Escalade aux JO : on vous explique pourquoi le meilleur grimpeur ne gagnera pas forcément la médaille d’or

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Escalade aux JO : on vous explique pourquoi le meilleur grimpeur ne gagnera pas forcément la médaille d’or

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La Française Julia Chanourdie, à droite, face à la Slovène Janja Garnbret pendant l'épreuve de vitesse des qualifications
La Française Julia Chanourdie, à droite, face à la Slovène Janja Garnbret pendant l'épreuve de vitesse des qualifications
© AFP - Mohd Rasfan

La finale de l'épreuve d'escalade a lieu ce jeudi pour les hommes, vendredi pour les femmes. C’est la première fois que l’escalade se retrouve aux Jeux Olympiques. Mais la formule retenue a déclenché quelques polémiques : les médaillés d'or seront-ils vraiment les meilleurs grimpeurs ? Explications.

Introduire un sport aux Jeux Olympiques peut-il le dénaturer ? Comme pour le skate, la question a pu traverser l’escalade, sport qui fait son entrée au programme olympique à Tokyo.   

L’escalade est née sur les falaises, au grand air. Les salles d’escalade, qui se multiplient actuellement partout en France tout comme le nombre de clients, avaient déjà levé quelques interrogations chez les puristes. Pourquoi grimper sur des parois artificielles quand on peut aller sur de magnifiques parois naturelles ? Si ce débat est désormais largement dépassé, on retrouve les mêmes interrogations avec le format proposé aux Jeux Olympiques.

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L'escalade aux JO, comment ça marche ?  

À Tokyo, la et le médaillé d’or doivent passer par trois épreuves : la vitesse, le bloc et la difficulté. La difficulté est l’épreuve qui ressemble le plus à l’escalade de falaise. L’athlète doit aller le plus loin possible en un seul essai sur une voie de 15 mètres de haut, dans un temps imparti. L’athlète est attaché à une corde par sécurité.

En bloc on oublie la corde : il faut grimper quatre voies qui ne dépassent pas les 4 m de haut. Tomber sur un tapis suffit pour éviter les blessures. Arrivera premier l’athlète qui parviendra à faire le maximum de voies avec le moins de tentatives, dans un temps imparti. Cette épreuve peut aussi se pratiquer en extérieur, comme dans la forêt de Fontainebleau, en Île-de-France.

La vitesse ne ressemble à rien de ce qu’on peut trouver en milieu naturel. Deux athlètes s’affrontent sur un parcours identique de 15 mètres. L’athlète doit toucher en premier un buzzer situé en haut de la voie. Une épreuve extrêmement impressionnante et télévisuelle. "C'est un peu notre produit d'appel, résume Pierre-Henri Paillasson, le directeur technique national de la Fédération française de la montagne et de l'escalade. Le Comité international olympique ne voulait d'ailleurs, au début, que de cette épreuve : quand on ne connaît pas ce sport c'est la plus simple à regarder, la plus facilement compréhensible, avec un temps et donc un record olympique." De son côté, Catherine Destivelle, grande grimpeuse des années 80 et alpiniste, est plus catégorique : "C_'est pour faire le show, cette épreuve est très loin de l'escalade telle qu'on la pratique et qu'on l'aime_". 

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En vitesse, la victoire se joue en moins de 6 secondes pour les hommes, autour de 7 secondes pour les femmes. Les autres épreuves durent plusieurs minutes. Un peu comme si un sprinteur de 100m devait aussi concourir sur 1 500m pour gagner sa médaille d'or. Logiquement les athlètes qui réussissent en vitesse ne sont souvent pas les mêmes que dans les deux autres disciplines, le bloc et la difficulté, qui se ressemblent davantage.

Le vainqueur de la médaille d’or devra être le plus régulier : le classement final est en effet calculé en fonction de la place de l'athlète dans chaque discipline. Prenons un exemple : un athlète a fini 10e en vitesse, 3e en bloc, 1er en difficulté. On multiplie chaque classement, soit 10x3x1 et cela nous donne 30 points. L’athlète avec le plus petit nombre de points gagne la compétition.  

