"J'ai honte", "ce n'est plus mon métier", "je suis épuisé" : 50 profs nous disent pourquoi ils font grève
Par Luc Chemla, Victor Vasseur
Les personnels de l'Education nationale sont appelés à faire grève jeudi contre les protocoles sanitaires et pour de meilleures conditions de travail. Le principal syndicat prévoit la moitié d’écoles fermées. Pour comprendre les raisons de cette colère, nous avons donné la parole aux grévistes. Voici 50 témoignages.
Nous leur avons demandé pourquoi ils faisaient grève. Signe d'une mobilisation et d'une colère sans précédent, ils ont été près d'un millier à répondre à notre appel à témoignage. "Mépris" : le mot revient plusieurs dizaines de fois dans les témoignages reçus par France Inter. Méprisés, lassés, épuisés... Voilà dans leurs mots pourquoi ils vont faire grève jeudi. La mobilisation sera massive. Le Snuipp-FSU, le premier syndicat du primaire, prévoit 75% d’enseignants du premier degré en grève et la moitié des écoles seraient fermées. A ce mouvement de contestation, se joignent les personnels de direction, de l'inspection pédagogique, mais aussi des CPE, des AESH ou encore des infirmières scolaires.
Ces témoignages font ressortir la rancœur d’une partie du corps enseignant envers leur ministre de tutelle, Jean-Michel Blanquer. Ils critiquent les protocoles sanitaires à répétition -trois différents depuis la rentrée des vacances de Noël- et l’annonce tardive dans les médias. Même le président Emmanuel Macron n’a pas apprécié que le protocole soit dévoilé la veille de la rentrée dans un article de journal, en ligne et payant. "La coupe est pleine" résume un enseignant. Entre exaspération, ras-le-bol et volonté de ne pas lâcher les élèves, voici 50 paroles de grévistes.
Catherine, 54 ans, enseignante en école élémentaire dans le Finistère : "Considérée comme un punching-ball"
Je suis en grève car je n’en peux plus de la charge de travail qui s’alourdit d’année en année, d’être considérée au mieux comme un punching-ball par les parents stressés, les enfants déboussolés, au pire comme des paillassons pour essuyer tout le mépris de la hiérarchie de l’éducation nationale que je considère comme la plus incompétente des hiérarchies.
Julie, 27 ans, Nord : "Ma maman me protège mieux que mon employeur"
Je suis en grève car j'ai envie de hurler. Je suis épuisée de cette situation anxiogène, de ce manque de considération, de ces mensonges, de ce mépris. Car notre propre employeur ne nous protège pas et ne protège pas vos enfants. C'est ma maman, inquiète pour ma sœur (professeure également) et moi-même qui nous a fait livrer des masques FFP2. Sur ses propres deniers. Ma maman me protège mieux que mon employeur. Je n'ai jamais vu autant d'élèves et de personnels malades depuis le début de cette crise. J'ai peur et j'ai envie de hurler.
Paul, 26 ans, enseignant dans un lycée de Haute-Savoie : "Un de mes élèves à fait une tentative de suicide"
Je suis en grève car je suis un jeune professeur de sciences économiques et sociales au lycée. Les écrits du bac auront lieu à la mi-mars, date à laquelle nous devons avoir traité sept chapitres avec les élèves, en plus de les préparer à la méthode de la dissertation. Nos élèves ont passé les deux années précédentes en alternance entre les confinements et les retours en classe, la plupart n'ont pas pu acquérir de bases solides et nous sommes contraints d'avancer au pas de course pour terminer le programme des écrits de mars.
Comme si cela ne suffisait pas, les élèves, en plus d'être gavés par les notions de cours, doivent s'occuper de leur orientation sur l'anxiogène Parcoursup. Les conséquences de ces événements se font sentir directement : je n'ai que quelques années d'expérience mais je vois, chez certains ou certaines élèves, de grandes détresses psychologiques, un de mes élèves à fait une tentative de suicide avant les vacances de Noël, une autre est devenue phobique scolaire en raison de toute cette pression. Cela se voit du côté des élèves, mais aussi des enseignants qui souffrent de ne pouvoir faire correctement leur travail.
Manon, 37 ans, enseignante en élémentaire en Seine-Saint-Denis : "J'ai honte de faire ce métier"
Je suis en grève car c'est la première fois en 14 ans que j'ai honte de faire ce métier, face au manque de dignité pour les élèves les plus fragiles. Je suis enseignante spécialisée en ULIS. J'ai donc 12 élèves porteurs de handicaps. Outre le manque de moyens (humains) pour accueillir les élèves depuis la rentrée de septembre, je suis en colère face à ces changements imposés par les nouveaux protocoles; sans tenir compte du projet des enfants. On construit avec eux les projets, les inclusions en classe banale.
On tente de reconstruire lentement leur estime de soi. Et tout est sabordé lorsqu'on apprend à 8h45 pour 8h50 que non, plus possible de brasser les élèves. Il en est de même avec les rased ( réseau d'aide aux élèves en difficulté) dont personne ne parle depuis deux ans et qui font un travail extraordinaire auprès des élèves en grande difficulté. Leur fonctionnement est complètement impossible à chaque changement de protocole. On n'est pas loin de la maltraitance.
Un enseignant anonyme, 62 ans, d’un lycée du Pas-de-Calais : "Il n’y a pas de moyens pour nous protéger"
Je suis en grève car je suis à bout. En première ligne depuis le début de la crise. Il n’y a pas de moyens pour nous protéger, pire, pour protéger nos enfants. Le salaire est gelé alors que les missions se cumulent. Le pouvoir d'achat baisse et il n’y a pas le droit de cumuler avec un deuxième emploi pour s'en sortir. Je suis mère de trois enfants dont deux étudiantes, divorcée et je ne m'en sors plus.
J'adore mon métier, c'est un métier passion mais ce manque de reconnaissance et de respect, se faire insulter sur les réseaux sociaux de fainéants, subir la violence (physique et morale) des élèves et leurs parents, tout ça pour 1900€ par mois. C'est trop ! Je viens du privé, c'est ma septième année et c’est une grande désillusion. Dans le privé j'étais mieux rémunérée, et surtout reconnue pour mon travail et RESPECTÉE ! Mon rêve était de transmettre mes compétences et mon savoir, pas de faire garderie quoi qu'il en coûte.
