C'est un effet pour le moins inattendu de la crise du Covid : de plus en plus de transactions immobilières se font en viager. Le système qui permet aux vendeurs de rester à domicile en touchant une rente séduit des personnes âgées inquiètes de devoir partir en maison de retraite.
Au sortir du confinement, le téléphone de Sophie Richard et de ses collaborateurs n'a pas cessé de sonner. Fondatrice du réseau Viagimmo (14 agences immobilières spécialisées dans le viager dans toute la France), elle gère l'agence des Sables d'Olonne en Vendée. "Dans les dix jours qui ont suivi le déconfinement, nous avons réalisé plus de cinq ventes. En temps normal, c'est plutôt une à deux ventes par mois", explique-t-elle. Le viager, qui consiste pour l'acquéreur d'un bien à verser aux vendeurs un capital puis une rente mensuelle, tout en leur permettant de continuer à vivre chez eux, connait donc un regain d'intérêt.
La peur de l'Ehpad
La principale explication à cet engouement soudain, c'est la crainte pour ces vendeurs âgés de devoir quitter leur domicile pour entrer en maison de retraite. "Certains de mes clients avaient réservé une place en Ehpad, et ils l'ont annulée. Nous avons trouvé ensemble des solutions pour adapter leur logement à leur situation de vieillesse et qu'ils puissent percevoir un revenu complémentaire pour leurs frais de santé", poursuit Sophie Richard.
C'est le choix fait par Paul et Colette Berche, 84 et 86 ans. Choix que la crise sanitaire a conforté : "On avait déjà une très mauvaise opinion des Ehpad et vu les problèmes qu'il y a en ce moment, on ne veut pas aller dans une maison de retraite" explique l'octogénaire, marqué par les milliers de morts dénombrés dans ces structures pendant la crise, et les personnes âgées privées de visite pendant de longues semaines. Lui et son épouse touchent désormais, chaque mois, en plus de leur petite retraite, une rentre de 850 euros qui leur permet de faire face aux frais médicaux notamment. Et mettre en vente en viager cet appartement du centre-ville des Sables d'Olonne, où ils vivent depuis quelques années, ne les a absolument pas dérangés : "Nous n'avons pas d'héritier, alors à quoi bon conserver ce bien ? L'acheteur, on ne le voit jamais, nous n'avons pas de contact avec lui. Et en plus, nous n'avons plus à payer la taxe foncière, assez élevée."
Une demande accompagnée par les héritiers
Mais la nouveauté de cette période, c'est que ce sont aussi les enfants des personnes âgées qui sollicitent Viagimmo. "Depuis la crise sanitaire, ce sont eux qui se rapprochent de nos conseillers, et ça c'est nouveau pour nous. On sent une prise de conscience de leur côté également", explique Sophie Richard, fondatrice du réseau.
Reste la question des acheteurs et les freins psychologiques à ce que certains voient comme un "pari sur la mort".