Exposition "Le Rire de Cabu" à Paris
Toutes générations confondues, chacun de nous a ri en regardant un dessin de Cabu. Il a dessiné partout, tout le temps, depuis toujours. Il a composé un instantané sur plus d’un demi-siècle de la société. La mairie de Paris accueille du 9 octobre au 9 janvier 2021 une exposition en hommage au dessinateur satirique.
Cabu a posé son regard sur notre époque, amusé, tendre, féroce, et juste. C’est un témoin humaniste de son temps, un journaliste qui dessine, un caricaturiste joyeux, un dessinateur de presse visionnaire. Présentée dans la salle Saint-Jean, au coeur de l’Hôtel de Ville, l’exposition « Le Rire de Cabu » propose 350 dessins cultes dont de nombreux inédits, 350 éclats de rire qui démontrent que l’on peut rire de tout, surtout lorsque cela fait réfléchir !
Ce sont des retrouvailles exceptionnelles avec ses personnages emblématiques tels que le Grand Duduche, le Beauf, Catherine Saute-au-paf ou encore l’adjudant Kronenbourg, et avec ses dessins pour l’émission de Dorothée qui ont marqué toute une génération de téléspectateurs. Tous les sujets chers à Cabu sont abordés (consommation, société, culture, les femmes, les jeunes, les cons, et la politique bien sûr !) et ses combats sont au premier plan : l’écologie, le pacifisme, la liberté d’expression.
Une dimension plus personnelle de l’artiste est à découvrir grâce à un tour d’horizon de ses maîtres et de ses copains inoubliables. Et l’exposition ne serait pas complète si elle ne donnait pas envie de dessiner, avec sa méthode unique pour devenir caricaturiste à votre tour !
Le parcours de l’exposition est organisé autour de 8 thèmes d’inspiration
- Les personnages de Cabu (Grand Duduche, le Beauf, Dorothée, Catherine, l’Adjudant Kronenbourg…)
À seulement 12 ans, le jeune Jean Cabut imagine déjà une galaxie de personnages qui sont ses semblables : les copains de classe.
Finalement, Cabu n’a jamais fait qu’observer avec acuité et décalage ceux qui gravitent autour de lui pour construire son propre univers.
Ses planètes sont ses personnages, qui ont fini par faire partie du quotidien des Français, tant ils sont des marqueurs de notre société. Une figure de proue en guise d’autoportrait qui va à l’encontre de la bêtise qui l’entoure : c’est le Grand Duduche. Tel Cabu – et comme tout personnage de bande dessinée – il ne vieillit pas et reste accroché à ses idéaux de jeunesse, s’emportant pour des indignations que d’aucuns jugent dépassées. Face à lui, le reste du monde, à commencer par les beaufs qui sont partout. Mais aussi les filles inaccessibles ou trop faciles, les militaires, les drogués… On peut dire que Cabu aura souffert de toute cette bêtise. Mais il n’a eu de cesse de la pointer du doigt.
- La France de Cabu (société, consommation, les femmes, les jeunes, Paris, les villes)
« Daumier du XXe siècle », « Balzac du dessin de presse »… Quelles que soient les comparaisons, Cabu est un chroniqueur infatigable de la société française qu’il connaît bien pour l’avoir dévisagée, scrutée dans ses moindres détails pendant plus de soixante ans de carrière. Les élans nationaux sont faits pour être dézingués, les faiblesses pour être mises au grand jour, les coups bas pour être révélés. En véritable journaliste, à travers ses reportages dessinés ou ses dessins satiriques, Cabu met en lumière tout ce que l’on glisse sous l’étendard tricolore dont se drapent les plus chauvins, aveuglés par leur orgueil. Toujours avec un humour qui fait mouche et bien souvent avec un talent visionnaire.
- Les présidents de Cabu (de Macron à Auriol)
Quand on pense que le plus ancien dessin de Cabu présenté ici est un dessin politique réalisé à seulement 12 ans, on se dit que l’encre noire du dessinateur satirique coulait déjà dans ses veines. Et il en a connu, des présidents de la République pour affûter son crayon et son sens politique ! C’est à partir de 1968 que le regard de Cabu sur les présidents – et sur la politique en général – va devenir de plus en plus exigeant.
Les valeurs qu’il défendait jusqu’alors dans les planches de Duduche vont trouver un écho dans les portraits des potentats publiés tour à tour dans L’Enragé, Hara-Kiri, Charlie Hebdo, Le Canard enchaîné naturellement, puis dans tous les journaux et lors de ses apparitions à la télévision. Regarder les dessins de Cabu sur les présidents, c’est regarder l’histoire de la Ve République. Un manuel à la portée de chacun puisque son humour invite, une fois de plus, à nous faire réfléchir à chaque instant.
- Les « people » de Cabu (de Johnny à Zemmour)
Le quart d’heure de célébrité devenait tangible quand vous aviez été dessiné par Cabu ! Mais attention, c’était souvent cruel, surtout quand le quart d’heure en question durait un peu trop longtemps. Lui qui a toujours détesté le rock n’a jamais aimé Johnny Hallyday.
Mais que l’on se rassure : il n’aimait pas non plus Jacques Brel ou Gilbert Bécaud. Cabu était un caricaturiste qui avait ses têtes. C’était encore pire pour ceux qui fanfaronnaient dans les médias : politiciens à l’affût des caméras, vedettes ringardes en mal de projecteurs, surbotoxées à la limite de l’explosion… Une fois que Cabu vous avait attrapé avec son crayon, il ne vous lâchait pas.