Aurélia, 36 ans, enseignante en école élémentaire à Paris : "Depuis deux ans nous portons l'école à bout de bras"
J'aurais fait grève si je n'avais pas attrapé le Covid avant. Mais je suis en isolement. Jeudi, j'aurais fait grève car depuis deux ans nous portons l'école à bout de bras. J'aurais fait grève car je n'en peux plus de ce mépris et de ce manque de soutien dans cette période si difficile. J'aurais fait grève car je ne suis pas remplacée cette semaine, mes élèves restent à la maison. J'aurais fait grève car depuis vendredi je fais la queue plusieurs heures pour aller faire tester mes enfants et moi-même avec ce protocole.
J'aurais fait grève car j'ai appris ce nouveau protocole lundi 3 janvier au matin en prenant mon petit-déjeuner, par la radio. J'aurais fait grève car depuis bientôt deux ans je dois acheter des masques pour pouvoir aller travailler et que ma fille puisse aller en classe, je dois aussi fournir ma classe en gel hydroalcoolique. J'aurais fait grève car quand mon enfant est malade, je dois choisir le matin entre le mettre à l'école avec du Doliprane ou bien le garder, mais devoir apprendre à mes élèves à 8 heures pour 8h20 que je ne serai pas présente et qu'ils devront rester à la maison. Depuis 15 ans que je fais ce métier, je ne suis toujours pas à 2.000 euros par mois et on m'en demande toujours plus. Sans enseignants heureux et en bonne santé, l'école peut difficilement mieux se porter.
Angélique, 37 ans, enseignante en Charente-Maritime : "On se retrouve en astreinte sans reconnaissance"
Je suis en grève car c'est l'apocalypse dans nos écoles. Les journées, les week-ends, les vacances, les nuits, on se retrouve en astreinte sans reconnaissance, les jours de classe, on ne peut plus faire classe pour gérer le travail de secrétaire médicale, conseiller médical. Pendant ce temps, nos écoles restent ouvertes très bien, mais les élèves ne peuvent progresser puisque nous sommes obligés de les laisser en autonomie. (…) J'ai commencé ce métier il y a 14 ans comme une passion, aujourd'hui c'est un métier sans fond. La solution qui se rapproche est de quitter le navire qui a sombré depuis des années, mais que l'on continue d'occuper à bout de bras, en pensant que le capitaine est encore à sa place alors que celui-ci n'a jamais embarqué.
Célia, 34 ans, directrice d’école en Seine-Saint-Denis : "Je suis agressée verbalement par des parents épuisés"
Je suis en grève car tous les matins depuis la rentrée je suis agressée verbalement par des parents épuisés de devoir gérer leur enfant non accueilli car nous n’avons pas de remplaçant quand un titulaire est absent. Certes je ne suis pas leur punching-ball mais je comprends leur mécontentement sauf que je ne suis pas responsable de ce chaos. Seul le ministère est responsable des non-remplacements.
Deux fois par jour, je me retrouve avec des parents en pleurs car il est compliqué de tester leur enfant par autotest . Les enfants sont paniqués, bougent, ne veulent pas … donc ils font des attestations sur l’honneur "bidon" voire des stratagèmes pour éviter de les faire tester. Les enseignants n’enseignent plus et passent leur temps à contrôler les attestations et appeler les parents qui n’ont pas fait les attestations
Caroline, 48 ans, enseignante en école élémentaire dans les Bouches-du-Rhône : "Nous ne sommes pas qu'un mode de garde"
Je suis en grève car je réclame du respect et de la cohérence. Le gouvernement semble l'oublier mais nous ne sommes pas qu'un mode de garde et nous nous retrouvons devant des classes 'gruyère' avec des élèves qui vont et viennent. L'école est ouverte mais les conditions d'apprentissage ne sont pas bonnes : on hésite à poursuivre le programme tant il manque des élèves mais il faut pourtant avancer, maintenir le lien avec ceux qui sont coincés chez eux et donc passer des heures en plus de la classe à envoyer le travail, scanner, corriger, conseiller. (…) Ces deux dernières semaines ont été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase du mépris encaissé depuis le début de la pandémie et de la prise du ministère par Blanquer.
Je crois que le gouvernement laisse filer l'épidémie à l'école, peut-être a-t-il raison de le faire mais on aimerait savoir pourquoi il a pris cette décision. Si c'est le cas, pourquoi continuer à imposer des masques à mes élèves qui de toute façon se côtoient en dehors de l'école ? Alors oui, on emmerde certains parents quand on fait grève, mais j'ai reçu beaucoup de messages de mes parents d'élèves qui comprennent la grogne.
Eléonore, 27 ans, AED (surveillante) en Haute-Garonne : "On choppe tous le Covid ou on part en burn-out"
Je suis en grève car je suis épuisée. Épuisée de la gestion catastrophique du gouvernement, qui nous demande à nous d’aller au front, sans prendre les décisions pour nous protéger ou nous apporter les éléments nécessaires pour mener à bien notre travail. En tant qu’AED (surveillante), plus aucun travail social n’est possible : nous ne sommes que les bras armés de l’AR. Renvoyer les gosses chez eux, réexpliquer 400 fois par jour des mesures en lesquelles personne ne croit, ce n’est pas ça mon boulot. Dans notre équipe, on choppe tous le Covid ou on part en burn-out. On n’est même plus là pour les gamins qui en ont le plus besoin. On sature, on perd patience, le soir on rentre et on a juste envie de chialer.
Catherina, 33 ans, assistante d'éducation dans le Rhône : "Les parents mentent sur le statut vaccinal de leurs enfants"
Je suis en grève car je suis assistante d'éducation et depuis la rentrée, nous enregistrons entre 10 et 20 cas par jour et le protocole change sans cesse. Les parents sont perdus, les élèves aussi, il y a tellement d'absence d'élèves, que je doute de la continuité pédagogique, les professeurs sont à bout ou sinon ils ont le Covid. L'Education Nationale est en train de devenir mal traitants auprès des élèves.
À longueur de journée, ils se font disputer pour qu'ils remontent leur masque sur le nez, qu'ils ne se touchent pas, qu'ils respectent les gestes barrières. Mais à la pause déjeuner, ils mangent collés, par manque de place et par souci des horaires. Les parents mentent sur le statut vaccinal de leurs enfants, c'est avéré. Je ne fais pas grève contre le virus mais contre le ministre Jean-Michel Blanquer, pour sa condescendance, et ce manque d'humanité envers les élèves, le personnel enseignant et les parents.
