L'arrêt des soins de Vincent Lambert prévu dans dix jours : la fin d'un feuilleton de six ans ?
Par Julien BaldacchinoLe médecin de Vincent Lambert a annoncé ce samedi que le CHU de Reims cesserait les traitements dans la semaine du 20 mai. Une décision appuyée par le Conseil d'Etat qui mettrait fin à six ans de batailles judiciaires. Mais les parents du patient veulent engager de nouveaux recours.
"L'arrêt des traitements et la sédation profonde et continue" seront initiés dans la semaine du 20 mai : c'est ce qu'a annoncé ce samedi le docteur Sanchez, médecin au CHU de Reims, chargé des soins de Vincent Lambert, tétraplégique en état végétatif depuis près de dix ans. Le centre hospitalier mettra donc en application sa décision du 9 avril dernier, validée par un arrêt du Conseil d'Etat le 24 avril. Celui-ci a estimé que les "différentes conditions pour que la décision d'arrêter la nutrition et l'hydratation artificielles de M. Vincent Lambert puisse être mise en œuvre" étaient réunies.
Si la décision est effectivement mise en application, alors les médecins mettront fin à un feuilleton qui a commencé il y a plus de dix ans : le 29 septembre 2008, Vincent Lambert, 32 ans, infirmier en psychiatrie était victime d'un accident de la route, qui le plongeait dans un coma profond. Neuf mois plus tard, le 23 juin 2009, il était transféré, dans un état végétatif, au CHU de Reims, où il est toujours hospitalisé aujourd'hui.
La première décision d'arrêt des soins n'arrive que quatre ans plus tard, quand en avril 2013, l'équipe médicale arrête son alimentation, en accord avec son épouse. Mais les parents et une partie de sa famille ne sont pas en accord et saisissent le tribunal administratif, qui ordonne la reprise de l'alimentation.
Feuilleton judiciaire
Le plus gros de la bataille judiciaire s'est déroulé entre 2013 et 2015 : en décembre 2013 l'équipe médicale dénonce une "obstination déraisonnable" et décide une nouvelle fois l'arrêt des soins. Pour la deuxième fois, le tribunal administratif annule cette décision, mais le Conseil d'Etat, saisi par son épouse Rachel, son neveu et le CHU (soutenus par cinq frères et sœurs du patient), estime la décision des médecins est légale. Les parents de Vincent Lambert saisissent alors une institution européenne, la Cour internationale des droits de l'homme, qui suspend la décision en juin 2014 le temps d'instruire le dossier. Un an plus tard, la CEDH valide l'arrêt du Conseil d'Etat, et confime cet avis après un recours en révision mené par les parents.
Mais la décision d'arrêt des soins, reprise le 15 juillet, est immédiatement contrée par les parents de Vincent Lambert, qui attaquent le CHU en justice. Celui-ci renonce à la procédure moins de dix jours plus tard. Et le tribunal administratif, saisi par le neveu de Vincent Lambert, refuse d'ordonner à l'hôpital de cesser les soins.
Depuis, une longue procédure a été engagée : en 2016, la cour administrative d'appel de Nancy ordonne la reprise de la procédure de consultation pouvant mener (ou non) à l'arrêt des soins – reprise validée par le Conseil d'Etat en 2017. Cette procédure a donc abouti le 9 avril dernier, avec la troisième décision d'arrêt des soins prononcée par le CHU, elle aussi validé par le Conseil d'Etat le 24 avril.
Peu de recours
Les parents ont-ils désormais de nouveaux recours pour empêcher l'application de cette troisième décision ? Samedi, l'avocat des parents a annoncé qu'ils allaient engager "un certain nombre de recours", sans préciser lesquels. "Nous saisissons les juridictions compétentes pour que la France soit contrainte de respecter ses engagements internationaux", a-t-il déclaré.
La semaine dernière, le Comité international des droits des personnes handicapées de l'Onu a demandé à la France de suspendre toute décision d'arrêt des soins de Vincent Lambert, en attendant de trancher sur le fond. Une procédure qui peut durer jusqu'à plusieurs années. "Enfin une instance spécialisée va pouvoir se prononcer sur le fond de l'affaire", s'était félicité la défense des parents du patient.
Mais la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait déclaré que la France n'était pas tenue légalement par les demandes de ce comité, "mais nous prenons en compte ce que dit l'Onu, donc nous allons leur répondre", a-t-elle déclaré. La ministre décalrait par ailleurs que "tous les recours juridiques des parents de Vincent Lambert sont arrivés au bout".
Pour Me Triomphe, l'avocat des parents, la ministre "raconte n'importe quoi : les conventions internationales obligent la France et sont supérieures à la loi en application de la Constitution". C'est certainement ce ressort-là que la défense des parents fera jouer pour tenter une nouvelle fois de bloquer la décision.