Konstantin Grigorishin, créateur d'une ligue privée de natation : "Les Jeux Olympiques, c’est démodé"
Par Jérôme ValDepuis plus d’un mois, les meilleurs nageurs du monde sont réunis à Budapest pour l’ISL : la Ligue Internationale de Natation. C'est un circuit entièrement privé, financé par un seul homme : Konstantin Grigorishin. Cet homme d’affaire ukrainien veut révolutionner le sport. Rencontre à Budapest.
Habillé d’un t-shirt et d’un short, assis dans un canapé de l’hôtel où il réside depuis un mois au milieu des nageurs, Konstantin Grigorishin est intarissable quand on évoque avec lui sa vision du sport. L’homme d’affaire ukrainien, qui a fait fortune dans la métallurgie et l’énergie à la fin des années 90 après la chute de l’URSS, a investi l’an dernier plus de 21 millions d’euros pour créer une ligue privée de natation. Il a réussi à enrôler les plus grandes stars de la planète, Florent Manaudou ou encore l’Américain Caeleb Dressel. Et contrairement à d’autres compétitions, ces nageurs sont rémunérés pour enchaîner les longueurs dans la Duna Arena de Budapest.
Konstantin Grigorishin a une ambition en tête : en faire un grand spectacle. "Bien sûr que le sport est avant tout un show", raconte-t-il à France Inter en anglais. "Ce n’est pas une expérience scientifique. C’est un mystère. Par exemple, avoir un record du monde pendant notre compétition n’est pas une priorité pour nous. La vraie question, c’est la façon dont nous allons rythmer ce show : comment procurer des émotions aux spectateurs et à quelle fréquence ? Si le rythme est trop lent, impossible de toucher les gens. Et c’est un vrai problème."
"Il est avance sur tout le monde" - Béryl Gastaldello, nageuse française
La natation, dit-il, doit se moderniser en reproduisant les codes des jeux vidéo : de la musique, des paillettes, des innovations technologiques pour la télévision. Et ça séduit les nageurs présents à Budapest. "C’est un grand visionnaire", précise la Française Béryl Gastaldello, capitaine de l’équipe LA Current de Los Angeles : "Il se donne les moyens d’aller au bout de ses idées et il a les moyens financiers de les réaliser. Il a tout compris. Il amène quelque chose qui n’a jamais été fait et il est en avance sur tout le monde. Il représente l’avenir dans le sport."
Et dans la discussion, comme pour marteler sa vision du sport, il n’hésite pas à faire référence à la philosophie et à la "post-modernité", lui qui a été diagnostiqué surdoué à l’adolescence et qui a démarré par des études de cosmologie et de mathématiques à Moscou.
"Les Jeux Olympiques appartiennent au passé" - Konstantin Grigorishin
Grand collectionneur d’art (sa collection est estimée à 254 millions d’euros selon les assureurs de la Lloyd’s), Konstantin Grigorishin n’a pas peur de s’attaquer à des monuments, comme les Jeux Olympiques. Ils sont dépassés, assure-t-il en substance. "Les Jeux Olympiques appartiennent au passé", juge l’homme d’affaires de 55 ans. "La preuve, l’âge moyen d’un téléspectateur aux J.O. de Rio, c’était 54 ans. Et à chaque J.O., le nombre de jeunes de moins de 30 ans qui regardent la compétition décroit de 25 à 30%. Cela signifie que les Jeux sont trop traditionnels. Pour tout dire, c’est démodé."
Certains dans son entourage pensent qu’il va parfois trop loin dans ses déclarations mais lui assume tout, même son rôle de trublion. "Si vous voulez changer les choses, vous vous faites des ennemis", explique-t-il avec un léger sourire. "Je ne peux pas dire que j’en suis fier, que j’adore. Mais je veux imposer mes idées et les gens qui ne sont pas d’accord rejettent cette frustration sur ma personne. Ca les dérange et moi, j’aime ça."
L’ancien oligarque Konstantin Grigorishin aime casser les codes. Quitte à tout bousculer, comme en affaires. Tombé en disgrâce en Russie, il a dû s’exiler à Londres où il vit désormais. Il ambitionne maintenant d’incarner la natation du 21e siècle. Et rêve d’installer des bassins au pied de la Tour Eiffel à Paris, ou des pyramides de Gizeh au Caire.
Malgré ses rêves de grandeur, sa gestion et ses méthodes sont décriées, y compris dans sa propre équipe. En pleine compétition, au moins trois de ses proches, dont le directeur commercial de l'ISL, sont partis, estimant ne pas avoir été payés par l'ancien oligarque.