Stéphanie, 49 ans, enseignante en maternelle dans les Deux-Sèvres : "Je ne fais plus mon métier"
Je suis en grève car il y a sept ans, j'ai choisi le métier de professeur des écoles et de directrice par passion. Depuis 20 mois, je suis devenue le bras armé d'un gouvernement qui utilise l'école comme variable d'ajustement dans la lutte contre le virus. Je ne fais plus mon métier. Je fais grève contre l'arrogance et le mépris.
Julie, 43 ans, enseignante au collège dans le Gard : "Tu veux que je te dise JeanMichMich, pourquoi je serai dans la rue ?"
Voici ma lettre pour expliquer à mes jeunes collègues pourquoi je fais grève demain, "Et tu veux que je te dise JeanMichMich, pourquoi jeudi je serai dans la rue et non à ma place, devant mes élèves, alors qu'ils méritent bien plus mon temps que toi ? Simplement parce que ça fait deux ans que NOUS sommes présents pour eux, parce que, tu ne le sais peut-être plus, mais ce n'est ni pour le salaire pharaonique ni pour toutes ces nombreuses primes que tu nous donnes (150€ pour l'informatique étalés sur plusieurs années) que j'ai choisi ce métier. C'est pour les valeurs qu'il porte : l'écoute, l'entraide, la bienveillance, le soutien... Et toutes ces valeurs, toi, notre Ministre, tu les bafoues.
Les protocoles, tu les annonces la veille, et tu préfères le faire sur les chaînes de télés au lieu de nous envoyer un mail. Sur ces mêmes chaînes, tu te gargarises de ta réussite dans la gestion de cette pandémie. Mais quelle gestion ? Tes personnels sont épuisés, parce qu'à longueur de journée, ils rappellent qu'il faut bien mettre le masque, ils désinfectent, ils cherchent à savoir si X est simplement cas contact ou bien positif (parce que le "secret médical" nous empêche de le savoir) alors, du coup, on fait cours mais on prend le temps le soir de tout mettre sur Pronote... Et, attention, le soir même hein !! Parce que, sinon, les parents ne sont pas contents.. En même temps, je les comprends, ils sont excédés : quitter le travail pour venir chercher leur enfant, courir les pharmacies pour trouver où le faire tester, se tester aussi.... ah non, pardon, mes excuses, ça, c'était le protocole de vendredi dernier; hier, tu l'as encore changé.... et toujours pas de mail... alors, pour tout ça, à jeudi Jean-MichMich... Pas de cœur sur toi et pas de bisou (ce n'est pas dans le protocole). Mon droit de réserve de fonctionnaire, je viens de m'asseoir dessus, comme toi, sur les valeurs de l'Education nationale..."
Olivier, 48 ans, directeur d'école, Seine-Maritime : "Je reçois en pleine face la colère des familles"
Je suis en grève car hier matin, je devais, à l'accueil des élèves, annoncer le non-remplacement d'une collègue, l'obligation de test à une autre classe, contrôler les tests à J+4 pour trois autres classes... et accueillir ceux concernés par rien. Je passe mon temps à répondre au téléphone pour expliquer les protocoles incompris par les familles, renvoyer des élèves, rassurer. Je reçois en pleine face la colère des familles (qui n'est pas contre moi mais que je reçois quand même). Je ne me sens pas reconnu dans ma mission de travail, pas soutenu par ma hiérarchie, même méprisé quand le ministre dit 'on ne fait pas grève contre un virus.' Bien sûr ! On fait par contre grève contre le manque de moyens, de reconnaissance, la souffrance au travail..."
Gagb, 42 ans, CPE en Seine-Saint-Denis : "Je suis devenu secrétaire de l'ARS, et non plus CPE"
Je suis en grève car je suis devenu secrétaire de l'ARS, et non plus CPE. J'ai en permanence près de 20% des élèves absents, contacts ou positifs. Je passe mon temps à joindre les familles, pour leur expliquer le protocole, leur rappeler les obligations, suivre les retours potentiels, gérer des données médicales. Avec une infirmière présente deux jours, aucuns moyens, des insultes permanentes de mon ministre et un salaire gelé depuis 10 ans, je veux exprimer mon ras-le-bol et mon envie de changement.
Laura, 34 ans, enseignante en maternelle dans le Val de Marne : "Il m’arrive de penser à me reconvertir"
Je suis en grève car malgré le peu d’années d’enseignement que j’ai à mon actif (10 ans d’ancienneté), je ressens une telle lassitude qu’il m’arrive très sérieusement de penser à me reconvertir, car je ne me vois pas finir ma carrière dans de telles conditions. La crise du Covid n’a fait que mettre en lumière tous les dysfonctionnements de l’Education Nationale, et le mépris du ministre pour le corps professoral a été la cerise sur le gâteau.
Les enseignants n’ont aucune reconnaissance de leur hiérarchie, on ne fait que nous demander plus sans arrêt, nous avons moins d’ATSEM dans les écoles maternelles, moins d’AESH pour les élèves en situation de handicap, moins de psychologues scolaires et plus d’élèves dans les classes. Le résultat est là : ce sont les enfants les premiers impactés par tous ces manques. Concernant les protocoles sanitaires qui sont totalement décrochés de la réalité du terrain, c’est une honte. Nous n’avons rien pour protéger les personnels : pas de masques chirurgicaux, pas de capteurs de CO2... En même temps qu’attendre d’un employeur qui ne vous fournit pas de médecine du travail... ?
Alice, 38 ans, enseignante en maternelle dans l'Orne : "La pandémie ne fait qu'exacerber les dysfonctionnements"
Je suis en grève car je n'en peux plus du mépris de l'institution face à ses enseignants. La pandémie ne fait qu'exacerber les dysfonctionnements du système. Elle ne fait que montrer le décalage entre le travail de terrain et les décisions institutionnelles qui existent déjà depuis longtemps.
