Jonathann Daval face à ses juges

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Jonathann Daval face à ses juges

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Procès Daval, premier jour : Isabelle Fouillot, la mère de la victime, son mari et son avocat, face aux journalistes.
Procès Daval, premier jour : Isabelle Fouillot, la mère de la victime, son mari et son avocat, face aux journalistes.
© Radio France - Rachel Saadoddine

À la cour d’assises de Haute-Saône, la première journée d’audience du procès de Jonathann Daval a été consacrée aux enquêteurs, aux experts et à quelques témoins. L’ex informaticien de 36 ans, accusé d’avoir tué sa femme Alexia en octobre 2017, avant de faire croire à sa disparition, sera interrogé mercredi.

C’est une silhouette familière qui entre dans le box de la cour d’assises de Vesoul, belle salle ancienne aux boiseries sombres. Jonathann Daval porte une marinière à rayures rouges sur fond bleu marine, la même, quasiment, que le jour de la marche blanche pour Alexia, le 5 novembre 2017, à Gray. Il arbore la même coupe de cheveux, courte et soignée, et affiche la même mine abattue. Les joues, peut-être, sont un peu plus creusées. Il est en prison depuis 2 ans et 10 mois.

Après le rappel des faits et des multiples versions données par l’accusé (il avait, un temps, accusé la famille d’Alexia d’avoir tué la jeune femme), le président Matthieu Husson s’adresse à lui. "Un décès dans le contexte de l’intimité, c’est tragique, mais hélas, ce n’est pas rare ici, devant les assises. Vous ne devez pas être jugé différemment, à cause du retentissement médiatique de cette affaire." Le magistrat l’exhorte à parler le plus librement possible : "oubliez tout, la salle, les médias, et regardez vos juges."

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En ce premier jour, le président n’a qu’une question pour Jonathann Daval. "Reconnaissez-vous toujours, comme vous l’avez fait lors de l’instruction, être le seul impliqué dans la mort de votre femme ?" L’accusé souffle "oui" dans le micro, avant de se mordre les lèvres. Comme les avocats et les témoins, il a le droit d’enlever son masque quand il parle, pour une meilleure compréhension. Au premier rang, les parents d’Alexia, sa sœur et son beau-frère ne le quittent pas des yeux. Lui semble fuir leur regard.

Sa personnalité commence à se dessiner

Son interrogatoire, ce sera mercredi. En attendant il écoute, attentif. Sa tête dépasse à peine du box où il est assis devant deux agents de l’administration pénitentiaire. Sa mère arrive, en fauteuil roulant, à la barre. De la mort d’Alexia, elle dit que "c’est bien triste, c’est dommage". Martine Henry décrit "un enfant timide, dans sa bulle, parce qu’il était sourd, jusqu’à ce qu’on le soigne". C’est le sixième enfant de ses parents, juste avant qu’ils ne se séparent ; il a aussi trois demi-frères et sœurs cadets. "C’est le plus calme de tous" dit sa mère.

Elle a demandé à être entendue rapidement par la cour, pour pouvoir ensuite assister au procès de son fils ; une demande "légitime", acceptée par le président. "Je ne suis pas là pour l’influencer, mais ça peut l’aider à se libérer plus facilement" dit-elle. "Il faut qu’il dise la vérité, sans honte." 

La présence de sa mère peut-elle aider à la manifestation de la vérité ? 

Ces deux-là entretiennent en tout cas une relation étroite. L’ancien patron de Jonathann Daval livre, à la barre, une anecdote étonnante. Depuis 2006, il emploie le jeune homme comme technicien de maintenance en informatique. Mais la dernière année, en 2016, l’employeur se rend compte de "quelques petits dérapages" dans les horaires de Jonathann Daval. Il devrait être "en clientèle",  il n’y est pas. Le patron équipe le véhicule professionnel d’un tracker GPS.

Résultat : deux fois par jour, Jonathann Daval va voir... sa mère. Tous les jours, à heures fixes, matin et après-midi. Confronté par son patron, le jeune homme dit avoir des problèmes de santé, or il a chez sa mère "une machine pour respirer". Son employeur le croit sur parole, et l’employé rattrape le soir ses heures volées la journée.

Était-il oppressé, Jonathann Daval, au point d’aller chercher refuge chez sa maman, à 30 ans passés ? À l’enquêteur qui l’a reçu, le jour où il est venu déclarer la disparition de sa femme, le 28 octobre 2017, Jonathann Daval a parlé des tensions dans son couple, des crises de violence d’Alexia, qu’il attribuait au traitement hormonal contre l’infertilité qu’elle prenait. À la demande du gendarme, il a montré une trace de morsure faite, selon ses dires, par sa femme le matin même : trois points rouges sur son bras droit, une griffure au bras gauche, dont la photographie s’affiche dans la cour d’assises. 

Peu de temps après, ce sont les images insoutenables du corps carbonisé d’Alexia qui sont projetées. Ses parents et sa sœur sont sortis de la salle dès les premiers mots du médecin légiste. Jonathann Daval, lui, a disparu. Affaissé dans le box, on ne voit même plus le haut de sa tête. Ce qu’il dit avoir fait, il est incapable de le regarder en face.

Le procès se poursuit jusqu’à vendredi, Jonathann Daval encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour meurtre sur conjoint.