Julian Assange : retour sur de 10 ans de combats pour "dénoncer les abus des États"
Par La rédaction numérique de France InterJulian Assange est toujours en prison dans la banlieue de Londres. Le 4 janvier prochain la Grande Bretagne délibèrera sur la demande d'extradition des États-Unis pour le juger notamment pour espionnage. Il risque jusqu'à 175 ans de prison. Retour sur une affaire qui embarrasse des gouvernements depuis 10 ans.
Alors que le rapporteur de l'ONU sur la torture a adressé en ce mois de décembre une lettre ouverte à Donald Trump pour lui demander de gracier Julian Assange, la justice britannique doit se prononcer sur une éventuelle extradition demandée par les États-Unis.
La justice britannique a en effet fixé au 4 janvier sa décision sur la demande d'extradition de Julian Assange, australien de 49 ans, réclamée par les États-Unis qui veulent le juger pour la diffusion de centaines de milliers de documents confidentiels de l'armée américaine. En attendant la décision britannique, le fondateur de WikiLeaks est enfermé à la prison londonienne de haute sécurité de Belmarsh, où ses conditions de détention sont dénoncées par l'ONU. Julian Assange est sous le feu des projecteurs depuis dix ans.
Retour sur une affaire qui a embarrassé, et embarrasse encore, plusieurs gouvernements.
2006 : création de Wikileaks pour "dénoncer les abus des États"
Julian Assange, Australien résidant en Suède, passionné d'informatique, hacker, fonde l'ONG WikiLeaks. Il dit vouloir démasquer les abus des États. Le site de WikiLeaks publie plusieurs dossiers sur des affaires notoires comme en 2009 où il met en ligne des éléments du dossier d'instruction du pédophile belge Marc Dutroux.
2010 : publication de la vidéo de la bavure américaine à Bagdad
Le 5 avril 2010, WikiLeaks publie la vidéo d'un raid aérien mené par deux hélicoptères de l'armée américaine sur Bagdad (datant du 12 juillet 2007). Cette vidéo a été tournée par la caméra embarquée de l'hélicoptère ; il s'agissait d'une information classifiée par l'armée américaine. On y voit des tirs de mitrailleuse visant plusieurs personnes. Dix-huit civils sont tués, dont deux personnes travaillant pour l'agence de presse Reuters. Une camionnette noire, avec à son bord deux enfants, vient ramasser les corps et évacuer les blessés. Une deuxième salve est tirée, cette fois-ci sans l’autorisation de l’État-major. Puis une troisième. La plupart des hommes sont tués et les 2 enfants blessés. Dans la vidéo, on entend rire un militaire américain après les tirs. L'un d'entre eux dit : "Après tout, c'est de leur faute s'ils emmènent leurs enfants sur des terrains de guerre".
Toujours en 2010, WikiLeaks publie en collaboration avec de grands journaux des dizaines de milliers de documents concernant des interventions américaines en Afghanistan et en Irak.
En novembre 2010, il publie 250 000 télégrammes diplomatiques américains.
Une enquête pour espionnage est ouverte par la justice américaine à son encontre.
Le 7 décembre 2010, il est arrêté au Royaume-Uni à la suite d'accusations de viols de la part de deux femmes en Suède où il résidait. Il nie les faits. une seule femme maintient sa plainte.
2011 : Wikileaks dénonce les maltraitances de Guantanamo
WikiLeaks dévoile les dossiers des détenus de la prison de Guantanamo, territoire américain à Cuba. WikiLeaks accuse Washington de détentions arbitraires et de tortures.
2012 : Julian Assange se réfugie à l'ambassade d'Équateur
Libéré sous caution, Julian Assange se réfugie en juin 2012 au sein de l'ambassade d'Équateur à Londres. L'Équateur lui offre en effet l'asile politique. Les autorités britanniques refusent de lui accorder un passe-droit.
Il ne peut donc pas sortir sans être arrêté et reste enfermé dans le bâtiment diplomatique, sous la surveillance de la police britannique.
Il reçoit des membres de sa famille, et de nombreuses personnalités comme Pamela Anderson, Michael Moore ou Jean-Luc Mélenchon.
