmission expérimentale, on a montré que les porcs et les volailles étaient résistants au virus" ajoute t-elle.  Le furet, animal de laboratoire est l'espèce la plus sensible, tandis qu'une incertitude demeure sur les lapins. 

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Aucune publication pour étayer cette "première"

Pour Jeanne Brugère Picoux, l'annonce le 26 avril que deux élevages hollandais étaient contaminés n'a pas constitué une surprise car c'est un cousin germain du furet. Le 7 mai, deux élevages supplémentaires sur les 160 fermes spécialisées que compte le pays étaient signalés par les autorités. Une mortalité anormale dans les cages a donné l'alerté et a conduit à des tests sur les carnivores. Dans un premier temps, les visons sont donc apparus comme une espèce sauvage de plus dans la liste des animaux sensibles au nouveau virus. 

Rien de très étonnant pour Barbara Dufour, professeur à l'Ecole Vétérinaire d'Alfort qui rappelle que "lors de l'épidémie de SRAS en 2003, le virus nous est parvenu depuis la chauve-souris mais à travers d'une petit carnivore domestique, la civette". Ce ne serait donc pas une nouveauté absolue qu'un carnivore contamine l'homme. Mais, insiste t-elle, encore faut-il le prouver ! Car à ce jour, aucune publication scientifique sur ce qui serait pourtant une première mondiale n'a été publiée. "Pour être sûr que la transmission s'est produite dans ce sens là, _il faudrait des résultats dont on ne dispose pas__. Il faudrait séquencer complètement le virus trouvé chez l'homme et celui retrouvé chez le vison et voir leur proximité afin de comprendre dans quel sens la transmission s'est passée_".  Ni Jeanne Brugère-Picoux ni Barbara Dufour n'ont eu connaissance d'une quelconque alerte au niveau scientifique ou sanitaire.

Des élevages spécifiques aux Pays-Bas

Suite à la détection dans les élevages, le virus a été mis en évidence dans les poussières à l'intérieur des bâtiments abritant les visons mais pas à l'extérieur. Par précaution , l'institut de santé publique néerlandais (RIVM) note Jeanne Brugère-Picoux dans son dernier compte-rendu à l'Académie des Sciences "a défini une zone d’interdiction pour les piétons et les cyclistes d’environ 400 m autour de chaque ferme".

Si cette contamination était avérée, cela ne veut pas dire que d'autres espèces d'élevage sont concernés. En revanche, pour Barbara Dufour, "cela changerait la donne si on mettait en évidence que cette transmission est fréquente et si on découvrait un virus différent du Covid-19 et qui marquerait une nouvelle émergence. À ce jour, c'est de la science fiction, qui ne correspond pas à ce que nous savons aujourd’hui". 

Les Pays-Bas sont le 3e producteur mondial de visons derrière la Chine et le Danemark. Suite à une décision de 2013, les élevages doivent fermer d'ici 2024. On ignore tout des protections prises par les éleveurs ni des mesures barrières éventuellement adoptées.