Jeanne, 45 ans, enseignante en maternelle dans l'Oise : "Je suis épuisée d'accueillir sans sécurité mes élèves"
Je suis en grève car je suis épuisée d'accueillir sans sécurité mes élèves, des parents d'élèves sont hospitalisés parce qu'ils ont attrapé le COVID par leur enfant scolarisé, j'ai 14 élèves présents au lieu de 22 et 4 vendredi parce qu'un cas de COVID a été diagnostiqué dans la classe. Depuis, 8 élèves sont revenus et 5 cas ont été trouvés par tests en laboratoire ou en pharmacie aucun par auto test... Je suis envoyée travailler depuis deux ans avec aucune protection et j'y vais pour les enfants et l'école. En retour mon ministre continue de me mépriser... Même pas un merci, je ne parle même pas de prime ni même d'augmentation (je suis trop vieille pour y avoir droit), juste de la reconnaissance... Je suis épuisée et écœurée et j'ai encore 19 années à travailler.
Eric, 55 ans, enseignant en maternelle en Seine-et-Marne : "On nous demande d'appliquer un protocole appris la veille"
Je suis en grève car on ne supporte plus la situation dans les écoles. On doit vérifier tous les matins les passes des enfants, car chacun d'entre eux a des dates de test différentes. Si on apprend le soir qu'un de nos élèves est positif, il faut de chez nous contacter toutes les familles pour les prévenir, ce qui prend parfois plus d'une heure. Je jongle actuellement avec 1/3 de mes élèves (jamais les mêmes). Rien n'est adapté à la situation, les masques pour les enseignants sont délivrés au compte-gouttes, tout comme les autotests, quant au gel, ça fait 1 an qu'il n'y a pas eu de livraison.
Mes élèves de maternelle n'ont (heureusement) pas de masque donc nous sommes tout de même en première ligne en matière de risque. Certains aspects du protocole sont absurdes, les goûters sont interdits (pour quelle raison puisque de toute façon ils n'ont pas de masque), tout comme certaines activités sportives... C'est un casse-tête pour les récréations, les dortoirs, les cantines... Maintenant que les autotests sont les seuls critères et que seule la bonne foi des parents est prise en compte, certains enfants reviendront alors qu'ils sont positifs, non seulement la contamination va augmenter mais en plus elle échappera aux chiffres et donc on les verra chuter dans les semaines à venir mais pas pour les vraies raisons. Enfin, on nous demande d'appliquer un protocole appris la veille dans les journaux alors que les modalités ne sont pas encore connues. C'est symptomatique d'un ministère qui depuis des années reste sourd aux demandes des enseignants sur le terrain et fonce bille en tête, sans qu'on sache vers quoi.
Léa, 23 ans, enseignante en maternelle dans le Maine-et-Loire : "Les conditions de travail sont devenues invivables"
Je suis en grève car à peine rentrée dans le métier, les conditions de travail sont devenues invivables.
Bree, 32 ans, enseignante dans un collège du Val d'Oise : "Je n'accepte plus le mépris"
Je suis en grève car je veux montrer que je n'accepte plus le mépris dont le corps enseignant est la victime depuis de nombreux mois et même années. J'hésitais encore jusqu'à ce que, mardi midi, cette phrase de Blanquer me décide : "C'est dommage d'avoir une journée qui va davantage perturber le système", alors que sur le terrain nous faisons tout pour que les perturbations impactent le moins possible les élèves et leurs apprentissages !
Amélie, 42 ans, enseignante dans un collège dans le Haut-Rhin : "Même aérer la salle n'est pas faisable correctement"
Je suis en grève car, ce n'est qu'un exemple mais c'est représentatif... Mes élèves passaient un brevet blanc ce matin, 32 dans une petite salle, des petites fenêtres ouvertes en oscillant battant. Et donc certains élèves ont passé 3 heures de composition avec un courant d'air froid qui leur passait dans le dos et sur les mains, parce que même aérer la salle n'est pas faisable correctement.
Maxime, 37 ans, Pyrénées-Atlantiques : "Nous avons besoin de bienveillance"
Je suis en grève car je ne supporte plus que le discours du ministère dans les médias soit aussi populiste et éloigné de ce que nous vivons. Les remplacements ? Il n'y en a déjà pas pour des congés maternité. On en demande toujours plus aux enseignants en affichant dans les médias que tout va bien. Non, ça ne va pas bien. Ça ne tient que parce que nous prenons sur nous. L'Education nationale ne sait pas reconnaître le travail de ses enseignants. Nous avons besoin de bienveillance, de moyens humains, d'un salaire, à la hauteur de la tâche que nous accomplissons.
Perrine, 39 ans, Nord : "Les AESH ne sont pas du tout protégés par leur employeur"
Je suis en grève car les AESH ne sont pas du tout protégés par leur employeur, qui ne leur a fourni que des masques en tissus inadaptés alors qu'ils travaillent juste à côté des élèves et en maternelle, ceux-ci n'ont pas de masques !!!! Et tout ça pour 700 euros par mois !!!!
Florian, 32 ans, Isère : "Sur les protocoles, il ne manquerait qu'un soupçon d'honnêteté pour que la pilule passe"
Je suis en grève car rien ne va plus à l'école... Le ou plutôt les protocoles différents sont des gouttes d'eau qui font déborder un vase déjà bien trop plein ! Sur les protocoles : vaste fumisterie, il ne manquerait qu'un soupçon d'honnêteté pour que la pilule passe... Ils auraient dû annoncer la fin de tout protocole, ce qui revient au même qu'actuellement ! 3 auto tests + attestation sur l'honneur ? Aucun intérêt... Pour preuve dès ce matin, il n'y a plus aucune file d'attente devant les labos et pharmacie !
On devrait aller au plus simple : symptômes = test, si positif on isole sinon on laisse faire point barre... Et à côté, si on peut accessoirement protéger un peu mieux les enseignants : de vrais masques, des capteurs co2 entre autres... Au-delà cette situation sanitaire complexe, l'école va mal malgré cela ! Manque de moyens financiers et surtout humains, classes surchargées, salaires au plus bas, manque de remplaçants... Nous n'avons plus le temps de nous occuper de nos élèves et encore moins des élèves en difficulté ! On nage, on surnage, on bricole comme on peut avec ce qu'on a ! Mon salaire, je m'en contente mais il faudrait qu'on puisse travailler et instruire nos élèves, TOUS nos élèves, dans de meilleures conditions... Réponse un peu fouillis mais je n'ai pas le temps de faire mieux, j'ai une classe à préparer... Je serai en grève demain, j'aurai une journée de plus pour travailler et tenter de faire grandir mes élèves au mieux !
