Festival d'Angoulême 2023 : quelles sont les quatre expos à ne pas rater ?
Par Anne Douhaire-Kerdoncuff
Un monde de terreur, les relations entre musique et BD, l’Afrique à travers une héroïne pétillante, et un monstre du 9e art… Coup de projecteur sur quatre expositions à ne pas rater au 50e Festival international de la bande dessinée d'Angoulême.
Rock ! Pop ! Wizz ! Quand la musique monte le son : Rock et BD, le mariage d’amour
Peut-être l’exposition la plus ébouriffante du Festival. Les liens entre la BD et la musique sont anciens. Au départ, il s’agissait de livres-disques, ou d’illustration d’album 33 tours. Petit à petit, les deux arts se sont déployés dans les fanzines, les comics et les revues comme Métal Hurlant.
Au point qu’aujourd’hui la musique est partout en BD. Dans les autobiographies – le travail de Charles Berberian, ou lorsque Magali Le Huche raconte sa phobie scolaire via les Beatles dans Nowhere girls. Dans des biographies (Robert Johnson dans Love in vain, Jimi Hendrix dans Kiss the sky par Mezzo et JM Dupont…) voire dans des encyclopédies dessinées (Le petit livre de la musique black par Bourhis et Brüno)… Joost Swarte a raconté l’écoute de la musique en une seule image, tandis que d’autres ont évoqué leur passion (Chroquettes ou Lockgroove comix par JC Menu), ou ont chroniqué des concerts (Alive par Luz)… En plus de 200 originaux qui présentent le travail d’une cinquantaine d’auteurs, et la guitare de Philippe Druillet, cette exposition révèle l’esprit rock de la BD.
Vincent Brunner, co-commissaire de l’exposition : « On a voulu montrer ici comment la BD, après un feu d’artifice des débuts de la BD rock, s’est infiltrée partout dans la musique. Sauf peut-être dans la BD rap. Peut-être parce que ce côté viscéral qui liait la BD et le rock n’est pas présent dans ce genre musical. Aujourd’hui, la tendance de la BD musicale est à la biographie iconique : la vie d’icônes de la musique. Je crois que Magali Le Huche prépare un livre sur Joe Strummer. Reinhard Kleist travaille sur un projet autour de David Bowie, après son Nick Cave. Comme des musiciens qui reprennent des morceaux, les auteurs de BD revisitent des vies d’artistes que l’on croit connaître. Et tout est possible : quand Prosperi Buri s’attaque au Velvet Underground, il pousse le curseur de l’irrespect très loin. La bande dessinée devient l’un des meilleurs vecteurs possibles pour parler musique, alors que par essence, c'est un art muet, même si les mots résonnent dans nos têtes. »
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À voir aussi à la Cité de la BD : l’exposition "Fabcaro sur la colline" qui met en lumière le travail de l'auteur de Zaï Zaï Zaï qui manie l’absurde de façon exceptionnelle, tout en se prétendant très banal.
Marguerite Abouet : récits d’Afrique
La plus rafraîchissante des expositions d'Angoulême est consacrée à la scénariste Marguerite Abouet. La créatrice d’Aya de Yopougo, d’Akissi et de Commissaire Kouamé est, avec Julie Doucet, l’une des seules femmes de BD honorée par une expo lors de cette 50e édition.
Dans une scénographie joyeuse, ses personnages de prédilection pour parler de l’Afrique, mais pas seulement, se présentent. Aya de Yopougo, tranche de vie cote d’ivoirienne des années 1970 avec à sa tête la truculente Aya, nous replonge dans une Côte d'Ivoire avide de modernisation. L’héroïne accompagnée de ses acolytes volubiles Bintou et Adjoua est née en 2005 sous le stylo de Marguerite Abouet et les crayons de Clément Oubrerie. L’année d’après, elle remportait un prix à Angoulême. Suivront Akissi (avec Mathieu Sapin), que Marguerite Abouet décrit comme étant elle-même, enfant, Commissaire Kouamé (avec Donatien Mary), un polar en Afrique, et Bienvenue (avec Singeon), la vie d’une étudiante aux beaux-arts.
