L'Alsace ne fusionne pas

La fusion du conseil régional d'Alsace avec les deux conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, soumise dimanche à référendum, n'aura pas lieu: le "non" l'emporte par 55,74% des voix dans le Haut-Rhin, selon les résultats définitifs. Les électeurs du Bas-Rhin y sont montrés en revanche favorables à 67,53% sans pour autant que le "oui" atteigne les 25% des inscrits, requis.
Pour que le projet passe, il fallait qu'il soit validé par plus de la moitié des suffrages exprimés et au moins 25% des électeurs inscrits dans chacun des départements.
Ecoutez le reportage de Stéphane Robert
E Référendum Alsace 7h
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Mais la mobilisation des électeurs a été historiquement basse: selon les derniers résultats partiels, seuls 35,11% des inscrits ont voté dans le Bas-Rhin et 37,18% dans le Haut-Rhin.
Les résultats dans le Haut-Rhin, qui portent sur 77% des votants, traduisent les craintes de voir le département passer dans l'orbite du Bas-Rhin et de sa capitale, Strasbourg.
Guy-Dominique Kennel, le président UMP du conseil général du Bas-Rhin a ainsi affirmé:
C'est un échec. Tout le monde se plaint du 'mille-feuille institutionnel. Nous aurions pu avoir une démarche exemplaire. Malheureusement, nous n'avons pas réussi et l'Alsace en pâtira. Quel élu se risquera encore à se lancer dans ce type de démarche ? Le statu quo ne sert personne.
Philippe Richert a pour sa part déclaré:
Nous aurons entre 55% et 60% de "oui" sur l'ensemble de l'Alsace avec une mobilisation qui n'est pas négligeable, entre 35 et 40%. Si on avait, en 1952, porté les mêmes exigences pour la création du Land de Bade-Wurtemberg, ils ne l'auraient jamais fait. Il fallait juste que le oui soit majoritaire.
Voisin de l'Alsace, ce Land, l'un des plus riches d'Allemagne, a été créé par fusion de trois Länder autonomes à l'issue d'un référendum dont le résultat avait été négatif dans l'une des entités, le pays de Bade.
Ecoutez le reportage de Céline Rousseau
E Alsace / C'est raté
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L'ancien ministre des Collectivités territoriales de Nicolas Sarkozy a également mis en cause un climat national peu favorable aux réformes institutionnelles. "Les gens souffrent, la crise est là, il y a un taux de chômage élevé, il y a l'affaire Cahuzac et les 'affaires' d'une façon générale", a-t-il expliqué.
Les Corses, interrogés sur une fusion identique en 2003, à l'initiative du gouvernement, avaient voté "non" à près de 51%. Plus petite région française par la superficie, treizième par sa population, culturellement homogène, l'Alsace semblait l'une des plus à même d'expérimenter une fusion permise par la loi de décentralisation du 16 décembre 2010. Les trois collectivités territoriales y sont en outre gérées par l'UMP. Un message brouillé
Au-delà de la possibilité de réaliser des économies, souvent mise en avant devant l'électeur, les promoteurs de ce référendum y voyaient un moyen de renforcer le pouvoir régional et de doter la collectivité unique de compétences nouvelles.
Mais des craintes se sont exprimées durant la campagne, notamment celles de voir les centres de décision s'éloigner du citoyen, tandis que certains élus ont craint d'y perdre une part de leur pouvoir.
A quelques jours du référendum, le maire UMP de Colmar (Haut-Rhin), Gilbert Meyer, disait encore ses "réticences" après avoir demandé au ministre de l'Intérieur des garanties quant au maintien de la préfecture dans sa commune.
Charles Buttner, président du conseil général du Haut-Rhin, ne s'était lui-même rallié au projet, qu'il avait d'abord qualifié d'"Anschluss", qu'après avoir obtenu des garanties qui ont fini de brouiller le message d'une simplification institutionnelle.
Le siège de la future collectivité aurait été partagé entre Strasbourg et Colmar, tandis que des "conférences départementales" sans personnalité juridique ni pouvoir délibératif, auraient maintenu un ersatz de conseil général dans chaque département.
Si les écologistes et les mouvements régionalistes ont affirmé jusqu'au bout leur soutien à la collectivité unique, les socialistes se sont divisés, ceux du Bas-Rhin optant pour le non, tandis qu'extrême-droite et extrême-gauche voyaient dans la perspective d'un pouvoir régional renforcé une atteinte à la nation et un retour au "féodalisme".