2013 : Bradley Manning condamné pour avoir publié des documents secret défense
L'enquête américaine pour espionnage à l'encontre de Wikileaks aboutit à la condamnation à 35 ans de prison de l'une des sources de WikiLeaks, l'ex-militaire américain Bradley Manning (devenu Chelsea Manning).
Le site poursuit ses activités. En 2015, il affirme notamment que la National Security Agency (NSA) américaine a espionné les trois derniers présidents français ainsi que des entreprises du CAC 40.
Le 17 janvier 2017, à trois jours de la fin de sa présidence, Barack Obama réduit la peine de Chelsea Manning de 35 à 7 ans de prison, estimant la peine initiale trop lourde. Elle est libérée le 17 mai 2017 mais comparaît régulièrement devant la justice pour refus de témoigner contre Julian Assange.
2016 : WikiLeaks publie des e-mails d'Hillary Clinton
Au cours de l'été 2016, WikiLeaks publie une série d'e-mails obtenus grâce au piratage de membres du parti démocrate, éclaboussant Hillary Clinton à quelques mois de l'élection présidentielle américaine. Les courriels du Comité national démocrate publiés étaient défavorables à Hillary Clinton. Les détracteurs de Julian Assange affirment qu'il a permis l'élection de Donald Trump en novembre 2016. Une accusation confirmée par les services de renseignement américains qui ont conclu que ce piratage était le fait de la Russie dans le cadre d'une opération d'influence visant à favoriser l'élection de Trump. La Russie a toujours nié toute ingérence et Donald Trump toute collusion avec Moscou. Le procureur spécial Robert Mueller, dans un rapport d'enquête il y a un an et demi, s'est dit dans l'incapacité de déterminer la culpabilité de Trump.
2019 : Assange n'est plus poursuivi pour viol en Suède, mais est arrêté par la police britannique
Après dix ans de procédure, le parquet suédois annonce l'abandon des poursuites pour viol contre Julian Assange accusé par une femme de l'avoir agressée en Suède en 2010.
"Beaucoup de temps s'est écoulé depuis les faits avec pour conséquence d'affaiblir les éléments de preuve, au point que j'ai décidé de classer l'enquête sans suite" a annoncé la procureure en chef adjointe à Stockholm.
De son coté, le nouveau président équatorien, Lenin Moreno, qui a lui même été la cible de révélations de WikiLeaks, décide d'expulser Assange de l'ambassade. Julian Assange est alors arrêté par la police britannique et est condamné à 50 semaines de prison pour violation de sa liberté conditionnelle en 2012. Il est incarcéré à la prison de haute sécurité de Belmarsh.
Dès son arrestation, les États-Unis demandent son extradition dans le cadre de l'enquête pour espionnage ouverte en 2010. La justice américaine lui reproche notamment d'avoir mis en danger des sources américaines en publiant plus de 700 000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines. Il risque jusqu'à 175 ans de prison.
2020 : quatre semaines d'audience et une décision en délibéré
Le 1er octobre dernier, la justice britannique fixe au 4 janvier sa décision sur la demande d'extradition de Julian Assange, réclamée par les États-Unis, après près de quatre semaines d'audiences à la cour criminelle de l'Old Bailey, à Londres. Il revient en effet à la justice britannique de déterminer si la demande américaine d'extradition, qui lui est soumise, respecte un certain nombre de critères légaux, et notamment si elle n'est pas disproportionnée ou incompatible avec les droits de l'Homme.
Selon les avocats de Julian Assange, les poursuites à l'encontre de leur client ont des motivations politiques. Or, les accords d'extradition entre la Grande Bretagne et les États-Unis interdisent les extraditions pour motifs politiques. Par ailleurs, ils affirment que Julian Assange est un journaliste et devrait donc être protégé au nom de la liberté de la presse.
Lors de l'audience londonienne, Julian Assange est apparu confus et très fatigué. Selon l'une de ses avocates, Donald Trump aurait offert de gracier Julian Assange en 2017 si le fondateur de WikiLeaks fournissait la source du piratage des emails du Comité national démocrate pendant la campagne présidentielle de 2016. La proposition était présentée comme une solution où tout le monde trouverait son compte, puisque le fondateur de Wikileaks pourrait "continuer sa vie" et Donald Trump en tirer un bénéfice politique.
Si la justice britannique décide son extradition, Julian Assange pourra malgré tout faire appel.