Vi, 46 ans, Doubs : "Je voudrais quitter le navire mais je ne vaudrai rien sur le marché du travail"
Je suis en grève car je suis atterrée par le mépris de ce gouvernement à l'égard de la communauté éducative. L'Ecole est au bord du gouffre. J'enseigne depuis 23 ans, je donne tout mon temps et mon énergie pour mes élèves, avec des moyens qui diminuent année après année. Je me sens de plus en plus mise à mal par la société et par mon ministère, je n'ai jamais ressenti cette désolation de n'être rien, avec un salaire qui ne me permet plus de m'offrir des soins dentaires ou un lave-vaisselle sans l'aide de mon conjoint.
Comme un nombre incalculable de mes collègues, je voudrais quitter le navire mais je ne vaudrai rien sur le marché du travail, et le ministère met tout en œuvre pour empêcher les démissions. J'ai honte. J'ai honte de mon pays. Je crois que la grève ne changera rien. Des articles dans les journaux, et on passera à autre chose. Je n'y crois plus."
Jeanne, 25 ans, enseignante en maternelle dans le Val d'Oise : "Je suis fatiguée de ne pas oser être malade"
Je suis en grève car je suis fatiguée de devoir accueillir 15 élèves en plus de mes 29 quand une collègue du même niveau que moi est absente et non remplacée. Je suis fatiguée de ne pas oser être malade de peur de faire subir trop d'élèves à mes collègues. Je suis fatiguée de ne pas oser être malade de peur que les parents d'élèves soient énervés. Je suis fatiguée de devoir acheter 50 masques par mois car mon employeur ne me les fournit pas. Je suis fatiguée de lire un nouveau protocole tous les soirs.
Je suis fatiguée d'essayer de mettre en pratique ce protocole toujours plus irréalisable à chaque changement. Je suis fatiguée de voir ma directrice courir dans tous les sens pour appeler les parents d'enfants cas contact. Je suis fatiguée de voir la mine déconfite des parents chaque matin. Je suis fatiguée de me battre avec eux pour leur faire comprendre qu'il est nécessaire de garder à la maison un enfant qui est malade. Je suis fatiguée que mon employeur lui-même nie nos difficultés quotidiennes, et ne connaisse rien à la réalité du terrain. Et tout cela, après 5 ans d'étude, pour un salaire mensuel de 1780 euros.
Simon, 25 ans, enseignant au collège en Isère : "Il est urgent d'augmenter le nombre de professeurs titulaires"
Je suis en grève car après 2 ans de pandémie, qui ont laissé le temps de se préparer, je trouve inadmissible que le gouvernement n'ait trouvé d'autre solution que de rappeler les professeurs retraités pour des remplacements. Il est urgent d'augmenter le nombre de professeurs titulaires afin de permettre des remplacements de qualité et permettre aux directeurs et directrices d'avoir suffisamment de compléments pour gérer sereinement les charges administratives.
Marion 37 ans, enseignant en élémentaire en Guyane : "Nous apprenons les informations via BFM"
Je suis en grève car nous ne pouvons plus travailler dans de telles conditions, nous sommes mis en danger et nos élèves aussi. Depuis la rentrée, je n'ai jamais eu plus de 14 élèves sur une classe de 26. La moitié de mes collègues est en arrêt à cause du covid. J'ai accueilli des élèves malades, appelé des parents qui ne pouvaient pas venir les chercher car trop malades pour se déplacer. Officiellement, aucun élève n'a le Covid car les enfants ne sont pas testés...
Sur plusieurs communes, les écoles ont fermé sur décision des maires car pas assez de personnel de mairie... mais sinon rien au niveau du rectorat. RIEN. Le recteur est inexistant. Et nous apprenons les informations via BFM !! Hier soir, sur ma commune nous avons appris la fermeture des écoles par la mairie. Nous étions tous au bord de l'implosion. Nous nous sommes sentis seuls, seuls, seuls. Nous nous sentons seuls, seuls, seuls. Reprise la semaine prochaine, avec quel protocole ? Je vois des articles qui parlent d'infirmière scolaire....mais comment ça ? Nous n'en avons pas ! Ou alors une dame qui passe 2 fois par an pour les dents des CP et la sexualité des CM2... quand ce n'est pas annulé. On en a marre. Vraiment marre.
Emilie, 28 ans, enseignante en maternelle dans le Var : "Marre qu'on demande des efforts considérables à des gosses de 5 ans"
Je suis en grève car j'en ai marre du mépris de mon employeur. Marre d'apprendre par la presse comment vont se dérouler mes journées. Marre des changements de protocoles tous les 3 jours car les têtes pensantes n'ont pas tout réfléchi ni anticipé les choses. Marre de faire de la garderie et non enseigner, depuis lundi j'ai en moyenne 6 élèves par classe. Marre du manque de protection, pas de masques fournis par mon employeur, je ne suis même pas considérée comme cas contact alors que 2 de mes élèves de maternelle, sans masque et heureusement pour eux, sont positifs.
Marre du manque de remplaçants qui fait qu'on culpabilise quand on est malade car on met tout le monde en difficulté. Marre qu'on demande des efforts considérables à des gosses de 5 ans que des adultes ne supporteraient pas 1 heure. Marre de l'Education nationale et de Blanquer qui nous demandent toujours plus avec de moins en moins de moyens. Mais je vous rassure j'aime toujours mon métier et mes élèves mais encore pour combien de temps...
Fanny, 49 ans, enseignante dans un lycée du Tarn : "A l'approche des épreuves du baccalauréat, c'est criminel"
Je suis en grève car mes élèves, mes enfants et moi ne travaillons pas dans des conditions correctes, que ce soit sur le plan sanitaire ou pédagogique. Nous sommes contraints de poursuivre les programmes car aucune adaptation n'est prévue alors que près de 20% des élèves sont absents. Ils se contaminent essentiellement au self. Rien n'est fait pour améliorer nos conditions. A l'approche des épreuves du baccalauréat c'est criminel.
