Formation et financement : le double enjeu qui attend le cyclisme féminin tricolore pour perdurer

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Formation et financement : le double enjeu qui attend le cyclisme féminin tricolore pour perdurer

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En deuxième position sur la photo, la française Juliette Labous (DSM), qui vise un Top 5 au classement général.
En deuxième position sur la photo, la française Juliette Labous (DSM), qui vise un Top 5 au classement général.
© Maxppp - Vincent VOEGTLIN

Enfin de retour, le Tour de France femmes a mis sur le devant de la scène les 24 coureuses françaises sur la ligne de départ. Pour hausser encore le niveau et assurer à ces femmes (et les prochaines) de vivre de leur sport, il faudra accentuer la formation et le financement des équipes.

Le Tour de France femmes s'achève ce dimanche avec une arrivée mythique pour cette huitième et dernière étape : la Super planche des belles filles. Depuis huit jours, le retour de la course au féminin est largement médiatisé et salué, après près de 70 ans de combat pour l'égalité femmes-hommes dans le cyclisme. Entre l'engouement et le public au bord de la route, on peut dire que ce retour du Tour de France femmes est "un pari réussi", assure la directrice de course Marion Rousse. Cette première étape passée, un double enjeu attend la Fédération, les clubs et les équipes : il faudra plus d'argent et de formation, l'un n'allant pas sans l'autre.

Seulement 10% de femmes licenciées dans la Fédération

À la rentrée, avec l'effet Tour de France, certaines jeunes filles voudront s'inscrire en club après avoir admiré Juliette Labous, qui vise un Top 5 au général, ou Victoire Berteau, élue super combative de la 4e étape. Mais peut-on les accueillir ? Les femmes représentent à peine plus de 10% des licenciés de la Fédération Française de cyclisme, assure Marie-François Potereau, vice-présidente de la FFC. En charge notamment de la mixité, elle s'est donné pour mission de "rééquilibrer quelque chose qui n’était pas équilibré”. "Dans un club de garçons où des filles veulent venir, c’est parfois difficile pour elles. Il font donc trouver une solution dans les clubs, dès le plus jeune âge avec une stratégie plus en amont. On a par exemple réformé le trophée des pupilles, avec une obligation d'équipes mixtes."

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"Il y a une énorme disparité entre les régions. En Bretagne par exemple, il y a une course féminine tous les week-end, dans d'autres endroits c'est à peine une par mois", ajoute Gael Le Bellec, manager de l'équipe Cofidis, qui veut également rappeler le travail des bénévoles dans les clubs du pays. Lui repère notamment les coureuses sur les coupes de France amateur ou les courses nationales. "Il faudra accentuer en France la formation pour accompagner les cyclistes et pour donner envie aux jeunes filles. Aujourd'hui si elle ne sont pas dans un pôle France, aujourd'hui ce sera compliqué pour elles. Il faut créer plus de structures, et un pôle uniquement route", poursuit-il. “La formation, c’est comme ça que ça devient un sport de très haut niveau”, abonde Joona Laukka, ancien cycliste professionnel aujourd'hui agent de coureurs qui représente notamment... Juliette Labous.

La Française Victoire Berteau, élue super combative de la 4è étape du Tour de France femmes.
La Française Victoire Berteau, élue super combative de la 4è étape du Tour de France femmes.
© Maxppp - Lea DIDIER

Pour compenser ce manque de structures, Patrice Pion a créé à Chambéry le "Pôle performance espoir du sport féminin", le premier centre consacré uniquement au cyclisme féminin. Ouvert il y a deux ans, il accueillera 18 jeunes femmes à la rentrée : "D es cyclistes en catégorie cadettes et juniors. On s'occupe de leur formation, on négocie les horaires avec leurs lycées pour qu'elles puissent rouler quatre après-midi par semaine. Il y a des entraîneurs, un préparateur mental, un diététicien, etc" , explique le passionné le vélo. Son objectif, c'est que celles qui veulent passer professionnelles aient les moyens d'y arriver. Cette année, l'une des jeunes filles du centre qui vient d'être recrutée au pôle France, une vraie fierté pour lui. “Il faut que nous les clubs on soit capable d’accueillir des filles de 6 ou 7 ans”, poursuit Patrice Pion, qui veut ouvrir huit nouvelles structures à la rentrée 2023. Il le dit, le Tour de France femmes est une aubaine pour le vélo féminin, et "si dans 10 ans des filles qui passent par chez nous vont au Tour de France, c’est qu’on aura gagné" .

Chercher des nouveaux sponsors

Mais sans financement pour les équipes et donc les cyclistes, le seul niveau ne suffira pas, à l'image de l'actuelle directrice de course Marion Rousse qui a arrêté le vélo à 24 ans notamment parce qu'elle "n'était pas payée, et qu'il fallait quand même payer les factures à la fin du mois", confiait-elle au départ du Tour à la journaliste de Radio France Fanny Lechevestrier. Alors les formations Françaises espèrent que le Tour de France attirera de nouveaux partenaires.

Le téléphone sonne
39 min

À Cofidis, le budget de l'équipe féminine est de 750 000 euros par an, bien loin des budgets de plus de 3 millions d'euros de certaines grosses formations. "On a la chance d’avoir le support de l’équipe homme qui nous prête son bus. Le fossé de budget entre les équipes une et vingt est sept fois plus important que chez les hommes. Chez les hommes même la 20ème équipe a un énorme budget", explique Gael Le Bellec. Le manager de l'équipe Cofidis doit donc faire des choix. La formation assure un salaire minimum aux cyclistes, "basé sur le salaire minimum Français", et "privilégie ensuite la logistique, ou avoir médecin". Gael Le Bellec espère que le Tour "va donner envie à des entreprises de suivre des équipes féminines".

À la FDJ-Suez-Futuroscope, la formation française au plus gros budget et la seule équipe tricolore évoluant dans la division d’élite (Women’s World Teams), Suez est devenu co-sponsor principal (avec la FDJ) en juin 2022. "On s'engage dans un premier temps sur trois ans", résume Frederick Jeske-Schoenhoven, directeur stratégie, communication et développement durable du groupe. Pourquoi avoir choisi de sponsoriser une équipe féminine ? "En faisant ce choix, ça n'est pas un énième million qui se déverse pour une équipe, on accompagne vraiment un changement. Avec ce sponsor, on permet à des femmes de vivre de leur passion. Ça semble anodin mais pas du tout, c’est extraordinaire de pouvoir être là, ça change vraiment quelque chose elles peuvent vivre de leur passion."

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Avec cet argent, "on va pouvoir proposer des extensions de contrats aux filles. On veut leur donner les moyens de s’épanouir et d’avoir de la visibilité dans leur carrière", confiait le manager de l'équipe Stephen Delcourt au Monde au moment de la signature du contrat. Surtout qu'en évoluant sur le Women’s World Teams, la FDJ-Suez-Futuroscope doit proposer un salaire minimum fixé par le règlement à ses cyclistes, ce qui représente chaque année une hausse de budget, sans compter les participations à de nouvelles courses, alors "l’arrivée de Suez nous permet de rester dans les courbes", ajoutait Stepen Delcourt. "Sur le tour de France, il y a encore des femmes qui doivent travailler à coté. Les meilleures, elles gagnent assez d’argent pour vivre de ça, ce qui explique ces écarts”, résume l'agent Joona Laukka. Il en est sur, "le cyclisme féminin va se développer très vite, et le Tour sera une grande épreuve au niveau mondial".