InOui, OUI.sncf : changer de nom, bonne ou mauvaise idée ?
Par Julien Baldacchino
La SNCF a défendu ce lundi l’adoption de “inOui” pour son offre commerciale TGV. Au regard des expériences précédentes, ce changement semble-t-il justifié ?
La tâche a été ardue, ce lundi, pour Guillaume Pépy. Le président de la SNCF a dû justifier le changement de nom de l’offre commerciale TGV, qui sera renommée dans les prochaines semaines inOui. Sa mission : désamorcer la polémique suscitée par la révélation, samedi dans le Parisien, de ce nouveau nom, vivement critiqué sur les réseaux sociaux.
Dans sa conférence de presse, la SNCF a détaillé sa stratégie marketing : à côté de OUIgo, l’offre low-cost, le train TGV restera TGV, mais l’offre commerciale qui l'accompagne est bien rebaptisée inOUI. La nouvelle identité sera lancée dès le 2 juillet sur les nouvelles liaisons Paris-Bordeaux à grande vitesse. Quant au site voyages-sncf, il sera bientôt renommé Oui.sncf.
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Changer l’image, monter en gamme : pourquoi changer son nom ?
Les changements de nom n’ont en général pas grand chose d’esthétique : quand une marque, surtout bien ancrée, adopte un nouveau nom - qui implique une adaptation des consommateurs - ce n’est jamais gratuit. Il existe trois grands cas de figure qui peuvent précéder à une transformation de nom :
- Se diversifier, regrouper ses offres : on parle alors de “marque ombrelle”. C’est ce qu’il se produit quand une entreprise qui possède de nombreuses marques décide de toutes les regrouper sous un seul étendard, ou en déclinant un même nom. Exemple en 2006, quand France Télécom a regroupé ses marques Itinéris, MaLigneTV et Wanadoo sous un seul et même nom, devenu par la suite (en 2013) le sien : Orange. C’est exactement le même principe qui a précédé à la transformation, en 1992, d’Antenne 2 et FR3 en France 2 et France 3.
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- Tourner la page : ce n’est, en somme, qu’un ravalement de façade, mais changer une marque peut permettre à une entreprise de faire oublier un passé douloureux. Et la liste des exemples est longue : le Crédit Lyonnais devenu LCL pour faire oublier les affaires Tapie, la Cogema devenue Areva pour se redonner une image propre dans le nucléaire, ou Spanghero devenu La Loraguaise pour tourner la page de l’affaire de la viande de cheval.
- Eviter une confusion : c’est le dernier cas de figure, quand la marque n’a pas vraiment le choix de se métamorphoser. L’an dernier, si ERDF est devenu Enedis, c’était notamment pour en finir avec la confusion avec EDF. En 2010, Danone a été obligé de donner aux yaourts Bio le nom Activia, pour ne pas faire de tromperie sur la marchandise en termes d’agriculture biologique.
Il existe bien entendu d'autres exemples (en cas de fusion, pour illustrer une montée de gamme, etc.). Avec son nouveau positionnement, la SNCF joue un peu dans les trois catégories citées ci-dessus. Tous ses services commerciaux seront désormais regroupés sous des marques en “Oui” : Ouigo, Ouicar et Ouibus avaient jusqu’à présent préparé le terrain.
Avec InOui, la SNCF fait en outre “la promesse d’une expérience différente et d’un imaginaire collectif” selon la directrice marketing de l’entreprise. Ce nouveau nom accompagne donc une stratégie, menée depuis plusieurs mois avec le développement du wifi et des rames Océane, plus confortables, qui promet un voyage plus agréable. Une façon à peine détournée de faire oublier “les anciens voyages en TGV” - mais si, souvenez-vous, ces voyages sans prises électriques avec des wagons bar aux menus immangeables, avec un logo TGV qui ressemblait à un escargot retourné ? Oubliez tout cela, désormais vous roulez en inOui.
Malgré tout, il y a une vraie nécessité derrière ce “rebranding” pour la SNCF : baptiser quelque chose qui n’avait pas de nom. Car jusqu’à présent, il y avait confusion entre TGV (le service) et TGV (le train). Car les services Ouigo, Eurostar et Thalys utilisent aussi des trains TGV. Pour résumer et essayer de faire simple, InOui sera le nom des TGV qui ne sont ni des Ouigo, ni des Eurostar, ni des Thalys - et qui présentent un certain niveau de service, ce qui explique le déploiement très progressif de la marque à mesure des rénovations de rames. D’autant plus qu’avec
Ce changement de nom était-il le bon ?
C’est là que le bât blesse. Si le changement de nom peut se justifier, le choix du nom en question était-il le bon ? Lors de la conférence de presse de ce lundi, les dirigeants de l’entreprise ont assuré que le nom a été choisi par des clients, qui l'ont préféré à “OuiTGV”, considéré comme trop “low-cost”.
Mais de l’avis de professionnels de la communication, InOui est une mauvaise idée : sur Franceinfo dimanche, le chercheur en communication Jean-Marc Lehu, la marque-ombrelle “Oui” n’évoque pas la mobilité et, qui plus est, n’est pas compatible avec des utilisations à l’international, ce qui est pourtant l’ambition du groupe SNCF (qui veut faire de Oui.sncf le premier site de mobilité européen).
Selon le graphiste Eric Azara dans un billet publié sur les réseaux sociaux, l’erreur est aussi de “reléguer le nom TGV à un modèle de machine plutôt qu’à une expérience”, alors même que les TGV sont enviés à l’étranger. Enfin, reste le double sens du mot "Inoui", aussi bien positif que négatif, et qui risque donc d'être facilement détourné en cas de problèmes à la SNCF.
Est-ce que ça va finir par être adopté ?
Là encore, l’histoire de la communication d’entreprise a prouvé qu’un changement radical, provoquant de fortes réactions, pouvait être plus ou moins bien accueilli. Le cas d’école est celui d’un changement de logo : Gap. En 2010, la marque de vêtements change son logo au grand carré bleu et lettres fines pour un autre, typographie noire et petit carré. Le tollé est tel sur les réseaux sociaux qu’au bout de sept jours, l’entreprise fait machine arrière.
Par ailleurs, nombreux sont les changements de nom qui ont du mal à percer, notamment dans le domaine des services publics (et affiliés) : pour une partie des Français, Antenne 2 n’est jamais devenue France 2, les radios locales de Radio France s’appellent Radio Bleue, et Orange restera à jamais France Télécom. Mention spéciale à La Poste, que certains appellent encore PTT, alors que la marque existe comme telle depuis 1984.
D’autres changements en revanche ont fini par être massivement adoptés malgré des polémiques lors de leur présentation. Qui, aujourd’hui, parle encore de l'ANPE à la place de Pôle Emploi ? Pourtant, lors de sa présentation en 2009, la nouvelle identité, facturée 500.000 euros, avait fait scandale auprès des syndicats et de l’opinion publique. Reste à savoir dans quelle catégorie jouera la SNCF et sa nouvelle offre InOui.