Fake News : quand les artistes démontent les mécanismes des fausses informations, ça fait encore plus peur
Par Christine Siméone
L'exposition "Fake News : Art, Fiction" réunit des propositions artistiques de tous pays. Elle montre plusieurs visions sur les nouveaux codes qui s'imposent désormais dans nos échanges sur internet et sur la capacité des intelligences artificielles à donner l'apparence de la réalité à des situations inventées.
Les fausses informations sont un véritable poison diffusés sur les réseaux sociaux. La force de ces désinformations de masse est au mieux de simplifier à outrance la compréhension du monde, de conforter les croyances et les idées reçues et au pire de fabriquer des réalités imaginaires. Et l'on n'a pas fini de s'interroger sur les bonnes mesures, les bonnes lois à mettre en place pour aider les internautes à repérer les informations les plus fiables, honnêtes et de bonne foi.
Du 27 mai 2021 au 30 janvier 2022, Fake News : Art, Fiction est à découvrir à la fondation Edf à Paris. Les artistes qui y présentent leurs travaux interrogent indirectement sur la fabrication, la diffusion et l'impact des fausses informations et des échanges sur internet.
Le like par exemple, n'est il pas comme veut nous le montrer le singapourien Kevin Lau, le nouveau diamant, le superbe cadeau que l'on fait à ceux que l'on "aime" ? Les facettes des mots "ami" et "aimer", se sont multipliées depuis l'avènement des réseaux sociaux, et des cœurs et des pouces qui parsèment nos conversations. Que dire aussi de cet artiste hacker qui a organisé un faux embouteillage à l'attention de Google Maps ? Simon Weckert avec son projet #googlemapshacks a dupé l’algorithme de Google Maps en transportant 99 smartphones dans un chariot tiré à vitesse réduite en plein centre de Berlin. Tous ces signaux GPS émis par les appareils ont fait croire à Google Maps à l'existence d'un embouteillage. N'est ce pas là l'illustration de nos futures conversations en ligne, avec des robots, et de nos futures tentatives de reprendre du pouvoir sur eux ?
Quand les artistes démontent les mécanismes de falsification
Les œuvres présentées ne dénoncent pas forcément la fausse information, mais "on a choisi ces artistes parce que dans leurs œuvres, ils mettent en œuvre les procédés de fabrication des fake news. Ils mettent en œuvre des ressources techniques et les outils nécessaires, et cela nous permet d'attirer l'attention du grand public" explique Laurent Bigot, directeur de l'École publique de journalisme de Tours et membre de l'équipe de commissaires qui a conçu l'exposition.

Du canular à la déconstruction
On retrouve dans cette présentation la fameuse fausse Une du New York Times par les Yes Men en 2008, œuvre-canular distribuée à un million d’exemplaires. Le faux journal annonçait, entre autres (bonnes mais fausses) nouvelles incroyables, la fin de la guerre en Irak, l'abrogation du Patriot act, une loi sur le revenu maximum adoptée, l'extension des pistes cyclables. C'était une semaine à peine après l'élection d'Obama, le monde avait changé comme par miracle. "On a un plan pour nous aider à imaginer un autre monde possible" ont dit les Yes Men lors de la sortie de leur faux journal.
Alain Josseau avec G255 montre qu'avec quelques bouts de cartons et un fond vert, on filme facilement une soi-disant ville bombardée.
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"'C'est vrai que l'exposition peut aussi avoir un petit côté effrayant parce qu'on voit à quel point toutes les sources d'information peuvent regorger de petites petites trahisons de la vérité. Et c'est vrai que le grand public peut très bien se dire sans journalistes, vérificateurs professionnels, on n'a aucune chance de s'en sortir" explique Laurent Bigot qui est aussi directeur de l'École publique de journalisme de Tours.
Il insiste sur l'enjeu colossal que représente l'éducation aux médias dès les plus jeunes années, au sein des établissements scolaires. "Le message auquel on arrive plutôt sur la fin de l'exposition, au moment où on essaie d'évoquer ce qu'on a appelé les remèdes, c'est la question de l'éducation aux médias. Ce qu'on que l'on peut espérer, c'est non pas qu'il y ait à chaque fois un fact checking derrière nous pour nous dire attention, ça peut être faux, mais on espère que chaque individu puisse acquérir un certain regard critique vis-à-vis de ce qui défile sur les écrans et sur les réseaux sociaux. Si on est armé, si on l'apprend à l'école, et bien peut être qu'on sera capable ensuite de ne plus tomber dans tous les pièges. Ou en tout cas, d'avoir ce petit moment de recul qui permet de confronter l'information qu'on a devant soi à une autre information. Faire un petit recoupement et du coup, de mieux s'en sortir, de mieux savoir si on peut faire confiance ou pas à telle ou telle source".
Plus poétique, Samuel Rousseau, montre dans la partie diffusion de cette exposition, la dissémination des informations fausses, en continu dans toutes les directions. "Rousseau a conçu une boule de papier journal de laquelle des milliers de petits points lumineux, les fakes news, s'échappent et viennent occuper tout l'espace, en permanence. Alors, ça le montre avec poésie, tandis que tout un tas d'autres œuvres ici vont plutôt se focaliser sur des aspects, plus techniques de la fabrication de l'information" explique Laurent Bigot.

Le doute, on l'oublie trop souvent, ce n'est pas uniquement de remettre en cause les informations données, c'est aussi le doute sur nos propres préjugés, ceux qui viennent filtrer notre perception de la réalité. Ne regarder le monde qu'à l'aune de ses propres croyances, c'est aussi fabriquer un réel formaté, mal formé, mal informé. Peut-être le sujet d'une prochaine exposition.
► Du 27 mai 2021 au 30 janvier 2022, Fake News : Art, Fiction, à la Fondation groupe Edf à Paris.