JO d’hiver : quel est l’impact environnemental de la neige artificielle ?

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JO d’hiver : quel est l’impact environnemental de la neige artificielle ?

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Un canon à neige répand de la neige artificielle au Centre national de ski alpin, site des Jeux olympiques d'hiver de Pékin 2022, à Yanqing, le 17 décembre 2021.
Un canon à neige répand de la neige artificielle au Centre national de ski alpin, site des Jeux olympiques d'hiver de Pékin 2022, à Yanqing, le 17 décembre 2021.
© AFP - Leo RAMIREZ

Les JO de Pékin vont se dérouler avec de la neige 100% artificielle, c'est-à-dire produite par des canons à neige. Si cette spécificité suscite des critiques, l'ex-biathlète Martin Fourcade a déclaré sur France Inter ne pas voir la différence avec une piscine chauffée. Décryptage.

C'est parti pour deux semaines de compétition. Les XXIVème Jeux Olympiques d'hiver ont officiellement débuté ce vendredi à Pékin. Même s'il va évidemment être question de sport, ces JO se tiennent dans un contexte très particulier, entre la crise sanitaire, les tensions diplomatiques autour de la question ukrainienne, et les critiques visant l'impact de cette olympiade sur l'environnement. Et pour cause : les pistes utilisées pour les épreuves sont recouvertes de neige 100% artificielle. 

L'absence récurrente de flocons sur les montagnes de Zhangjiakou et de Yanqing est en effet compensée par des tonnes de neige de culture, déposée sur les pistes dessinées au milieu de paysages vierges de toutes traces blanches. Interrogé par France Inter sur cette question, le biathlète à la retraite Martin Fourcade, quintuple champion olympique, a dit ne pas comprendre les critiques, expliquant qu'il ne voyait pas la "différence qui est faite avec chauffer l'eau d'une piscine". L'impact environnemental est-il réellement comparable ? Éléments de réponse. 

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Qu'a dit précisément Martin Fourcade ? 

Invité du 6h20 de France Inter, Martin Fourcade s'est exprimé sur la polémique "écologique" qui entoure ces Jeux, à savoir l'utilisation massive de la neige de culture, via des canons à neige. "Je ne dis pas que c'est bien", déclare l'ex-biathlète. "Mais j'ai un peu du mal à comprendre pourquoi on est les seuls à être stigmatisés alors que 100% des activités humaines ont un impact sur notre planète. (...) On utilise de l'électricité pour transformer de l'eau en neige en l'envoyant dans l'air mais je ne vois pas la différence qui est faite avec chauffer l'eau d'une piscine." D'après le champion, "c'est aussi une chimère de penser qu'en France on skie sur de la neige naturelle. 90% des stations de ski françaises sont équipées de canons à neige".

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Martin Fourcade se dit "partagé" sur le sujet. "Je pense qu'on doit faire mieux. On vit dans un monde qui est en pleine mutation et aujourd'hui on a du mal à accepter que, pour faire des loisirs, on ait une consommation électrique et une activité polluante. C'est le cas des sports d'hiver comme c'est le cas de 100% de notre société."

Le porte-drapeau de l'équipe de France pour ces JO, Kévin Rolland, s'est lui aussi exprimé sur ces pistes recouvertes de neige 100% artificielle. Sur France Info, le skieur freestyle savoyard a reconnu que cela pouvait "choquer". Avant d'ajouter : "mais il y a pire, quand je vois des avions qui volent à vide, que Thomas Pesquet part seul dans une fusée". Sa conclusion : "Ce n’est pas ce qu’il y a de mieux mais pas ce qu’il y a de pire”.

Combien consomme un canon à neige en électricité ? 

Quelles sont les données disponibles sur le sujet ? Pour obtenir les chiffres de l'impact de la neige de culture, nous avons contacté le chercheur et spécialiste de la neige Carlo Carmagnola, qui collabore avec le CNRS, Météo France et Centre National de Recherches Météorologiques. D'après ses données, la neige de culture consomme entre 3 et 5 kWh par mètre cube d'eau. "Ces coûts ont baissé ces dernières années avec l'amélioration des technologies." "Par exemple, le coût énergétique des remontées mécaniques est cinq fois supérieur à celui de la neige de culture."

Si on regarde dans le détail, pour un hectare de piste, "il faut en général 4 000 mètres cubes d'eau", explique le scientifique. D'après ses estimations, il faut donc au minimum 12 000 kWh d'électricité pour enneiger artificiellement un hectare de piste.

