L’affaire d’un passeur de drogue torturé finalement rejugée, après des soupçons de corruption de jurés
Par Emmanuel Leclère
Six personnes, accusées d’avoir torturé un passeur de drogue qui les aurait doublées, sont rejugées devant la cour d’appel de Paris ce mardi. Le procès en première instance avait été marqué par un certain nombre d’acquittements jugés suspects , en plus des soupçons de corruption d’un juré.
7 février 2019, à Bobigny : des commanditaires d'un trafic de drogue sont jugés pour la séquestration ultraviolente, dans un appartement d’Aulnay-sous-Bois, d'un passeur et d'un intermédiaire qu'ils soupçonnaient d'avoir volé une cargaison de cannabis. Ces derniers ont été torturés durant près de 36 heures. Le "passeur" jurait s’être fait braquer la marchandise - 80 kilos de cannabis récupérés en Espagne avec son camping-car : les commanditaires ne l’ont jamais cru. Lors de l’annonce du verdict, les deux principaux accusés de cette histoire écopent donc respectivement de peines de 7 ans et 14 ans de réclusion pour des actes de tortures et de barbarie.
Un verdict qui fuite avec vingt minutes d'avance
Mais, vingt minutes avant l'annonce du verdict, l'affaire devient hors normes : avant même le retour du président de la cour et des jurés, tout le monde ou presque dans la salle d’audience connait déjà le quantum des peines et le nombre inattendu de personnes acquittées (4 d’entre elles seront également rejugées ce mardi à Paris).
L’avocat de la victime, Maître Anne-Charlotte Mallet, avait dénoncé à l’époque, au micro de France Inter, l’atmosphère pesante de ces assises de Bobigny, avec des témoins qui semblaient "terrifiés" lorsqu’ils s’avançaient à la barre. Mais avec cette rumeur très précise et qui se révèle exacte vingt minutes plus tard, il n’y avait plus de doute sur des fuites et le soupçon immédiat vis à vis d'un ou plusieurs jurés.
L’enquête pour violation du secret du délibéré, ouverte par la procureure de Bobigny et confiée à un juge d’instruction, a permis l’année dernière la mise en examen d’un juré, et surtout l’arrestation de deux suspects placés en détention provisoire. Une affaire passible de 10 ans de prison, prise très au sérieux à l’époque à Bobigny et qui rappelle certains dossiers corses…