Shaka, 41 ans, Charente Maritime : "Le gouvernement compte sur les autotests alors que les parents ne le feront pas"
Je suis en grève car la situation sanitaire est déplorable dans les écoles. Le gouvernement nous méprise et nous laisse face à des élèves contagieux, sans protection adéquate…. il compte sur les autotests alors que les parents ne feront pas… Ils refusent déjà les nasopharyngés, comment croire qu’ils feront sérieusement les autotests… Ils nous prennent pour une garderie histoire d’assurer une continuité économique, sans reconnaître qu’ils nous exposent … Salaires minables, considération inexistante, mépris… 10% d’élèves positifs dans notre école… Et des cas contact non dépistés par les parents… Les collègues sont sous le choc d’un tel mépris et je crains que ça craque… Que feront-ils quand nous serons tous brisés par la situation et le manque de reconnaissance ?
Anne, 31 ans, CPE dans un lycée à Mayotte : "La substance d'être de mon métier est piétinée depuis 2 ans"
Je suis en grève car la substance d'être de mon métier est piétinée depuis 2 ans, et que cette rentrée a enterré pour un temps indéterminé toute relation éducative avec les élèves. Je suis CPE en lycée, et aujourd'hui je ne suis plus que surveillante générale, et en respectant le protocole je finirai la semaine avec une équipe de vie scolaire réduite de moitié. L'hystérie généralisée nous fait annuler : les salons de l'orientation, les formations sur la citoyenneté, les rencontres avec les parents des élèves décrocheurs.... alors que l'on nous assure que c'est pour le bien des élèves que l'on maintient l'ouverture des établissements.
Des dizaines d'enseignants et de personnels sont absents, les demi-jauges créent des fossés entre les élèves, les retards s'accumulent et tout ce que je suis censé faire c'est crier sur les jeunes pour qu'ils remontent leur masque sur le nez... c'est du grand délire.
Amina, 29 ans, enseignante en élémentaire en Seine-Saint-Denis : "Encore une année de gâchée"
Je suis en grève car la situation sanitaire est lamentable. On nous demande de faire classe pour une dizaine d'élèves, le temps que d'autres élèves aillent se faire cureter le nez quasiment tous les jours car de nouveaux cas COVID dans nos classes se manifestent. Sans compter le mécontentement des parents car il y a constamment un changement de protocole et de règles, nous sommes tous perdus. Nous sommes une école de 23 enseignants et depuis le début d'année on ne cesse de compter le nombre de classe qui ferme par manque de remplaçants ...
On demande aux profs de plus en plus de choses ... le bilan scolaire est sans appel, encore une année de gâchée pour les élèves. Alors, soit le gouvernement veut une immunité collective et dans ces cas c'est parfaitement en adéquation avec le fait de laisser les écoles ouvertes etc ... soit il ferme les écoles afin de réduire les risques de transmission du virus. Mais il ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière.
Marion, 30 ans, CPE dans le Lot : "Nous aurions préféré une fermeture d'une semaine avec autotest la veille de la reprise"
Je suis en grève car, face au mépris du gouvernement, qui demande une adaptation permanente et immédiate à des protocoles éloignés de la réalité du terrain, sans aucun moyen supplémentaire, je n'en peux plus. Il n'y a aucune anticipation. Nous aurions préféré une fermeture d'une semaine avec autotest la veille de la reprise. Ou alors on laisse courir le virus et on arrête ces protocoles, port de masque et autres mesures d'organisation très lourdes. Nous sommes fatigués, tendus et passons plus de temps à lire et tenter d'appliquer les protocoles en repensant une organisation plutôt que de faire notre métier.
Maud, 42 ans, Val d'Oise : "Je n'ai jamais vécu un tel chaos et vu autant de collègues moroses"
Je suis en grève car je ne supporte plus les mensonges de notre ministre. Je suis prof depuis 18 ans, je n'ai jamais vécu un tel chaos et vu autant de collègues moroses. La situation est certes peu banale mais le refus de notre ministre de voir la réalité en face est intolérable. 12 masques (dont 6 toxiques) en 2 ans, une boîte d'autotests périmés, elle est là la réalité. Des élèves qui ont du mal à suivre, à se remettre à jour, à rattraper le programme, mais pas de moyens. Des classes à 28, même en REP. Elle est là la réalité.
Laurent, 38 ans, Bouches-du-Rhône : "Des mesurettes annoncées à l'arrache, au dernier moment"
Je suis en grève car trop de mépris de l'état pour les enseignants. Pas de prime COVID. Pas de visite chez le médecin du travail. Gel du point d'indice depuis plusieurs années. Pas de rattrapage du point d'indice ni d'augmentation pour TOUS les enseignants. Des mesurettes annoncées à l'arrache, au dernier moment, dans les médias et non par voie officielle. Pas d'écoute des revendications du corps enseignant. Affaiblissement des représentations et droits syndicaux. Réforme du lycée impossible à faire, réforme précédente du collège utopique.
Quentin, 26 ans, enseignant en école élémentaire dans les Hauts-de-Seine : "Après un bac +5, un salaire de 1830€ est trop peu"
Je suis en grève pour dénoncer les changements de protocole permanent qui mettent les enseignants et les parents dans la situation de ne plus savoir quoi faire, qui oblige les enseignants à passer un temps fou à gérer les attestations d'autotest, etc. Pour dénoncer le manque cruel de moyen humain, au point par exemple que des départs en congé maternité ne sont pas remplacés depuis plusieurs semaines et ne seront peut-être jamais remplacés. Conséquence : des enfants sans écoles pendant des semaines voir des mois. Enfin, je ferai grève pour demander que notre métier soit mieux valorisé, afin d'attirer des candidats. Après 4 ans d'enseignement, comme c'est mon cas, après un bac +5, un salaire de 1830€ est trop peu.
Charlotte, 39 ans, enseignante en école élémentaire dans les Alpes-Maritimes : "Je n'ai plus envie de venir travailler"
Je suis en grève car depuis la rentrée scolaire, je passe mon temps à essayer de comprendre les différents protocoles et quand un protocole est compris, il nous en arrive un autre, à informer les parents, à gérer les absents et accessoirement à faire classe. Nous avons l'impression de n'être absolument pas considérés, les protocoles sont découverts par voie de presse, nous achetons nos propres masques, nous n'avons pas de capteur de CO2, les directeurs n'ont pas de secrétaire pour gérer toute la paperasse.