Carlo Carmagnola relativise néanmoins ces données : "Si on prend par exemple le contexte d'un domaine skiable, on sait que les remontées mécaniques, la neige de culture, le damage ou encore la préparation des pistes représentent moins de 5% de consommation de la consommation de CO2", argumente le spécialiste. "Les 95 autres % sont liés à tout ce qui est transport et bâtiments".

Combien consomme un canon à neige en eau ? 

Selon les chiffres de Carlo Carmagnola, "si on prend toute l'eau qui est consommée en France pour la neige de culture, on est chaque saison sur à peu près une trentaine de millions de mètres cube d'eau, toutes stations confondues." Le spécialiste de la neige fait ainsi le constat que "ce chiffre-là est inférieur à la quantité d'eau utilisée dans les piscines privées françaises. Pour donner une idée, 30 millions de mètres cubes c'est à peu près la consommation d'eau potable d'une agglomération de la taille de Grenoble". "Si on compare à d'autres usages, types agriculture ou industrie.. ce sont des quantités qui sont très basses. "

Carlo Carmagnola l'assure : "au sens général, il n'y a pas de vrai problème lié à l'eau, par contre il peut y avoir un problème lié à l'utilisation de l'eau localement, dans certaines vallées et sur certaines périodes l'hiver".

De son côté, Les Domaines skiables de France précise "qu'il ne s'agit pas d’une consommation, mais d’un prélèvement" puisque "l’eau est restituée au milieu naturel". La chambre professionnelle des opérateurs de domaines skiables ajoute que "25 millions de m3 d’eau sont ainsi prélevés, puis restitués au milieu naturel, pour la neige de culture. Rapporté au nombre de journées de ski réalisées en France chaque hiver, cela représente 0,5m3 d’eau par journée de ski."

Et si l'on compare avec d'autres équipements ? 

Martin Fourcade prenait ce matin l'exemple des piscines chauffées. Selon l'entreprise spécialisée Heliopac, "avec une eau de bassin chauffée autour des 27°C et les halles à 28°C, une piscine olympique nécessite à l’année un besoin d’environ 1 150 000 kWh/an uniquement pour le maintien des bassins à température." 

Si l'on prend les piscines privées : d'après la Fédération des Professionnels de la Piscine, la France compte environ 3 millions de piscines "familiales". Chaque piscine utilise un système de filtration qui consomme, en moyenne à l'année, environ 860 kWh. Environ 35% des piscines privées sont en plus équipées d'une pompe à chaleur, dont la consommation annuelle en moyenne d'électricité par piscine est de 1570 kWh. 

Selon EDF, la consommation d’une voiture électrique est en moyenne de 15 kWh pour 100 km. Si on élargit le champ de comparaison, d 'après le site d'Engie, une utilisation annuelle d'environ 3 heures par jour sur 330 jours d’une TV LCD, entraîne une consommation électrique de 99 kWh/an. On estime également qu’un congélateur indépendant consomme en moyenne 350 kWh d'électricité par an, un lave-linge modèle 8 kg représente entre 195 kWh et 150 kWh d'électricité sur une année. 

Quelles conclusions en tirer ? 

Le chercheur Carlo Carmagnola a lui aussi un avis sur la question et il se dit "plutôt en phase" avec Martin Fourcade. "La neige de culture a forcément un impact énergétique, un petit peu écologique, mais qui est moindre par rapport à beaucoup d'autres choses dont on ne s'intéresse pas normalement."

Tout en reconnaissant que l'on peut toujours faire mieux, le chercheur voit en la neige de culture une cible facile. "Quand on se focalise sur la neige de culture en oubliant ce qui est plus impactant et ce qui est autour, on fait une erreur. Il faut raisonner au cas par cas, faire des études, voir ce qui est possible ou pas". Pour conclure, Carlo Carmagnola explique que "la neige de culture permet aux stations, en partie, de survivre et cela a un impact écologique et énergétique qui est moindre par rapport à d'autres usages. Pour atténuer le réchauffement climatique, il serait déjà bon d'arrêter de monter tous en voiture. Et, une fois en station, le gros problème ce sont les bâtiments vieillissants". 

Même si 85% des stations françaises sont équipées d'un ou plusieurs enneigeurs, d'après le chercheur, en terme d'équipement en canons à neige, le pays est très loin de ses voisins européens, notamment l'Autriche.