Kanak, l'art est une parole
Où l’on montre maintenant de sublimes objets d’art qui furent d’abord effrayants et abominables ; et comment, dans le mouvement de l’histoire, le regard se construit
Cette exposition, la plus importante réalisée sur la culture kanak, rassemble sur les 2000 m² de la Galerie Jardin plus de 300 oeuvres et documents exceptionnels issus de collections publiques d’Europe (Autriche, Suisse, France, Allemagne et Italie) et de Nouvelle-Calédonie. Elle dévoile de nombreuses pièces inédites et spectaculaires parmi les grandes oeuvres classiques du monde de l’art kanak : chambranles sculptés des Grandes maisons, haches ostensoirs de jade, sculptures faitières, statuettes et ornements d’une large diversité.22 ans après l’exposition De jade et de nacre organisée par la Réunion des Musées nationaux à Nouméa puis à Paris, le musée du quai Branly propose une exposition fondée sur des informations et des corpus d’objets inédits, en s’appuyant sur les nouvelles données muséographiques (inventaire quasi complet des objets des collections publiques mondiales, repérés durant 30 ans de recherches), vernaculaires (collecte du patrimoine kanak immatériel menée depuis 10 ans) et issues de la recherche anthropologique et historique.
Parcours de l'exposition

L’exposition est conçue selon un parcours circulaire dont l’introduction est aussi la conclusion. Cette circularité s’organise suivant un parcours principal intitulé « les cinq visages », caractérisé par la présence forte et rendue évidente de la parole kanak, et un parcours parallèle intitulé « les reflets », rendant lisible l’évolution du regard occidental sur le monde kanak par l’accumulation de témoignages documentaires.
KANAK, L’Art est une Parole est organisée autour de deux grands principes :
Les Kanak parlent d’eux-mêmes Ce sont les Kanak eux-mêmes qui assurent au visiteur la voie de la compréhension de leur monde et de leur vision. Ils en commentent les aspects essentiels à la 1ère personne et en les insérant dans l’Histoire, distinguant l’intemporel et le factuel. C’est pourquoi l’exposition est structurée selon des catégories culturelles propres à l’univers kanak.
Kanak et Européens échangent leurs regards L’exposition concilie 2 points de vue : celui du Kanak qui regarde ces visiteurs venus d’un autre monde et celui du marin, du colon ou du missionnaire européen sur la vie et la parole kanak. L’exposition est ainsi l’occasion, autour des objets et des documents présentés, de faire dialoguer le riche patrimoine immatériel du monde kanak et des oeuvres en grande partie issues d’institutions muséales occidentales qui sont aujourd’hui les gardiennes d’une bonne part du patrimoine matériel kanak.

Les « visages » (némèè) Dans la tradition kanak, se présenter revient à montrer son visage : il s’agit d’un protocole traditionnel d’entrée dans des espaces coutumiers pour des individus comme pour des représentants d’un groupe. Ces 5 « visages » sont nommés ainsi en langue ajië, l’une des 28 langues kanak toujours parlées :
Le Verbe et la Parole ; Nô L’importance de la parole se manifeste à travers la personne du chef (dit aussi « le grand aîné »). Elle s’exprime dans ce que l’on convient d’appeler la Coutume. Aujourd’hui, les monnaies de coquillage y ont encore leur place. Autrefois de prestigieux objets y étaient échangés comme des haches de jade, objets ornés de cordonnets de poils de roussette et ornements divers. Ces objets sont les supports de cette Parole. La figure historique du Grand Chef Mindia (1856-1921) estévoquée ici.La maison et le pays ; Mwâ ma mwâciri Le pays kanak traditionnel s’organisait autour de 3 réalités visibles dans le paysage : les lieux d’origine, les Grandes Cases installées en haut d’une allée paysagée, les autels aux esprits et les traces des maisons d’origine. La mémoire contemporaine conserve ces chemins anciens qui furent bouleversés par la colonisation foncière, les déplacements de population et l’enfermement des Kanak dans des réserves. La figure historique Grand Chef Nidoish Naissiline (18 ?- 1880) y est associée.Le taro et l’igname, l’importance du lien au végétal ; Mwa ma mëu Le cycle immuable de la culture de l’igname, nourriture fondamentale, est un des symboles les plus importants de la vie kanak. Ils permettent de comprendre l’indéfectible attachement du Kanak à sa terre et de mieux saisir le drame que fut la spoliation de cette terre qui a abouti à la grande révolte kanak de 1878. La figure d’Ataï (1833-1878), chef de l’Insurrection, est évoquée dans cette section.Les ancêtres et les « esprits », l’importance du lien aux ancêtres ; Bèmu ma rhee Le religieux et le sacré s’expriment et se concentrent autour de la figure ancestrale. Autrefois, ils se manifestaient au grand jour à travers la sculpture et les masques tandis que les objets supports de puissance, comme les pierres magiques, se manipulaient dans le secret. La place importante du rêve dans la société kanak indique un mode de contact aux esprits qui garde toute sa vivacité. C’est ici la figure historique du Grand Chef Aman de Touho qui vient illustrer cette section.

