Un mort et des milliers de contaminations : que sait-on de la vague de Covid en Corée du Nord ?

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Un mort et des milliers de contaminations : que sait-on de la vague de Covid en Corée du Nord ?

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Le dirigeant nord-coréen Kim Jong apparaît avec un masque le 12 ami 2022.
Le dirigeant nord-coréen Kim Jong apparaît avec un masque le 12 ami 2022.
© AFP - Anthony Wallace

Jusqu’à présent, les frontières étaient restées imperméables. La Corée du Nord avait résisté au Covid-19. Ce n’est plus le cas. Le pays compte un premier mort du Covid et des milliers de malades.

C’est une déferlante, et ce n’est, semble-t-il, que le début. La Corée du Nord a recensé son premier mort du Covid-19 vendredi, quelques heures seulement après avoir annoncé l’arrivée du coronavirus dans le pays et les milliers de cas de contaminations. Mais parce que les informations sont transmises par l’agence de presse officielle, on peut imaginer qu’elles sont parcellaires et que la situation est bien pire en réalité.

Que disent les premiers chiffres ?

"Une fièvre dont la cause n'a pu être identifiée s'est propagée de manière explosive dans tout le pays à partir de la fin avril", affirme la KCNA, l'agence de presse officielle nord-coréenne. "Plus de 350.000 personnes ont présenté de la fièvre en peu de temps et au moins 162.200 d'entre elles sont complètement guéries", précise KCNA. "Rien que le 12 mai, quelque 18.000 personnes ont eu de la fièvre à travers tout le pays et, à l'heure actuelle, 187.800 personnes sont isolées et soignées." En revanche, l'agence d’Etat ne précise pas combien ont été testées positives au coronavirus et au sous-variant BA.2 d'Omicron. Très virulent et contagieux, il est devenu majoritaire dans une grande partie des pays du globe.

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Le dictateur Kim Jong Un est apparu à télévision jeudi en portant un masque, une première. "Il y a des informations indirectes" sur la situation en Corée du Nord analyse Antoine Bondaz, spécialiste de l’Asie à la Fondation pour la recherche stratégique, interrogé par France Inter. "Le fait que Kim Jong Un appelle personnellement à une forme de gestion de crise, qu'il apparaisse en public, masqué, tout cela met en scène la gravité politique de ce qui se passe en Corée du Nord, de la gravité sanitaire et de la volonté des autorités sanitaires de faire face."

Comment le virus s’est propagé ?

La Corée du Nord a été l'un des premiers pays au monde à fermer ses frontières en janvier 2020 après l'apparition du virus dans la Chine voisine. Plusieurs pistes sont évoquées pour expliquer l’arrivée du Covid-19 en Corée du Nord, car le pays n’est pas si coupé du monde que ça. Il y a toujours des échanges commerciaux à la frontière. Une personne contaminée a pu se rendre clandestinement en Corée du Nord.

Un défilé militaire organisé le 25 avril a pu avoir le rôle de super propagateur. Des milliers de coréens ont fêté ce jour-là le 90e anniversaire de la fondation de l’Armée révolutionnaire populaire coréenne. Ni les participants ni les spectateurs ne portaient de masque. "L'organisation d'une parade militaire à laquelle a assisté une grande foule, alors que l'Omicron faisait rage en Chine voisine, montre que Pyongyang était trop confiant dans ses capacités à combattre et à prévenir le virus", a affirmé à l'AFP Cheong Seong-chang, spécialiste de la Corée du Nord à l'Institut Sejong. Pour Hong Min, chercheur à l'Institut coréen pour l'unification nationale, basé à Séoul, l'actuelle épidémie de Covid-19 est "étroitement liée à la parade du 25 avril". Les spectateurs étaient entassés sur la place Kim Il Sung à Pyongyang pour voir défiler les soldats et applaudir le passage de chars, de lance-roquettes et de gros missiles balistique intercontinentaux

Antoine Bondaz a un autre avis. Il faut remonter "au début du mois de mars" selon lui. "Il y a eu une flambée de l’épidémie en Chine au niveau de la frontière avec la Corée du Nord. On sait que ce niveau de la frontière n’est pas parfaitement hermétique contrairement aux villes point de passage par exemple. Il y a pu avoir des contaminations à la frontière."

Dans quel état est le système de santé nord-coréen ?

Le pays manque de médicaments à cause du blocus aux frontières. "Les familles des patients doivent acheter des médicaments au marché noir, et les médecins sont contraints de pratiquer des soins clandestins pour gagner leur vie", note Sokeel Park de l'organisme Liberty in North Korea. Si l’épidémie s’accélère, les hôpitaux seront très vite saturés, étant donné leur vulnérabilité. Ils sont vétustes, d’un autre âge et sous-dotés. Aucun des 25 millions d’habitants n’est vacciné contre le Covid-19. Depuis deux ans et demi, la Corée du Nord a toujours refusé les offres de vaccination de l’Organisation mondiale de la santé, de la Chine et la Russie. De plus, le pays ne dispose pas de ces grands frigos spécialisés pour stocker les vaccins les plus efficaces contre la maladie, comme ceux de Pfizer et Moderna.

Selon les derniers chiffres de l'Organisation mondiale de la santé, relayés par Associated Press, la Corée du Nord a réalisé 64 207 tests anti-Covid entre début 2020 et le 22 mars 2022. Tous se sont révélés négatifs. Il n'y a pas d'hôpitaux équipés d'unités de soins intensifs dans les zones rurales ou les petites villes, où vit la majorité des 25 millions d'habitants du pays. Le système de santé défaillant de la Corée du Nord aurait probablement du mal à aider les personnes souffrant d'effets secondaires des vaccins, ce qui pourrait expliquer le rejet des dons de vaccins, selon des experts interrogés par l’AFP.

Pourquoi la Corée du Nord communique ?

Kim Jong-un a demandé à sa population de se confiner, pour ne pas propager le virus. Combien de temps les habitants pourront-vivre ainsi ? Avant même l’arrivée du virus, les coréens vivaient dans une extrême pauvreté. Si les marchés ferment, c’est l’une des principales sources de revenus qui disparaîtra pour de nombreux commerçants. L’an passé, les médias d'État ont affirmé que le pays était confronté à une "crise alimentaire", un expert des Nations unies avait averti que les populations vulnérables risquaient de mourir de faim.

"La plupart des Nord-Coréens souffrent de malnutrition chronique", a déclaré Lina Yoon, chercheuse pour Human Rights Watch. "La Corée du Nord n’a pas les capacités chinoises de dépister massivement et rapidement ses habitants" ajoute Antoine Bondaz. Ils vont devoir gérer à l’aveugle cette épidémie. "En publiant ces chiffres aujourd'hui, certains disent que la Corée du Nord montre qu'elle pourrait enfin accepter une aide extérieure" explique la correspondante à Séoul de la BBC Jean Mackenzie.

D’après Hong Min, analyste à l'Institut coréen pour l'unification nationale de Séoul, "la réponse de la Corée du Nord à la pandémie consistera principalement à isoler les personnes présentant des symptômes dans des centres" explique-t-il à l’agence de presse américaine Associated Press. "La Corée du Nord n'a pas les ressources pour imposer des confinements extrêmes comme en Chine, qui a fermé des villes entières et confiné les habitants chez eux". En restant coupé du monde, la Corée du Nord n’arriverait pas à faire face à l’épidémie, et ce pourrait être l’hécatombe.