Filiation, remboursement, anonymat : tout ce qu'il faut savoir sur le projet de loi sur la PMA
Par Valérie CantiéLe projet de loi bioéthique, qui va notamment autoriser la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes, est présenté ce mercredi en conseil des ministres.
"Tous les voyants sont au vert pour autoriser la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes", a assuré sur France Inter ce mercredi Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé.
Le projet de loi bioéthique, qui contient l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, est présenté ce mercredi en Conseil des ministres pour un examen à l'Assemblée nationale à partir du 24 septembre. La loi bioéthique est révisée tous les sept ans, et c'est la raison pour laquelle elle le sera à l'automne prochain.
Comment sera établie la filiation de l'enfant d'un couple de femmes né de PMA ?
Les couples de femmes pourront aller devant un notaire avant la conception de l'enfant, faire une déclaration de volonté anticipée. À partir de là, quand l'enfant naîtra, les deux femmes seront parents au même moment et au même titre, ce qui n'est pas le cas actuellement. Aujourd'hui, en effet, seule la mère qui a porté l'enfant est sa mère aux yeux de la loi. Pour les enfants issus d'un couple hétérosexuel ou d'une femme célibataire, rien ne change concernant la filiation.
L'état civil d'un enfant né par PMA en France sera-t-il différent de celui des autres enfants ?
Oui : "Nous souhaitons que lorsqu'un enfant sera né dans un couple de femmes, il soit spécifié dans son état civil qu'il est né d'un donneur", a déclaré Agnès Buzyn sur France Inter. Il sera noté dans l'état civil que les deux mères ont fait une déclaration de volonté de parentalité auprès d'un notaire ou d'un juge.
En revanche, l'extrait d'acte de naissance (utilisé pour tout acte administratif) ne comportera pas cette mention.
Les couples hétérosexuels ayant recours à la PMA doivent déjà faire une telle déclaration devant notaire ou juge. Mais cette mention ne doit pas être inscrite dans l'état civil de l'enfant. Et le projet de loi ne prévoit pas de changement à ce sujet. Donc, l'enfant d'un couple hétérosexuel ayant eu recours à la PMA n'aura pas accès aux informations sur sa conception, alors que l'enfant d'un couple de femmes oui.
Au cabinet de la Garde des Sceaux, on précise que cette disposition est destinée à sécuriser la filiation de ces enfants.
L'anonymat est-il levé pour les donneurs ?
En partie. Pour l'instant, les donneurs sont anonymes en France. Mais avec cette loi, les donneurs, au moment du don dans un centre de procréation médicalement assistée, pourront autoriser (ou pas) de donner leur identité, afin d'être éventuellement contacté par l'enfant à sa majorité. Autrement dit, le donneur aura le choix d'être "donneur anonyme" ou "donneur ouvert", comme c'est le cas par exemple au Danemark.
Cela va permettre à l'enfant d'avoir accès à ses origines, comme cela se passe dans d'autres pays, à sa majorité. L'enfant pourra entrer en contact avec le donneur et/ou la donneuse. "Cela ne crée aucune filiation avec le donneur de sperme et/ou la donneuse d'ovocyte" précise la ministre. L'enfant à sa majorité pourra contacter une commission afin de consulter le registre des donneurs tenu par l'Agence de la biomédecine.
Est-ce qu'une femme seule n'ayant pas de problème de fertilité pourra avoir le droit à la PMA ?
Oui. Les femmes seules ne souffrant pas de problème de fertilité pourront bénéficier de la PMA, tout comme les couples de femmes et les couples hétérosexuels.
Nicole Belloubet, Garde des sceaux, a déclaré ce mercredi matin sur franceinfo : "Nous considérons que cela fait partie d'un choix intime de la personne. À partir du moment où elle s'engage dans ce choix-là, nous pouvons l'accompagner. C'est donc un point sur lequel nous souhaitons avancer avec ce texte."
Est-ce que la Sécurité sociale remboursera la PMA ?
Oui, du moment que la femme concernée par la procréation (qu'elle soit en couple de femmes, en couple hétérosexuel ou célibataire) a l'âge maximal requis. Peu importe qu'elle soit en couple hétérosexuel, homosexuel ou qu'elle soit célibataire. Ceci évitera une discrimination sociale entre celles qui auront les moyens financiers de pratiquer une PMA et celles qui ne les auront pas, comme c'est le cas actuellement avec les femmes qui peuvent partir à l'étranger faire pratiquer une PMA.
Ce projet de loi sur la PMA est-il une ouverture à la GPA, la gestation pour autrui ?
Non. La ministre des Solidarités et de la Santé l'a rappelé ce mercredi sur France Inter :
"Il n'y a aucun risque de passer de la PMA à la GPA, c'est à dire les mères porteuses. Pour nous, la GPA est la marchandisation du corps humain, et le fait qu'on utilise le corps d'une femme en échange d'argent est clairement contraire à nos principes éthiques."
Un député LREM, Aurélien Taché, propose un amendement permettant d'autoriser la GPA au sein d'une même famille (par exemple entre deux sœurs), au nom de la solidarité. "La GPA n'étant pas dans le texte, aucun amendement ne sera recevable sur le sujet, selon Agnès Buzyn. Nous ne souhaitons pas ouvrir la voie à la gestation pour autrui car c'est contraire à nos principes éthiques."
Les femmes pourront-elles conserver leurs ovocytes pour avoir un enfant plus tard ?
Oui. Le projet de loi bioéthique prévoit que les femmes pourront congeler leurs ovocytes et les hommes congeler leur sperme en vue de la réalisation ultérieure à leur bénéfice d'une PMA. Aujourd'hui, cette conservation n'est possible que pour des raisons médicales.
Il faudra un consentement par écrit de la personne. La conservation ne pourra être réalisée que dans des établissements autorisés. La personne concernée devra répondre à un critère d'âge (inconnu pour l'instant, mais Agnès Buzyn évoque "la trentaine") et devra payer des frais de conservation (environ 100 euros par an).
L'ouverture à la PMA pour toutes n'est-il pas un pas vers l'eugénisme ?
Non. Comme l'a affirmé Agnès Buzyn sur France Inter, "la dignité du corps humain, la liberté de choix et le principe de solidarité sont aujourd'hui les fondements des lois de bioéthique. Ces valeurs éthiques ne seront pas mises à mal par ce nouveau texte."
Et la ministre d'ajouter : "Certains évoquent l'intérêt de l'enfant pour s'opposer à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes mais toutes les études montrent aujourd'hui que tout enfant né dans un couple de femmes ou élevé par une femme célibataire n'ont pas plus de problèmes ou des problèmes différents des enfants élevés par des couples hétérosexuels."