La personne et ses liens ; Kamö ma vibéé La personne est fortement vécue dans le monde kanak, mais jamais l’importance des liens sociaux qui la font vivre n’est oubliée. Ces liens sont rappelés à chaque grande occasion de la vie par la circulation des monnaies qui les matérialisent. La société contemporaine vit toujours de ces liens dont est rappellée la profondeur au cours des mariages et des grands deuils.Toute l’ambition de Jean-Marie Tjibaou (1936-1989) fut de tenter de construire un pays dont le contemporain s’appuierait sur ces fondements immuables de la société kanak. Autour de sa figure s’organise la fin du parcours.
Autour de l'exposition
Vacances de la Toussaint en Nouvelle-Calédonie du Samedi 19/10 au dimanche 03/11/13.Le musée du quai Branly se met à l’heure kanak pendant 2 semaines et met à l’honneur la culture kanak, en présentant la création contemporaine de Nouvelle-Calédonie, et en tissant des liens avec ce territoire d’Outre-mer au patrimoine riche et fascinant. Au programme : activités festives, performances d’artistes, cycle de cinéma, et ateliers pour enfants et familles.
Cycle spectacles Kanak Le théâtre Claude Lévi-Strauss propose un cycle d’art vivant avec les dernières créations d’artistes kanak et calédoniens, afin de rendre compte de la vitalité de la scène musicale et chorégraphique calédonienne actuelle lors de 2 moments forts, les vacances de la Toussaint et le week-end de clôture de l’exposition. Au programme : le meilleur de la musique Kanak avec K MUZIK ; FIGURE IN !, une création du chorégraphe Sthan Kabar-Louët ; ÉKOOOO, une création du slameur Paul Wamo ; et TRAJECTOIRES K, une création danse / musique / vidéo de Laetitia Naud et Richard Digoué.
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](http://www.franceinter.fr/depeche-kanak-les-oublies-de-la-grande-guerre "Kanak, les oubliés de la Grande Guerre")
Salon de lecture Jacques Kerchache A partir du 15 octobre, le salon de lecture Jacques Kerchache propose de nombreux rendez-vous en lien avec la culture kanak dont une rencontre avec les commissaires de l’exposition, une journée de débats sur les enjeux politiques et culturels liés à l’émancipation de la Nouvelle-Calédonie ou encore des séances d’écoute sur les musiques traditionnelles kanak. En accès libre et gratuit. L'exposition sera présentée du 15/03 au 15/06/14 au Centre culturel Tjibaou à Nouméa

- Légende du drapeau Kanac : Version originale cousue à la main par les femmes du mouvement, présenté et choisi pour être l'emblème kanak lors 13e Congrès de l'Union Calédonienne tenu à la tribu de Petit-Couli (Sarraméa) en novembre 1982 - Collection Marie-Claude et Jean-Marie Tjibaou.
Et aussi :
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Un webdoc, "kanak - bouture de paroles" d'Emmanuel Desbouiges et Dorothée Tromparent autour de l'exposition.