Pour bien comprendre ce que ce classement implique, comparons deux Français avec deux des stars de la discipline.  

Julia Chanourdie & Janja Garnbret

Janja Garnbret, à gauche, et Julia Chanourdie lors des qualifications
Janja Garnbret, à gauche, et Julia Chanourdie lors des qualifications
© AFP

La française Julia Chanourdie, 25 ans, a écrit son nom parmi les meilleurs grimpeuses du monde en réussissant une voie en falaise cotée 9b fin 2020. Elle est seulement la troisième femme a réussir une voie aussi dure. En escalade, pour tenter de mesurer la difficulté des voies, des cotations sont données à chacune d’entre elle. Cela va de 1 – presque un escalier – à 9c, le niveau le plus dur.  

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Julia Chanourdie est donc objectivement une des meilleures grimpeuses du monde en extérieur. Elle peut briller dans l’épreuve de difficulté. Mais elle est un ton en dessous en vitesse et en bloc : elle a d’ailleurs été éliminé aux qualifications ce mercredi.  

La slovène Janja Garnbret, 22 ans, est elle l’immense favorite pour la médaille d’or des Jeux Olympiques. Elle est arrivée première à l’épreuve de bloc ce mercredi durant les qualifications, avec une facilité déconcertante. Elle est la seule à avoir réussi les quatre voies proposées. Grâce a un bon résultat en difficulté, elle termine première des qualifications. Une surprise peut toujours advenir en finale, mais Janja Garbret semble un ton au dessus. 

Elle n’a pourtant pas le même niveau que Julia Chanourdie en extérieur. La voie la plus dure qu’elle a réalisé est un 9a. Une seule lettre de différence avec la voie de Julia Chanourdie, mais un monde en terme de difficultés.

Mickaël Mawem & Adam Ondra

Adam Ondra, à gauche, et Mickaël Mawem
Adam Ondra, à gauche, et Mickaël Mawem
© AFP - Jeff Roberson & Mohd Rasfan

Le français Mickaël Mawem, 31 ans, a fini en tête des qualifications et représente une belle chance de médaille pour la France ce jeudi. Spécialiste de l’épreuve de bloc, dont il a fini premier, il a aussi très bien figuré à l’épreuve de vitesse avec une 3e place. Il termine 11e de l’épreuve de difficulté. Avec son frère, Bassa Mawem, forfait pour cause de blessure pour la finale, il est le symbole en France d’une nouvelle escalade, impressionnante, gymnique, qui se déroule plus en salle qu’en extérieur.  

Le tchèque Adam Ondra, 28 ans, est la grande star de l’escalade. Il a réussi les voies en falaise, en extérieur, les plus dures du monde. Il a notamment ouvert, c’est à dire réalisé le premier, l’ascension d’une voie côte 9c. Tout simplement la plus dure du monde. Mais il est également très bon en escalade indoor avec de nombreuses médailles d’or en bloc et en difficulté en coupe du monde. Il est par contre très désavantagé par l’épreuve de vitesse : il a fini 18e/20 aux qualifications. Une médaille d’or semble donc très compliquée à obtenir pour celui est pourtant, pour beaucoup, le meilleur grimpeur de sa génération.  "C'est un immense grimpeur, mais il ne parvient pas à faire, en compétition, ce qu'il faisait il y a quelques années, ajoute Pierre-Henri Paillasson. Il n'y a pas que la vitesse qui l'a handicapé en qualifications". 

Déjà des changements à Paris 2024

Le résultat des qualifications semble confirmer cette fracture entre grimpeurs en extérieur et ceux en intérieur. "Il y aura deux façons de faire de l'escalade désormais, deux pratiques très différentes, analyse Catherine Destivelle. Mais ceux qui font de l'escalade en compétition en intérieur se tourneront peut-être vers l’escalade en extérieur plus tard.

Le format olympique va également changer dès les Jeux de Paris 2024 : il a déjà été annoncé qu'il y aurait une compétition de vitesse à part et une épreuve combinée bloc et difficulté, avec donc 4 médailles d'or au total. Une sorte de compromis entre le côté spectaculaire, nécessaire pour une diffusion télévisée, et l’esprit d’origine de l’escalade.