En RDC, des paroles "inclusives" du pape "pourraient faire avancer les mentalités" sur l'homosexualité

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En RDC, des paroles "inclusives" du pape "pourraient faire avancer les mentalités" sur l'homosexualité

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Le pape François rencontre la jeunesse de RDC à Kinshasa, le 2 février 2023.
Le pape François rencontre la jeunesse de RDC à Kinshasa, le 2 février 2023.
© AFP - TIZIANA FABI

Avant de se rendre en RDC, le pape François a dénoncé la criminalisation de l’homosexualité et appelé les évêques à accueillir les personnes homosexuelles. A Kinshasa, ville-monde de 15 millions d’âmes, si les mœurs sont plus libres qu’ailleurs dans le pays, il y a encore bien du chemin à parcourir.

Scaly Kep’na est très partant pour s’exprimer, mais il veut s’assurer que l’on ne parlera pas de l’homosexualité de manière péjorative. Il y a plus de dix ans maintenant, ce jeune homme – il avait 25 ans à l’époque – a créé l’association Jeunialissime pour défendre les homosexuels et inventer un lieu, en République démocratique du Congo, « où ils n’ont rien à craindre ».

On peut y jouer au babyfoot, et même y dormir exceptionnellement si l’on est rejeté par sa famille, comme c’est encore bien souvent le cas. En dix ans, près de 70 000 personnes ont échangé avec Scaly en personne, au siège de l’association, à Kinshasa, ou sur les réseaux sociaux, car Scaly y est très présent.

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Nessie, 22 ans, discute avec Scaly Kep’na, le fondateur de l’association Jeunialissime,  qui vient en aide aux LGBTQ+ en RDC.
Nessie, 22 ans, discute avec Scaly Kep’na, le fondateur de l’association Jeunialissime, qui vient en aide aux LGBTQ+ en RDC.
© Radio France - Bruce de Galzain

Il n’a aucun financement public. Ce sont des donateurs privés et souvent étrangers qui permettent à l’association de vivre et de monter des projets. « Les ambassades du Canada, de Suède, des Pays-Bas et des États-Unis ont financé certaines actions ; les ambassades belge et française ont été approchées mais n’ont pas donné suite. »

En République démocratique du Congo, l’homosexualité n’est pas punie par la loi. Il existe une certaine tolérance, mais aucune sécurité. Et nombre de familles ne sont absolument pas prêtes à accepter l’homosexualité de leurs enfants.

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Nissie par exemple a 22 ans. Il y a dix ans, elle se rend compte qu’elle est attirée par les filles. Elle rencontre alors sa première copine. Mais à 17 ans, démasquée par ses parents, qui « ont fouillé dans [son] téléphone », elle est menacée d’être mise dehors. Elle se confie alors à Scaly Kep’na et son association, qui l’héberge quelque temps, avant qu’elle ne rentre chez ses parents, s’obligeant elle-même à mentir sur son homosexualité. Elle ne tient pas le choc. « J’ai été rejetée par mes proches, ma famille, mon entourage. On ne me parle plus juste parce que je suis homosexuelle. Dans ma famille, ils disent que je suis possédée par un esprit impur et qu’il ne faut pas m’approcher. »

La responsabilité des religions

Kevin, lui aussi, serait possédé, selon ses parents. Il dit venir d’une famille « où l’on devait toujours être exemplaire. J’étais premier de la classe et je chantais même à l’église. » Mais à l’âge de 15 ans, son père a découvert dans son téléphone qu’il avait un partenaire. « Il a invité toute la famille élargie pour leur dire que j’étais homo… J’ai même dû arrêter les études ! J’ai été insulté et chassé de chez moi, privé d’études pendant un moment. J’ai dû habiter chez un ami jusqu’à ce que mes parents me disent de rentrer à la maison. »

Scaly, Nissie, Benny, Kevin et Apal, de l’association Jeunialissime, qui vient en aide aux LGBTQ+ à Kinshasa.
Scaly, Nissie, Benny, Kevin et Apal, de l’association Jeunialissime, qui vient en aide aux LGBTQ+ à Kinshasa.
© Radio France - Bruce de Galzain

Mais Kevin est alors obligé de parcourir les églises pour être exorcisé. « Ils m’ont demandé d’accepter d’être sorcier pour que cela puisse partir ! » Kevin ne parle plus à ses deux sœurs, qui l’ont rejeté car, lui disent-elles, « [il est] un pêcheur et elles ne peuvent donc plus [lui] adresser la parole ». Pour Kevin, les récentes paroles du pape François, qui appelle à accepter les homosexuels et dénonce la criminalisation de l’homosexualité, ne sont pas d'un grand réconfort. « Cela ne va pas faire changer ma famille d’avis car ils sont catégoriques sur ce sujet ! Mais j’espère qu’ils comprendront avec le temps. »

L'impact du message du pape

Pour Scaly Kep’na « en République démocratique du Congo, beaucoup de monde s’élève contre les personnes LGBT pour des raisons religieuses. Les paroles inclusives du pape vont donc faire avancer les mentalités d’une façon ou d’une autre ; même s’il y aura des résistances. »

Le pape François dans l’avion le menant à Kinshasa, en RDC, le 31 janvier 2023.
Le pape François dans l’avion le menant à Kinshasa, en RDC, le 31 janvier 2023.
© Radio France - Bruce de Galzain

Scaly étouffe un rire un peu crispé mais il dit avoir quelque espoir car il a déjà commencé à travailler avec l’église catholique : « Deux abbés participent à nos ateliers pour accompagner des personnes homosexuelles. Ils essaient de changer le discours. Un imam nous a également rejoint et quelques personnes des autres églises. Mais il y a encore beaucoup à faire. »