Emmanuel Macron : Discussions humanitaires avec les talibans et appel à ne pas "baisser la garde" face à l'EI
Par AFP
Emmanuel Macron est en déplacement à Bagdad ce week-end. Le président de la République, appelle à "ne pas baisser la garde" face au groupe État Islamique, après l'attentat de Kaboul. Il annonce que des discussions sont engagées avec les talibans sur les questions humanitaires.
Emmanuel Macron a déclaré que des discussions sont engagées avec les talibans sur les questions humanitaires et sur des opérations d'évacuation, avec l'aide du Qatar. Ces pourparlers humanitaires sont une condition de toute discussion politique à l'égard des talibans, selon le Président de la République. La France a évacué d'Afghanistan 2 834 personnes, dont 142 Français, 17 Européens et plus de 2 600 Afghans menacés depuis le 17 août. Emmanuel Macron a signalé que des "discussions" ont été entamées avec les talibans afin de "protéger et rapatrier des Afghanes et des Afghans" en situation de risque depuis le changement de régime à Kaboul le 15 août.
Ces évacuations sont planifiées conjointement avec le Qatar qui, dans le cadre de ses discussions avec les talibans, a la possibilité d'"aménager des opérations de pont aérien", a précisé le président français lors d'une conférence de presse à Bagdad, à l'issue d'un sommet régional.
L'arrivée des talibans au pouvoir en Afghanistan et la "menace" que continue de représenter le groupe Etat islamique (EI), auteur du sanglant attentat de Kaboul, ont été l'objet de toutes les préoccupations à la conférence régionale qui s'est ouverte samedi à Bagdad, en présence notamment d'Emmanuel Macron.
"Nous savons tous qu'il ne faut pas baisser la garde, car Daech (acronyme arabe de l'EI) demeure une menace", a déclaré le président français à l'issue d'une rencontre avec le Premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi, en prélude à cette conférence où sont aussi attendus les ministres iranien et saoudien des Affaires étrangères et le roi de Jordanie Abdallah II.
"Je sais que le combat contre ces groupes terroristes est une priorité de votre gouvernement", a-t-il ajouté à l'adresse de Moustafa al-Kazimi. L'Irak, où des cellules de l'EI continuent de mener des attentats quatre ans après sa défaite militaire, et la France "sont des partenaires clés dans la guerre contre le terrorisme", a répondu le chef du gouvernement irakien.
Paris fournit en effet à l'Irak un appui militaire, notamment aérien, avec en moyenne 600 hommes sur place dans le cadre de la coalition internationale qui continue de livrer bataille contre l'EI.
Par cette conférence régionale, l'Irak entend "désamorcer" les tensions entre l'Iran et l'Arabie saoudite qui n'ont plus de relations diplomatiques depuis 2016. Les déclarations d' Emmanuel Macron et du Premier ministre irakien sur l'EI ont déjà donné le ton de cette conférence.
L'Irak n'est pas l'Afghanistan
Après la prise du pouvoir par les talibans en Afghanistan et l'attentat jeudi à l'aéroport de Kaboul mené par une branche de l'EI, qui a fait des dizaines de morts, la lutte contre les djihadistes devraient dominer les débats.
Emmanuel Macron se rendra dimanche au Kurdistan irakien, où il saluera la lutte des Kurdes contre l'EI, puis à Mossoul, symbole de la victoire contre le groupe radical qui l'a occupée de 2014 à 2017.
La situation en Irak est cependant différente de celle en Afghanistan. L'armée se battait il y a quatre ans encore avec la coalition internationale contre l'EI, avant de déclarer victoire fin 2017. Quatre ans plus tard, des cellules djihadistes continuent de mener ponctuellement des attaques. Le dernier attentat suicide d'envergure revendiqué par l'EI a fait plus de 30 morts dans le quartier chiite de Sadr City à Bagdad en juillet.
L'EI "dispose toujours de dizaines de millions de dollars et il va sans doute continuer à rétablir ses réseaux en Irak et en Syrie", note Colin Clarke, directeur de recherche du Soufan Center, un groupe de réflexion en géopolitique basé à New York. Les djihadistes sont aussi actifs en Afrique. La zone "des trois frontières" entre Burkina-Faso, Niger et Mali est ainsi régulièrement frappée par les actions meurtrières de groupes liés à Al-Qaïda et à l'EI.
L'EI galvanisé, ennemi juré des talibans ?
En Afghanistan, l'EI est "l'ennemi juré" des talibans, explique Rasha al-Aqeedi, chercheuse au Newlines Institute aux Etats-Unis, mais leur "victoire" en Afghanistan pourrait "galvaniser" l'EI, le poussant à "montrer qu'il est toujours bien présent" en Irak.
Quelque 2 500 soldats américains sont toujours déployés en Irak. Ils se cantonneront officiellement à un rôle de "conseillers" des forces de sécurité irakiennes dès 2022. Et pour Rasha al-Aqeedi, si le niveau de l'armée irakienne "n'est pas idéal", "les Américains pensent que cela suffit pour qu'ils puissent à terme quitter l'Irak sans craindre que le pays ne revive ce qu'il s'est passé en 2014", lors de la débandade des soldats irakiens face aux djihadistes.
Emmanuel Macron a précisé que "quels que soient les choix américains", la France restera en Irak. "Nous avons les capacités opérationnelles pour assurer cette présence", a-t-il ajouté à l'issue du sommet.
Ensuite, l'Irak compte de nombreuses et très controversées factions paramilitaires pro-Iran regroupées au sein du Hachd al-Chaabi, une organisation créée pour épauler l'armée dans sa lutte contre l'EI. Depuis, le Hachd al-Chaabi a été intégré à l'État, mais ses détracteurs l'accusent de ne répondre qu'à Téhéran et d'assassiner et d'enlever des opposants au pouvoir. Les relations de l'Irak avec son grand voisin iranien devraient également être évoquées lors de la conférence de samedi, autant que les tensions entre Téhéran et Ryad.