Son flegme tout britannique et sa moustache en ont fait l'un des séducteurs du cinéma français. L'acteur Jean Rochefort est mort à 87 ans.
Né à Dinan, Jean Rochefort débarque à Paris pour faire l'acteur à l'aube des années 50. Il tente le Conservatoire, y croise Jean-Pierre Marielle, Claude Rich, Bruno Crémer et Jean-Paul Belmondo et noue des amitiés indéfectibles. Il ne sera cependant pas admis à concourir et débutera donc sa carrière au théâtre, à la télévision et au cabaret, où il rencontre un autre comédien qui deviendra un ami proche et avec qui il partagera sa passion des chevaux, Philippe Noiret.
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Jean-Loup Dabadie : "Il n'est pas crédible dans le rôle du mort..."
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Jean Rochefort fait ses débuts au cinéma en 1956, modestement, dans Rencontre à Paris. Durant une dizaine d'années, il est attiré par les films d'aventures : il s'illustre aux côtés de Michèle Mercier dans Angélique marquise des anges et ses suites, et joue dans Cartouche de Philippe de Broca, grâce à Belmondo et Marielle . Ce dernier ayant refusé le rôle, Belmondo suggère Rochefort à son réalisateur.
J'ai une tête de traître de mélodrame
Tout va changer au début des années 70, grâce, entre autre à un accessoire dont il ne se séparera plus : la moustache. Jean Rochefort sans moustache, c'est un peu comme Mireille Mathieu sans sa frange ou Nana Mouskouri sans ses lunettes.
Les années 70 seront celles de la comédie et du succès. Rochefort joue les séducteurs raffinés dans Le Cavaleur, puis devient très populaire avec Un éléphant, ça trompe énormément et sa suite, Nous irons tous au paradis. En 1976, il obtient le César du Meilleur second rôle pour Que la fête commence. Un an plus tard, l'acteur fait une parenthèse dans son parcours comique avec le drame Le Crabe tambour, expérience à nouveau couronnée de succès, puisque son rôle lui rapporte le César du Meilleur acteur.
Comédien prolixe, Jean Rochefort joue la carte de la diversité. Il poursuit dans le registre comique, allant jusqu'à mettre en vedette son trait physique le plus évident avec Le Moustachu, mais touche aussi au film policier avec Il faut tuer Birgit Haas, drame avec Je suis le seigneur du château ou même comédie horrifique avec Frankenstein 90.
Les années 90 riment avec Leconte. Une collaboration fructueuse qui avait pourtant mal commencée. En 1975, l'acteur accepte de tourner avec Coluche dans le film d'un tout jeune metteur en scène : Patrice Leconte. Mais dès le début du tournage Rochefort a du mal à trouver ses marques face à son partenaire. Il est également déstabilisé par la méthode de travail du réalisateur. L'acteur s'agace. Leconte est maladroit, peu expérimenté. Et rapidement les relations se dégradent au point que les deux hommes ne se parlent plus. Le tournage se termine dans cette atmosphère plus que tendue.
The Man Who Killed Don Quixote, le tournage maudit
Cela devait être le tournage de sa vie. LA rencontre entre ses deux passions, le cheval et le cinéma. Ce sera un désastre.
Le tournage du film de Terry Gilliam qui réunit Jean Rochefort, Johnny Depp et Vanessa Paradis commence en octobre 2000, près d'une base militaire au nord de Madrid. Tout d'abord, le vol des avions militaires empêche la prise de son direct. Au deuxième jour de tournage, des pluies diluviennes emportent une partie du matériel de tournage, et verdissent le désert qui ne peut plus servir pour la suite des décors. Quand le tournage peut reprendre, il apparaît évident que Jean Rochefort, souffrant d'une double hernie discale, n'est pas en mesure de tenir physiquement son rôle. Ceci ajouté au retard pris par d'autres éléments de la production contraignent Terry Gilliam et son producteur français René Cleitman à jeter l'éponge. Néanmoins subsiste de ce projet un documentaire, intitulé Lost in La Mancha, monté à partir des rushes, des images de tournages de Keith Fulton et Louis Pepe, initialement chargés du making of du film, et d'interviews des protagonistes.
A l'orée des années 2000, Jean Rochefort se tourne vers la jeune garde du cinéma français et n'hésite pas à accepter des projets aussi divers qu'ambitieux voire déjantés. il est ainsi à l'affiche de la comédie préhistorique RRRrrrr !!!, écrite par la troupe des Robins des Bois, puis joue pour Edouard Baer dans Akoibon, La clef de Guillaume Nicloux ou j'ai toujours rêvé d'être un gangster de Samuel Benchetrit.
Cheval, mon ami
Grand amateur d'équitation, depuis le tournage de Cartouche, il a appris à monter avec les plus grands maîtres, est devenu professionnel et s'est taillé une place d'éleveur reconnu recevant même la médaille du Mérite agricole. Il a commenté pour France 2 les épreuves d'équitation pour les Jeux olympiques d'Athènes en 2004.
À travers les générations
Jean Rochefort était devenu une référence pour plusieurs générations au fil de sa carrière. Et s'était même acoquiné avec celle des "millenials" et des fans de YouTube. En 2015, il est contacté par Quentin Leclerc et Michel Pimpant, qui s'amusent depuis trois ans à détourner les classiques de la littérature en les réécrivant en langage de la rue : le concept, Les Boloss des Belles-Lettres, donne un livre en 2013 qu'ils aimeraient faire jouer à l'acteur. Jean Rochefort accepte de jouer le jeu et prête sa voix et sa présence inimitable aux textes délirants, faisant subir les pires outrages linguistiques à Emma Bovary.
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La vidéo cartonne (plus de 2,3 millions de vues), et pousse France 5 à en produire une série diffusée de janvier à mai 2006. Un ultime pied de nez qui a achevé d'inscrire la légende de Jean Rochefort dans la culture populaire, au sens le plus universel du terme.
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