Dans l’écriture de Marguerite Abouet, le langage et les dialogues tiennent une place très importante. Ils participent à rendre les histoires les plus vivantes possibles… Dans l’exposition, sont présentés ses carnets de croquis qu’elle donne aux dessinateurs. Ses récits, elle les croque depuis des lieux publics (squares, cafés…) où elle capte des scènes de vie qu’elle restitue agrémentées de notes joyeuses dans ses livres.
Marguerite Abouet : « J’ai commencé à raconter des histoires en arrivant en France à 12 ans. Les questions posées par mes nouveaux camarades montraient qu’ils ne connaissaient rien à l’Afrique. Je leur expliquais comment nous vivions. Comme je voulais qu’ils m’acceptent, j’ai même un peu brodé : une morsure de serpent, une chasse au lion… Ensuite, quand pour gagner ma vie, je gardais des enfants, ma télévision est tombée en panne. Je déprimais. J’ai commencé à écrire des histoires de mon enfance par peur d'oublier. Puis au moment de créer Aya, je me suis dit qu’il fallait montrer une Afrique différente de celle présentée dans les médias. Ma mère nous racontait des histoires, mais c’est surtout de mon grand-père que me vient mon amour des récits. J’allais chez lui l’été avec mes cousins. Il nous racontait des légendes incroyables avec des personnes très proches de la nature. Il savait ménager le suspens. »
ÉCOUTER | Marguerite Abouet, invité de l'émission Totémic
Les aventures d’Aya de Yopoungo par Marguerite Abouet avec Clément Oubrerie, d’Akissi avec Mathieu Sapin, et du Commissaire Kouamé avec Donatien Mary sont parues chez Gallimard BD.
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Druillet : magistral et psychédélique
Au musée d’Angoulême, on retrouve l’œuvre d’un imposant artiste touche-à-tout : peinture, photo, décor d’opéra, BD… Au mur, de la SF qui a inspiré le cinéma américain, du rock Métal hurlant, une composition qui éclate, des peintures impressionnantes, des planches qui sortent petit à petit du cadre avec une constante : des gueules béantes. Ces bouches crient la rage de ce fils de collabo de sortir de sa condition par tous les moyens et l’envie de cet athée de remettre du sacré dans l’art.
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LIRE | Je ne donne pas 100 ans à l'espèce humaine
ÉCOUTER | L'exposition Philippe Druillet dans Bulles de BD
Junji ito : le grand frisson de l’horreur
Qui dit horreur, dit ambiance : des rues brumeuses, humides, désertes. Qui dit horreur dit aussi arme pour hémoglobine : des couteaux, des cutters, des barres de fer. Qui dit horreur dit, enfin, victimes : des hommes, des femmes qui crient, hurlent… L'horreur a des principes immuables, des codes. La littérature a eu Lovecraft, puis plus tard, Stephen King. Le cinéma a eu ses Freddy Krueger (le croquemitaine des Griffes de la nuit) et autres Dexter. Le manga, lui, a Junji Ito.
ÉCOUTER | Junji ito dans Bulles de BD
Et aussi
• Des propos souvent trash sur les hommes, la sexualité, ou les règles, servis par un dessin décalé, efficace, espiègle… Une trop petite présentation et rapide de l’œuvre du Grand Prix 2022 Julie Doucet donne à voir toute l’inventivité narrative de cette autrice québécoise.
• Couleurs : ou comment la couleur rehausse le dessin, mais pas seulement.
• L’attaque des titans : l'œuvre de
Hajime Isayama présentée dans un écrin inspiré de l'histoire de ces géants, touchants parce que très ressemblants aux humains. ÉCOUTER |
Le 13/14 en direct de Manga city avec Fausto Fasulo, commissaire de l'exposition.
• La relève : au Pavillon Jeunes talents, les planches des primés 2023, les auteurs de demain.
• Une exposition très documentée sur l'album Madeleine Riffaud avec des documents originaux éclairants sur la vie de la Résistante, et le travail effectué sur la BD.