"Irréfutable Essai de successologie" ou l'irréfutable insuccès de Lydie Salvayre auprès du Masque

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"Irréfutable Essai de successologie" ou l'irréfutable insuccès de Lydie Salvayre auprès du Masque

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"Irréfutable essai de successologie" de Lydie Salvayre : qu'est-ce qui n'a pas marché selon les critiques du Masque & la Plume ?
"Irréfutable essai de successologie" de Lydie Salvayre : qu'est-ce qui n'a pas marché selon les critiques du Masque & la Plume ?
© AFP - JOEL SAGET

La romancière et prix Goncourt 2014 pour "Pas pleurer" signe un portrait acerbe du monde de l’édition et de l'écriture. Un essai qu'elle manie ici avec un mélange de tons qui n'a pas semblé gagner les critiques du Masque & la Plume. Olivia de Lamberterie a été la seule à saluer l'ouvrage.

Le livre résumé par Jérôme Garcin

Sur la bande du livre, on peut lire : "Comment intriguer, abuser, écraser pour avoir du succès ?". Et en quatrième de couverture : "Comment se faire un nom ? Comment émerger de la masse ? Comment s'acheter une notoriété ? Comment obtenir la faveur des puissants et leur passer discrètement de la pommade ?" J'espère que Lydie Salvayre se moque et signe là un pamphlet dans l'esprit de certains de ses livres, dont quelques conseils utiles aux élèves huissiers ou "Portrait de l'écrivain en animal domestique". Il y a dans cet essai quelques pages qui concernent les critiques littéraires sur les différentes variétés d'écrivains.

Olivia de Lamberterie salue un essai très amusant et sarcastique sur la mode du storytelling en littérature

Pour la critique littéraire de Elle, c'est une sorte de traité de résistance contre toutes les pratiques littéraires par lesquelles les auteurs parlent avant tout d'eux-mêmes avant de parler de leurs roman : "C'est un essai sur l'époque et qui interroge comment le succès avant était une conséquence, comment c'est maintenant devenu un but et comment cette affreuse chose a contaminé le monde de l'édition.

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Au début, je trouvais qu'elle y allait assez fort et puis plus j'avançais dans la lecture, plus j'avais l'impression d'avoir rencontré les gens dont elle parlait.

Les critiques littéraires, je n'ai pas trouvé que c'était la meilleure partie du livre, j'ai trouvé que c'était peut-être un peu convenu. En revanche, les écrivains j'ai trouvé que c'était assez drôle parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, chaque écrivain doit faire une sorte de storytelling de sa propre existence ! Elle y va assez fort avec les transfuges parce qu'elle-même, elle se caractérise comme telle. Mais elle y va assez fort aussi avec des écrivains qui font commerce de leur engagement, ceux qui fustigent l'Etat alors qu'ils sont sponsorisés par lui.

C'est assez drôle, elle a des expressions assez marrantes que j'aime beaucoup. Je trouve que c'est très juste et terrible".

Arnaud Viviant se demande si Lydie Salvayre n'a pas pris "un coup de vieux"

Sans compter le croisement de deux procédés littéraires en un qui ne fonctionne absolument pas ici, le critique de la revue Transfuge estime que le Prix Goncourt 2014 a pris un coup de vieux lorsqu'elle évoque le rapport de la société aux réseaux sociaux : "Il y a deux problèmes dans ce livre. Le premier, c'est le hiatus entre la forme qui pastiche un ouvrage de développement personnel et le style qui pastiche les écrivains moralistes du XVIIIᵉ siècle. À mon avis, il y a un truc qui ne fonctionne pas vraiment entre les deux procédés…

Je suis désolé, mais c'est comme si on avait à faire à Hibernatus avec Lydie Salvayre ici : soudainement, on a l'impression qu'elle est décongelée et qu'elle prend conscience qu'il y a Tik Tok, qu'il existe des influenceurs et des influenceuses. Ça fait un moment qu'on a lu des ouvrages sur le sujet. Parfois ce c'est même plus "Ok boomer" qu'on a envie de lui dire, c'est "Si senior !". Je crois qu'il y a, dans ce livre, un petit coup de vieux".

Elisabeth Philippe regrette un mélange de tons certes louable, mais confus au final

La combinaison linguistique entre d'une part une version moraliste et une version plus simpliste avait pourtant tout pour réussir selon la journaliste de L'Obs : "Le télescopage entre ce ton de moraliste, de langage châtié et puis, ailleurs plus simpliste, ça fonctionne plutôt bien. Elle réussit la fusion de "Winner Magazine" et des conseils aux jeunes littérateurs de Baudelaire. On a l'impression que c'est un manuel de développement personnel parodique écrit par Cyril Hanouna de La RochefoucauldAprès, même si ses flèches sont très délicatement et délicieusement empoisonnées, je trouve qu'elles manquent un peu leur cible. C'est assez confus parfois dans ce procédé de mélange des genres".

Un mélange des genres qui laisse à désirer selon Jean-Claude Raspiengeas

Un registre un peu bancal estime le critique de La Croix qui aurait dû lui faire choisir l'utilisation unique du langage des moralistes du XVIIIe siècle puisque cela crée des transitions entre les deux styles qui ne fonctionnent pas très bien et rend son humour inopérant : "Je trouve que la répétition de ses attaques narquoises à l'égard des Instagrameuses devient à un moment un peu lourdingue, ce qui laisse entrer une forme de relâchement quand bien même elle se met dans les pas des moralistes du XVIIIe siècle dont les mots sont beaucoup plus forts. Elle aurait sûrement dû rester sur cette ligne-là plutôt que de faire des concessions avec l'air du temps qu'elle n'y arrive pas à honorer.

Elle n'est pas non plus dénuée d'une certaine condescendance à l'égard de la classe moyenne. À plusieurs reprises, elle s'en prend aux goûts de la classe moyenne, qu'il faudrait qu'elle définisse et qui demanderait je pense un peu plus d'examen. On n'est pas les détenteurs du bon goût et il n'y a pas de raison d'arraisonner une classe a des supposés mauvais goûts.

Par contre sa définition des hommes influents est très bien. On voit bien Bernard Arnault et surtout Michel-Edouard Leclerc avec sa supposée philanthropie artistique. Même si je trouve que son humour est un peu corseté, un peu guindé par moments. C'est du Labruyère un peu revisité. Quant aux critiques, je trouve qu'elle aurait pu être beaucoup plus vacharde et beaucoup plus incisive que cela".

Le livre

Écoutez l'intégralité des critiques échangées sur le livre :

"Irréfutable essai de successologie" de Lydie Salvayre

9 min

📖 LIRE - "Irréfutable essai de successologie" de Lydie Salvayre (Seuil)

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