Jeu vidéo : les salariés d'Ubisoft appelés à la grève vendredi sur fond de dialogue social difficile
Par La rédaction numérique de France Inter
Deux syndicats appellent à la grève ce vendredi dans toutes les entités françaises d'Ubisoft, pour dénoncer les pratiques managériales de l'entreprise. Ils dénoncent "l'absurdité des conditions de production des jeux", dans un contexte où le leader français sort d'une année difficile.
"Les travailleurs et les travailleuses du jeu vidéo ne sont pas une ressource consommable", lance le communiqué commun du Syndicat des Travailleurs·ses du Jeu Vidéo (STJV) et de Solidaires Informatique. Ce vendredi, fait rare, ils appellent à laisser les écrans éteints, les manettes sur leur support de charge, et les souris débranchées, en signe de protestation contre le dialogue de plus en plus difficile avec leur direction.
"La balle est dans votre camp"
C'est un mail du grand patron de l'entreprise, Yves Guillemot, qui a mis le feu aux poudres. Dans un texte révélé par le site spécialisé Kotaku le 11 janvier, le dirigeant breton s'inquiétait des chiffres nettement moins bons que prévu pour l'année 2022 (avec notamment des ventes en baisse de 10 % par rapport à l'année précédente, des annulations et des retards de jeux). Et lançait à ses équipes : "Aujourd’hui plus que jamais, j’ai besoin de votre dévotion et de votre énergie totale pour faire en sorte que nous revenions sur le chemin du succès. Je demande par ailleurs à chacun d’entre vous d’être prudent et stratégique dans vos dépenses et initiatives."
Une phrase, surtout, avait provoqué la colère des salariés, qui y voyaient une inversion de responsabilité sur les déboires de la société : "La balle est dans votre camp afin de délivrer le line-up [les jeux annoncés, NDLR] prévu en temps et en heure au niveau de qualité attendu, afin de prouver à tout le monde ce que nous sommes capables de faire." Yves Guillemot s'était ensuite dit "désolé" que ses propos "soient perçus de cette manière".
Après plusieurs réunions avec la direction, selon les syndicats, ces derniers ont lancé un appel à la grève, pour dénoncer "l'absurdité des conditions de production des jeux et la façon dont nos collègues et nos camarades sont traités comme des poids et des charges dont il faudrait se débarrasser". "La direction de notre entreprise continue de remettre en question le travail effectué sans jamais considérer la possibilité de ses propres échecs et aveuglements." Ils réclament également l'ouverture de négociations salariales, pour obtenir des revalorisations "à hauteur au moins de l'inflation". "Puisque la balle est dans notre camp, donnez-nous les raquettes : donnez aux salarié·es de l'entreprise le contrôle sur le contenu et laissez-les faire leur travail."
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Une situation particulièrement difficile
La pandémie a mis en difficulté plusieurs éditeurs de jeux vidéo, entraînant des délais de développement plus importants, mais Ubisoft a été particulièrement touché. Trois jeux non annoncés ont dû être annulés l'an passé, contre quatre autres l'année précédente, selon Kotaku. "Skulls and Bones", un jeu annoncé en 2017, a été à nouveau reporté à une date non communiquée.
Ubisoft compte notamment sur deux gros titres ("Assassin's Creed: Mirage" et "Avatar: Frontiers of Pandora") pour se relancer en 2023. Mais à en croire les syndicats de salariés, leur colère dépendra beaucoup des conditions dans lesquelles se dérouleront leurs dernières semaines de développement. Dans le secteur du jeu vidéo, la pratique du "crunch" (le fait de travailler sans compter ses heures dans la dernière ligne droite avant la sortie programmée d'un jeu) est de plus en plus unanimement dénoncée, et la tentation sera forte de réclamer ce type d'effort aux équipes pour tenir les délais.