On sait pertinemment que certains parents nous laissent des enfants sans même les avoir testés puisqu'il suffit d'une attestation sur l'honneur. Le comble de tout c'est que dans cette ambiance, qui n'est pas propice aux apprentissages, on doit faire les évaluations CP. Comment faire passer ces évaluations si la moitié des élèves sont absents pour cause de Covid ? Je n'ai jamais été autant en colère et autant désabusée, je n'ai plus envie de venir travailler et c'est la première fois depuis le début de ma carrière.
"Isajuju", 57 ans, enseignante en école élémentaire en Haute-Saône : "Je veux que mes élèves ne soient plus mis en danger"
Je suis en grève car je veux des équipements pour me protéger. Je suis vulnérable aux formes graves. Alors je finance mes masques FFP2 et les capteurs de CO2. Je veux que mes élèves ne soient plus mis en danger. Je veux travailler sereinement. Je veux que chaque classe soit équipée en capteurs CO2 et en purificateurs à filtre HEPA Je veux des masques chirurgicaux pour tous.
Julie, 28 ans, enseignante dans un collège en Seine-Saint-Denis : "Nous avons reçu deux purificateurs d’air pour un collège entier"
Je suis en grève car le ministre de l’Éducation nationale met en danger ses personnels, les élèves et leurs familles par l’absence de décisions claires, cohérentes et applicables dans ce contexte de crise sanitaire. L’ensemble des personnes présentes dans les établissements scolaires sont en danger : pas de masques suffisamment protecteurs distribués. Dans mon collège, j’ai reçu quatre masques en tissu fabriqués sur des modèles masculins et donc trop grands pour moi, en septembre. Depuis, rien. Les élèves ont reçu les mêmes masques que les adultes, qui ne sont donc pas adaptés à leur taille et donc complètement inefficaces.
Dans mon collège, le Covid fait des ravages et les personnels absents ne sont pas remplacés. Beaucoup d’élèves ne sont pas correctement pris en charge et le respect du port du masque ne peut donc pas être contrôlé. Nous avons reçu deux purificateurs d’air pour un collège entier. Les élèves cas contact ne sont pas dépistés, ils reviennent au collège comme ils le souhaitent car il est impossible de faire le tri dans les informations données par les parents, et car il est devenu presque impossible de faire un test PCR dans la ville.
Zoé, 28 ans, enseignante dans un lycée de la Nièvre : "Depuis la rentrée, la gestion de la crise a été catastrophique"
Je suis en grève car je suis fatiguée. Fatiguée, d'une part, par le manque de considération criante qu'a le ministre à l'encontre des enseignants. Pas un mot pour nous dans ses interventions récentes. Le protocole sanitaire n'a été qu'une goutte d'eau qui a fait déborder un vase déjà bien rempli. Depuis la rentrée, la gestion de la crise a été catastrophique. 5, 10 élèves absents par classes (si ce n'est plus - un collègue qui avait cours à 17 heure un soir a vu progressivement le nombre de cas covid/contact augmenté au fur et à mesure de la journée, à tel point qu'à 16h30 il n'y avait plus aucun élève présent).
Il règne une immense confusion au sein de mon établissement. C'est une valse sans fin entre ceux qui reviennent et ceux qui partent, déclarés positif ou cas contacts. Les infirmières sont à bout, les AED épuisés, passant leur temps au téléphone pour joindre les parents. Nous nous transformons en une garderie géante. (…) Il faut également rajouter à cela que nous avons le plus grand mal à comprendre les différents protocoles mis en œuvre et notamment le dernier. S'il soulage les parents, il suscite néanmoins des interrogations. La simple "déclaration sur l'honneur" par exemple. Comment pouvons-nous être sûrs à 100% que les parents respecteront le nouveau protocole et feront faire les tests à leurs enfants ? J'aime mon métier, profondément, mais je ne sais comment le faire correctement dans les conditions actuelles. Ce qui nous fait tenir, nous, enseignants, ce sont les élèves. D'ailleurs, l'un d'eux vient à l'instant de m'envoyer un message pour me "remercier de faire grève pour eux jeudi".
"Prof stanca", 54 ans, enseignante en Meurthe-et-Moselle : "La situation en classe est ingérable"
Je suis en grève car la situation en classe est ingérable. Depuis décembre, nous n’avons jamais eu une classe entière. On doit jongler entre le présentiel et le "à distance". En décembre, la classe a fermé à cause d’un cas. Maintenant on renvoie les élèves chez eux, ils reviennent au compte-goutte. J’ai eu le Covid donc ils ont eu une semaine de cours en moins, puisque je ne suis pas remplacée.
Marianne, 52 ans, directrice et enseignante en Gironde : "J’ai I'impression d'être une girouette"
Je suis en grève car je dois gérer cette crise sanitaire dans l’école tout en faisant cours deux jours par semaine, en préparant et en corrigeant la classe, en gérant les tâches, déjà lourdes, liées à ma fonction. Que mon ministre préfère informer la presse plutôt que nous, personnel sur place, qu'il nous change nos directives tous les 2-3 jours, que nous sommes interpellés par les familles exaspérées, que les élèves sont dans un climat exogène permanent.
Je ne dors plus, je travaille 24h/24 pour alerter les familles, organiser les remplacements si c'est possible, refouler les élèves des enseignants non remplacés tout en accueillant les miens. (…) Des employeurs mettent la pression sur les parents qui la mettent à leur tour sur nous et sur leurs enfants. J’ai I'impression d'être une girouette, avec une charge de travail très lourde, des semaines à 60h et le sentiment d'être en danger (...) face aux virus, avec cet accueil coûte que coûte.
Pascale, 54 ans, cheffe d’établissement dans le Gard : "La coupe est pleine"
Je suis en grève car la lassitude est immense. Depuis début décembre, les journées débutent à 7h30 (l'ouverture de l'école est à 8h50) et ne finissent pas avant 18h00 si toutefois ce n'est pas 21 heures car un nouveau cas positif m'est signalé dans l'intervalle. Je suis déchargée de classe à 50% ce qui signifie que j'ai mes élèves deux jours par semaine. Durant ces deux journées ces pauvres enfants doivent faire preuve d'autonomie et de patience car je suis sollicitée en permanence, il est rare, voire exceptionnel, que je puisse mener une séance à son terme.
