François Truffaut et le festival de Cannes : une histoire passionnelle et tumultueuse

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François Truffaut et le festival de Cannes : une histoire passionnelle et tumultueuse

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François Truffaut (photo non datée)
François Truffaut (photo non datée)
© AFP

Les relations de François Truffaut avec le festival de Cannes ont été pour le moins tumultueuses. Retour sur quelques moments clefs…

Interdit de festival de Cannes !

On connaît aujourd'hui François Truffaut surtout pour ses films - Les 400 coups, Jules et Jim, La Nuit américaine… Mais avant cela, le cinéaste était critique aux Cahiers du cinéma. Il estime d'ailleurs s'y être forgé l'essentiel de son expérience cinématographique et avoir plus appris en regardant des milliers de films et en rédigeant des critiques à leur propos qu'en étant assistant réalisateur de Rosselini.

Lors d'un entretien sur les ondes de France Inter en juin 1969, Jacques Chancel évoque un "critique assassin", "venimeux", "agressif" ; Truffaut quant à lui s'estime un juge "sévère" mais juste :

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J'étais un critique dur à une époque où les films étaient beaucoup moins bons. Vous savez, c'était dur de trouver dans l'année, trois, quatre bons films français.

Truffaut s'en prend aussi au festival de Cannes :

J'avais attaqué le festival de Cannes comme journaliste parce que je trouvais qu'il était mal fait, mal organisé.

Suite à ses critiques, le cinéaste est interdit de festival en 1958.

Une palme pour les Quatre Cents Coups

Jeanne Moreau félicite François Truffaut, alors qu'il vient de recevoir la palme de la mise en scène pour "Les Quatre Cents Coups"
Jeanne Moreau félicite François Truffaut, alors qu'il vient de recevoir la palme de la mise en scène pour "Les Quatre Cents Coups"
© AFP - Barthe / UPI

Revirement en 1959, lorsque François Truffaut réalise Les Quatre Cents Coups. C'est un premier film à plusieurs égards : le premier film du réalisateur, déjà ; c'est aussi le premier de la saga Antoine Doinel que réalisera ensuite Truffaut avec Jean-Pierre Léaud dans le rôle titre... et enfin, c'est le premier film de la Nouvelle Vague (ce dernier titre est disputé avec Le Beau Serge de Claude Chabrol ; je vous laisse juge).

Quoiqu'il en soit, le film est un immense succès public (3,6 millions d'entrées) et critique ; il remporte le prix de la mise en scène au festival de Cannes.

Une expérience mitigée en tant que membre du jury au festival

Les membres du jury du festival de Cannes en 1962. Le sixième en partant de la gauche est François Truffaut.
Les membres du jury du festival de Cannes en 1962. Le sixième en partant de la gauche est François Truffaut.
© AFP - staff

En 1962, le directeur du festival de Cannes, Favre Le Bret, propose à François Truffaut de faire partie des membres du jury. L'ancien critique accepte.

Dans un livre qui compile plusieurs entretiens de cinéastes avec Jacques Chancel, le réalisateur raconte son expérience : "Dans un jury, on s’aperçoit qu’on ne parle pas la même langue, on ne parle pas de la même chose quand on parle de cinéma. [...] Je veux dire, on ne parlait pas de la même chose quand on parlait des films, on en parlait à toute vitesse et on passait son temps à voter. Ça m’exaspérait et quand on n’arrivait pas à se mettre d’accord sur deux films forts, eh bien, c’est un film faible qui passait."

Il conclue :

On arrivait à un palmarès de compromission.

Il gardera un souvenir amer de cette expérience : "Ce que je regrette dans mes relations avec Cannes, c'est [...] d'avoir accepté de faire partie du jury. C'était une espèce de défi au fond que m'avait lancé Favre Le Bret, pusque je l'avais attaqué comme directeur du festival. Il a voulu me prouver que les choses se passaient tout à fait régulièrement, et bien. J'ai fait partie de ce jury et c'est la chose que je regrette, par ce que ça a été assez triste".

Perturbateur de séance ciné

En soutien aux manifestants de mai 1968, des contestataires perturbent la projection du film "Peppermint frappé" de Carlos Saura, le 18 mai 1968
En soutien aux manifestants de mai 1968, des contestataires perturbent la projection du film "Peppermint frappé" de Carlos Saura, le 18 mai 1968
© AFP

En 1958, François Truffaut était interdit de festival à cause de ses critiques jugées trop sévères ; dix ans plus tard, en 1968, c'est lui qui tente d'interdire le festival, en soutien aux manifestants de mai 68.

Parmi les contestataires, il y aussi Jean-Luc Godard, Claude Berri... Plusieurs membres du jury démissionnent et des réalisateurs demandent le retrait de la compétition pour leurs films. Cette année-là, le Festival clôt son édition en avance, le 19 mai au lieu du 24 mai.

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