- Les combats de Cabu (écologie, pacifisme, liberté d’expression)
« Je m’insurgerai toujours contre l’injustice et la connerie », proclamait Cabu. Il ne manquait donc pas de travail ! Et pourtant, il regrettait de ne pas cogner assez fort pour faire passer ses convictions. « Je n’y arrive pas, je me trouve trop gentil. Il faut déranger… » Ses combats, Cabu les a toujours menés pacifiquement, à travers ses dessins pour dénoncer, tenant son rôle de provocateur (avec plusieurs dizaines de procès cumulés), brisant les tabous dans la bonne humeur, en veillant à toujours susciter la réflexion. Ses perpétuelles indignations contre les pollueurs, les militaires, les censeurs et les intégristes de tout culte ont marqué son œuvre – et donc ses lecteurs. Les visionnaires comme Cabu souffrent du même mal : ils ont raison trop tôt.
- Le panthéon de Cabu (les maîtres incontournables et les copains inoubliables)
De ses premières lectures qui vont l’influencer pour toujours à la transmission des gestes graphiques ou des valeurs à la génération suivante de dessinateurs, la carrière de Cabu est marquée par quelques figures emblématiques et des amitiés fortes quasiment fraternelles. De tous les maîtres, c’est le dessinateur humoristique Albert Dubout qui se détache largement, « l’homme aux 5 milliards de lecteurs » tant il a été publié dans toute la presse française pendant des décennies. Un parallèle avec Cabu ? Quoi qu’il en soit, entre les grands peintres du XVIIe siècle ou Picasso, les dessinateurs de presse du XIXe tels Daumier, Forain, Willette, puis les Bofa, Grove, Beuville, il est difficile de tout montrer tant les dessins de Cabu foisonnent d’influences multiples et de clins d’oeil respectueux glissés ici et là. Il en va de même pour les copains : de Fred, qui lui a fait rencontrer Cavanna et l’équipe naissante de Hara-Kiri, à Riss qui dirige désormais Charlie Hebdo, en passant par Goscinny, Gotlib, les autres dessinateurs du Canard… Le même goût du trait achevé et de l’idée traduite sur le papier forment un lien que seuls comprennent vraiment les dessinateurs.
- La méthode à Cabu (pour dessiner comme lui)
Cabu dessinait sans cesse, depuis qu’il était gamin avec le même enthousiasme enfantin. Son public de jeunes téléspectateurs de l’époque Dorothée le réjouissait : « C’est encore l’âge où l’on n’a pas peur de dessiner. » Alors, sur le principe du « si vous savez écrire, vous savez caricaturer », il avait théorisé sa méthode, offrant à chacun ses trucs et astuces pour se prendre au jeu de dessiner comme Cabu. Mais attention à la ressemblance : « C’est la moindre des politesses pour un caricaturiste », dit-il. Pour réaliser le bon portrait d’un nouveau venu dans le champ médiatique, Cabu procède par analogie. Il rapproche ainsi François Mitterrand de Louis Jouvet. Mais la confrontation en réel au sujet à dessiner reste la voie royale. C’est là que Cabu peut révéler la vraie personnalité du modèle. Pour lui, la moitié du travail est accomplie si le regard du caricaturé est réussi ! À vous d’essayer...
- La Trèfle de Cabu (sa voiture)
Lui qui n’aimait pas les voitures, qui leur reprochait de polluer, de pousser les conducteurs à devenir beaufs, était complètement accro à sa vieille guimbarde qui ne démarrait qu’une fois sur trois, péniblement… L’attachement de Cabu était sans doute dû à toutes les balades et toutes les blagues qu’il avait faites à son volant depuis ses 20 ans ! La Trèfle de Cabu est présentée dans l’exposition.
« Dessinateur de presse », c’est ainsi que CABU se qualifiait
La diversité de sa palette, l’étendue de son œuvre, la longueur de sa carrière… portent à dépasser cette dénomination. Et pourtant, tout y est résumé. Avec la liberté d’esprit qui le caractérisait et les valeurs qu’il a toujours soutenues, Cabu a porté le dessin de presse satirique au-delà de la simple case qui lui est (de moins en moins) réservée dans les colonnes des journaux. Les dessins de Cabu sont des éclats de rire, des « coups de poings dans la gueule », des œuvres qui offrent à penser. Tous démontrent sa démarche permanente : on peut rire de tout, surtout lorsque cela fait réfléchir !
C’est pourquoi les quelque 350 œuvres présentées ont été choisies car elles portent en elles cette double vocation. Dans la presse avec Pilote, Hara-Kiri, Charlie Hebdo, Le Canard Enchaîné, à la télévision pour « Droit de Réponse » de Michel Polac ou pendant « Récré A2 » avec Dorothée, Cabu s’est exprimé sur tous les sujets : politique, société, culture… Il a créé des personnages désormais inscrits dans notre patrimoine, comme le sont ses caricatures des personnalités et hommes politiques.
Grâce à Cabu, plusieurs générations de lecteurs et de téléspectateurs ont appris à chaque âge à distinguer les beaufs des grands duduches.
Enfin, la dimension artistique de sa palette graphique vous démontrera qu’entre les techniques, formats et modes d’expression, Cabu ne s’est jamais rien interdit. Il ne manquerait plus que l’on mette des barrières entre Cabu et son envie de nous faire rire !
L’accueil du jeune public et du public scolaire sera privilégié avec l’organisation d’ateliers autour du dessin de presse et de la caricature, la mise à disposition d’un livret-jeu pour les 7-12 ans et d’un livret pour les enseignants permettant de préparer les visites scolaires.
- Exposition Le Rire de Cabu à l’Hôtel de Ville, du 9 octobre au 19 décembre (entrée gratuite, sur inscription).
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