Européennes : quand les expatriés ne savent pas à quelle urne se vouer
Par Louise Bodet
Voter pour une liste française ou participer aux élections européennes organisées dans leur pays d'accueil : en théorie, les Français expatriés en Europe ont le choix. Par ailleurs aucun double vote n'est possible... mais il existe des "trous dans la raquette".
Elle n'en revient toujours pas. Marie-Aude Thibault, installée aux Pays-Bas depuis 13 ans, maman de trois grands enfants, travaille dans les ressources humaines. Elle a choisi de quitter la France, mais pas la vie militante. Inimaginable pour elle de ne pas voter pour la liste française de son choix. Elle a donc été très surprise de recevoir il y a quelques jours une carte d'électeur néerlandaise à son nom.
"On a été très étonnés car peu d'entre nous ont fait la démarche de s'inscrire sur les listes électorales néerlandaises, et nous pensions pouvoir choisir entre le vote aux Pays-Bas et le vote au consulat français. Or, on s'est rendu compte, à notre très grande surprise, que ce n'était pas le cas. À partir du moment où on a reçu la carte d'électeur, on est obligé de voter pour des listes néerlandaises.
J'ai une amie qui m'a encore appelée hier et qui m'a dit "Je ne comprends pas. J'ai déchiré la carte d'électeur néerlandaise que j'ai reçue parce que je pensais que c'était une erreur de leur part. Et maintenant, je me retrouve à ne plus pouvoir voter ni aux Pays-Bas ni sur la liste consulaire".
Participer au scrutin français ou à celui de son pays d'accueil : officiellement, tous les expatriés ont pourtant le choix. Le problème, c'est que parmi les 25 000 Français vivant aux Pays-Bas, beaucoup ont participé récemment à des élections locales. Ils se retrouvent donc inscrits sur les listes électorales néerlandaises, et auraient dû se faire radier par une démarche volontaire. Sauf que tous n'ont pas été prévenus, loin de là. "Certaines mairies ont envoyé un formulaire, d'autres pas" explique Catherine Libeaut, conseillère consulaire aux Pays-Bas, qui dénonce une gestion "au cas par cas".
A Paris, le ministère des Affaires étrangères botte en touche : "nous n'avons pas à commenter les décisions néerlandaises" - tout en assurant que le Consulat a correctement informé les ressortissants français. "Depuis décembre 2018, nos consulats dans les pays de l’Union européenne ont invité les électeurs à vérifier sur quelle liste ils figuraient", précise la porte-parole du Quai d'Orsay.
Une opération de communication passée inaperçue aux Pays-Bas... où des mails incitant à participer au scrutin hexagonal ont au contraire renforcé la "confusion".
Dans d'autres pays, des envois de mails un peu trop systématiques ont également pu induire en erreur des électeurs. Exemple à Berlin, où des Français ayant fait le choix de participer au scrutin allemand ont reçu avec étonnement les professions de foi des 34 listes françaises.
Double vote interdit et passible de sanctions
Autre "trou dans la raquette" : le double vote, en théorie impossible. Un double système de croisement des données permet en effet d'éviter les doublons : d'une part, depuis le 1er avril 2019, un expatrié français ne peut plus être inscrit à la fois sur une liste électorale en France et sur la liste électorale de son consulat. D'autre part, les 28 membres de l'UE ont mis en place des procédures d'échange d'information qui empêchent le double vote des électeurs étrangers.
Reste un angle mort : le sort des binationaux, qui peuvent matériellement s'inscrire dans les deux pays. Le problème n'est pas nouveau, mais aucune parade n'a pour l'heure été trouvée, si ce n'est cette mise en garde : au sein de l'Union européenne, le double vote est interdit et passible de sanctions, jusqu'à 2 ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.