Fabrice Luchini récite "Le Mendiant" de Victor Hugo

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Fabrice Luchini récite "Le Mendiant" de Victor Hugo

Par
Fabrice Luchini
Fabrice Luchini
© Radio France - Anne Audigier

Amateur de poésie ou étudiants et étudiantes qui allez passer le bac de Français cette année, Fabrice Luchini vous propose un coup de projecteur sur un poème de Victor Hugo, issu du recueil "Les Contemplations" : "Le Mendiant".

De mémoire, Fabrice Luchini, qui était l'invité d'Augustin Trapenard, récitait comme il sait si bien le faire un poème de Victor Hugo extrait du recueil Les contemplations, paru en 1856. Dans son spectacle "Des écrivains parlent d'argent", Fabrice Luchini évoquait le sujet de la pauvreté avec ce texte et où Hugo, qui avait une relation complexe à l'argent, mythifie totalement ce personnage misérable qu'il invite à rentrer chez lui.

"Le mendiant" de Victor Hugo

Fabrice Luchini dit "Le mendiant" de Victor Hugo - Poésie

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Un pauvre homme passait dans le givre et le vent.

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Je cognai sur ma vitre ; il s'arrêta devant

Ma porte, que j'ouvris d'une façon civile.

Les ânes revenaient du marché de la ville,

Portant les paysans accroupis sur leurs bâts.

C'était le vieux qui vit dans une niche au bas

De la montée, et rêve, attendant, solitaire,

Un rayon du ciel triste, un liard de la terre, 

Tendant les mains pour l'homme et les joignant pour Dieu.   

Je lui criai: "Venez vous réchauffer un peu.    

"Comment vous nommez-vous ?" Il me dit : "Je me nomme le pauvre".   

Je lui pris la main: "Entrez, brave homme".   

Et je lui fis donner une jatte de lait.    

Le vieillard grelottait de froid; il me parlait,    

Et je lui répondais, pensif et sans l'entendre.    

"Vos habits sont mouillés, dis-je, il faut les étendre    

Devant la cheminée". Il s'approcha du feu.    

Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu,    

Étalé largement sur la chaude fournaise,    

Piqué de mille trous par la lueur de braise,    

Couvrait l'âtre, et semblait un ciel noir étoilé.    

Et, pendant qu'il séchait ce haillon désolé    

D'où ruisselait la pluie et l'eau des fondrières,   

Je songeais que cet homme était plein de prières,    

Et je regardais, sourd à ce que nous disions,    

Sa bure où je voyais des constellations

Victor Hugo et la France de son époque

Victor Hugo écrivit ce poème en décembre 1834, bien avant qu'il ne se place dans le livre V des Contemplations, intitulé par l'auteur En marche. A l'époque, il est encore un jeune auteur de 32 ans et un père de famille, marié à son amie d'enfance Adèle Foucher. Avec leurs quatre enfants, ils quittent le 6, place des Vosges dans le IVe arrondissement de Paris pour le Château des Roches à Bièvres. Entre vie de famille et écriture, c'est aussi avec sa maîtresse Juliette Drouet qu'il partage son temps.

Victor Hugo écrit sur le peuple, observe la pauvreté de ce pays dans lequel il vit et dénonce les injustices à travers ses œuvres. La France est alors redevenue une monarchie libérale, celle du roi citoyen Louis-Philippe, qui avait déjà goûté aux désordres des barricades et aux tentatives révolutionnaires au début de son règne.

La France subit alors des secousses sociales. Depuis février, une situation insurrectionnelle s'était installée dans le pays comme à Grenoble, Marseille ou Saint-Etienne... Les déclencheurs sont multiples : les crieurs publics qui donnent en quelques sortes les actualités à la rue sont soumis à des autorisations pour exercer leurs fonctions. De plus, la monarchie veut contrer les associations républicaines... 

La ville de Lyon connaît des révoltes au mois d'avril après que des meneurs de grèves sont arrêtés. Des artisans, des ouvriers, élèvent des barricades En cause ? Des baisses de salaires alors que l'économie se portait bien. La seconde révolte des Canuts porte aussi le nom de Semaine sanglante, car celle-ci est réprimée dans le sang par le ministre de l'intérieur Adolphe Thiers. 

La ville de Paris connaît également, la même semaine, des manifestations ouvrières qui furent sévèrement réprimées et se conclurent par le massacre de la rue Transnonain dans le IIIe arrondissement. 

Quelques semaines après, Victor Hugo publie dans la revue de Paris Claude Gueux, un court roman où il dénonce la peine de mort et les prisons de l'époque. Son héros, un ouvrier qu'il qualifie d'honnête, vole du pain pendant l'hiver pour nourrir sa famille. Un acte qui coûte à ce pauvre Claude Gueux cinq ans d'emprisonnement dans la prison centrale de Clairvaux, cinq ans qui le mènent ensuite vers un funeste destin. 

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