L'école dont je suis directrice compte 9 classes et entre les enseignants et les AESH, il y a 14 adultes, lors de la dernière mise à disposition des autotests, nous avons reçu 9 boîtes. Les ordinateurs et les téléphones que nous utilisons pour communiquer sont des outils personnels (j'allais oublier la prime de 150€ qui nous a généreusement été attribuée pour nous équiper). Les derniers masques fournis, alors qu'un débat voit le jour quant à l'opportunité de l'utilisation de masques FFP2, sont une fois encore en tissu. La coupe est pleine, tant de mépris et d'arrogance sont intolérables.
Mélanie, 40 ans, enseignante en école élémentaire en Seine-Saint-Denis : "Nous sommes devenus des contrôleurs administratifs"
Je suis en grève car les conditions d’accueil des élèves sont inacceptables. Nous sommes devenus des contrôleurs administratifs, des réceptacles à la colère de l’ensemble de parents exaspérés et perdus par une succession de protocoles qui n’en sont pas puisqu’aucun moyen pratique et financier n'est parvenu sur le terrain. Nous sommes seuls, méprisés, abandonnés et épuisés.
La situation sanitaire dans notre école est déplorable et nous devons nous substituer à tous. L’ensemble des classes de notre école est touché par le Covid. Les élèves sont soit cas contact, soit ont le Covid. Les collègues tombent les uns après les autres. Il n’y a aucun remplacement puisque voici bien longtemps que notre corps de métier est en souffrance. Stop au mépris, stop aux simulacres de notre ministère !
Clémentine, 49 ans, enseignante au lycée dans les Bouches-du-Rhône : "Je ne fais pas grève contre un virus mais contre un ministère"
Je suis en grève car une semaine et demie après la rentrée, je suis épuisée ! Je suis épuisée physiquement, parce que faire cours à des classes incomplètes et s'occuper un peu de ceux qui ne sont pas là, faire en sorte qu'ils ne décrochent pas, prendre des nouvelles, ça prend du temps, du matin jusqu'au soir, et le week-end aussi. Je suis épuisée moralement parce que je me sens partie prenante d'un système maltraitant : en maintenant les écoles ouvertes et en refusant toute adaptation des programmes et du bac, on renvoie les élèves et les familles à leur responsabilité de rattrapages des cours manqués, alors que c'est parfaitement impossible pour des absences aussi longues dans la plupart des cas (quelques élèves y arrivent, ce sont des héros et des héroïnes).
En refusant de déplacer les épreuves de spécialité prévues en mars pour le bac, une pression insupportable est mise sur les élèves, les parents et les enseignants. En ayant, année après année, supprimé des postes de remplaçants en masse, les gouvernements successifs portent une responsabilité aujourd'hui sur les nombreuses heures de cours manquées par les enfants tout au long de leur scolarité et en particulier en ces temps de pandémie. Non, je ne fais pas grève contre un virus, mais contre un ministère qui maltraite ses personnels et ses usagers.
Vivien, 34 ans, enseignant dans un collège de Seine-Saint-Denis : "Tout le monde est épuisé, laminé, éreinté"
Je suis en grève car depuis le début de l'année, mon collège fonctionne sans infirmière (alors que nous sommes en pleine pandémie), sans assistance sociale et sans professeur d'allemand. Notre psychologue de l’Education Nationale est présente un jour par semaine dans l’établissement. Il nous manque également des AESH et des AVS pour les très nombreux élèves qui nécessitent un accompagnement spécialisé et personnalisé pour suivre les cours. Bref, les conditions de travail n’étaient déjà pas optimales et le climat scolaire s’en est ressenti durant ce premier trimestre.
La succession ininterrompue et incompréhensible des protocoles sanitaires n'a fait qu’accroître le désarroi total de tous les personnels. La semaine dernière, sur environ 350 élèves, une centaine était soit positif soit cas contact. (…) La pandémie et ses protocoles impossibles ne font qu’accroître les difficultés déjà existantes (…). Tout le monde est épuisé, laminé, éreinté. L’aveuglement du ministre, sa gestion calamiteuse, sa communication absurde et méprisante, son manque absolu de considération pour ses personnels, m’écœure. Nous écœure. Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, je ferai grève jeudi.
Marie, 36 ans, cheffe d’établissement dans le Pas-de-Calais : "Je suis une directrice du Covid"
Je suis en grève car mon métier est normalement d'organiser la pédagogie au sein de l'école et de veiller à la réussite de tous. Mais en réalité j'ai l'impression de ne penser qu'au Covid. Je dois lire chaque nouveau protocole, les FAQ font 42 pages à chaque fois.
Je suis enfin devenue directrice en septembre 2020 après dix ans d'attente, en tant que remplaçante. Je suis une directrice du Covid. Je dois tenir bon face à tous. Soutenir mes collègues apeurés, rassurer les parents, leur expliquer chaque nouvelle consigne tout en gardant une neutralité de fonctionnaire. Je supporte très mal la situation actuelle avec tous les changements de protocole depuis le début de la crise sanitaire. Les directeurs, nous sommes avertis en dernier lieu des nouvelles consignes, après les médias. (…) Je réponds chaque jour aux appels des parents alors que je suis en classe. Je n'ai pas d'aide administrative.
Je suis déchargée un jour par semaine pour exercer mes fonctions de directrice mais le Covid accapare le plus gros de mon temps et je ne peux attendre mon jour de décharge pour m'en occuper. J'ai l'impression de délaisser mes élèves. Les changements pour les autotests ne vont pas alléger mes tâches puisque je vais devoir fournir un document nominatif à chaque parent pour qu'il puisse aller retirer des autotests en pharmacie. (…) Je suis épuisée et à bout de forces mais je ne peux pas abandonner mon école et je reste pour faire face. Aujourd'hui, j'aimerais plus de respect de la part du gouvernement et plus de stabilité dans les consignes.
Céline, 45 ans, enseignante en école élémentaire en Seine-Maritime : "Nous sommes pris à la gorge par tout ce mépris"
Je suis en grève car je suis épuisée. C'est si facile de lancer un protocole dans un bureau, si difficile de le vivre sur le terrain. Nous endossons tous les rôles, car seuls. Pas de secrétaire, pas d’infirmière, pas de médecin scolaire. Dans quel métier, aussi, voit-on les consignes et informations aux agents donnés par voie de presse, la veille pour le lendemain ? Nous sommes tant à aimer notre métier, mais à être pris à la gorge par tout ce mépris. Nous sommes en plein désespoir et plein de désillusions.