Il y a 30 ans, "Monkey Island" révolutionnait discrètement l'histoire du jeu vidéo

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Il y a 30 ans, "Monkey Island" révolutionnait discrètement l'histoire du jeu vidéo

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Capture d'écran de la réédition de "Secret of Monkey Island", sortie en 2009
Capture d'écran de la réédition de "Secret of Monkey Island", sortie en 2009
- Lucasarts / Disney

Sorti en octobre 1990, ce jeu d'aventures atypique ne s'est pas très bien vendu, et vous n'en avez peut-être même jamais entendu parler. Pourtant, il a durablement marqué le monde du jeu vidéo, qui ne serait sans doute pas le même sans lui. Sa suite sort ce lundi, attendue par des milliers de fans.

"Je m'appelle Guybrush Threepwood, et j'aimerais devenir pirate !" Ces quelques mots prononcés par le candide héros de "Secret of Monkey Island" en 1990 marquent le début d'une épopée hors-norme pour son époque. Un jeu d'aventure dans un monde aussi farfelu que coloré, peuplé de trésors, de sorts vaudous, de singes à trois têtes, de pirates fantômes et de cannibales végétariens.

Même s'il est loin d'être un succès commercial, le jeu aura droit à plusieurs suites, et même à un remake en 2009, qui permettait de le découvrir avec des graphismes un peu plus doux que les pixels d'époque. Ce 19 septembre 2022, un ultime épisode intitulé "Return to Monkey Island" sort sur PC, Mac et Switch : un événement puisque c'est le créateur original de la série qui, plus de 30 ans après le premier jeu, revient aux manettes (il avait travaillé uniquement sur les deux premiers, avant d'être écarté de la série).

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Mais c'est surtout dans d'autres jeux vidéo de ces 30 dernières années que s'est diffusée l'influence de "Monkey Island". Notamment parce qu'il était la première application concrète d'une réflexion intense et inédite sur la meilleure matière de raconter une histoire en jeu vidéo.

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Une bible de la création de jeux narratifs

"Le projet est né majoritairement d'un seul cerveau, celui de Ron Gilbert, créateur de jeux qui bossait pour une boîte qui s'appelait Lucasfilm Games", raconte Nicolas Deneschau, auteur du livre "Les Mystères de Monkey Island" (Third Editions). "C'est déjà un gros amateur de ce type de jeu d'aventure, qu'il a découvert via les jeux de la firme concurrente, Sierra. Mais il avait une certaine volonté de faire monter le niveau de ce type de jeu, qui transportait quand même un gros nombre de défauts."

Ron Gilbert écrit alors un article intitulé "Why Adventure Games Suck" ("Pourquoi les jeux d'aventure sont nuls"), qui fait rapidement le tour du petit monde des créateurs de jeux vidéo de l'époque. "Cet article dressait une liste d'une quinzaine de points, où il essayait de théoriser tous les défauts inhérents au jeu d'aventure de l'époque, et d'y trouver des solutions théoriques. On peut voir Monkey Island comme une espèce d'application des évolutions qu'il essayait de théoriser." Parmi ces grands principes, l'idée qu'il ne faut jamais "frustrer" le joueur, mais l'accompagner dans le récit.

"Globalement il y a eu un avant et un après Monkey Island" dans l'Histoire du jeu vidéo, selon Nicolas Deneschau. "Évidemment, lorsque Monkey Island est sorti, tout le monde ne s'est pas dit  : 'Ah, c'est une révolution !' Ça s'est fait de manière beaucoup plus douce, mais sublimée au fil du temps, d'abord dans les jeux d'aventure. Mais aujourd'hui encore, c'est assez amusant de discuter avec certains game designer (et pas des moindres), et de remarquer que c'est presque leur livre de chevet, cet article. Les pratiques se sont largement améliorées, mais il y a un peu les dix commandements du game design narratif, cette volonté de raconter une histoire via un jeu vidéo, dans cet article-là."

Au point d'être cité comme référence, par exemple, par Neil Druckmann, créateur des récents blockbusters "Uncharted" et "The Last of Us". Plus largement, la plupart des créateurs de jeux dits "narratifs" ces trente dernières années ont appliqué, consciemment ou non, certaines des règles établies par Ron Gilbert dans son article, appliquées pour la première fois dans "Monkey Island".

Une utilisation inédite de l'humour et de l'écriture

L'autre aspect qui a marqué les joueurs dans "Monkey Island", c'est son écriture : le jeu étant énormément basé sur les dialogues, il ne fallait pas se contenter de raconter une histoire mais aussi lui imposer un style. Les aventures de l'apprenti-pirate Guybrush Threepwood offraient une expérience inédite et rafraîchissante en la matière.

"Il y a trois plumes derrière "Monkey Island" : Ron Gilbert, Tim Schafer et Dave Grossman", explique Nicolas Deneschau. "Ils vont devenir des noms assez importants du jeu vidéo, mais ils étaient à l'époque de parfaits néophytes, qui sortaient de l'adolescence et qui ont amené leur propre humour. Dans le studio, il y avait une ambiance qui mêlait l''amateurisme, les soirées pizza, avec par contre, une envie de faire quelque chose de cool. L'humour, c'est une des choses qui fait que Monkey Island va rester gravé dans les mémoires, comme le chant du cygne d'une époque."

Ou comment un petit groupe de développeurs rebelles, qui voulaient avant tout s'amuser et amuser les autres, a été l'une des sources d'inspiration les plus influentes du monde (devenu un business tout ce qu'il y a de plus sérieux) du jeu vidéo.

📖 A LIRE - Le livre de Nicolas Deneschau "Les Mystères de Monkey Island - à l'abordage des pirates !"

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