L’assassinat de Julie Douib rejugé à Ajaccio : un féminicide devenu symbole

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L’assassinat de Julie Douib rejugé à Ajaccio : un féminicide devenu symbole

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Julie Douib avait 34 ans quand son ex-conjoint l'a abattue
Julie Douib avait 34 ans quand son ex-conjoint l'a abattue
© AFP - LUCAS BARIOULET

Le procès en appel de l'assassinat de Julie Douib, en mars 2019 à l’Île Rousse, s'ouvre ce vendredi devant la Cour d'assises d'Ajaccio. Elle avait déposé plusieurs plaintes contre son ex-conjoint, Bruno Garcia, condamné à la perpétuité en première instance. Des plaintes classées sans suite.

"Julie n’est pas un simple fait divers. Elle a laissé une trace indélébile", souffle Violetta Douib. Quatre ans après l’assassinat de leur fille, Violetta et Lucien vont de nouveau faire face à l’accusé. Le procès en appel de Bruno Garcia, 45 ans, s’ouvre pour six jours devant la Cour d’assises d’Ajaccio. Un dimanche matin, il avait débarqué chez la mère de ses enfants pour l’abattre froidement par balles. "Il m’a tuée", avait murmuré Julie à une voisine alertée par les bruits, avant de succomber à ses blessures sur son balcon. Elle avait 34 ans.

Les parents de Julie redoutent d’être encore confrontés au calvaire de leur fille. Elle a laissé derrière elle des preuves de violences physiques et psychiques répétées. Des dizaines de photos d’hématomes sur son corps mais aussi des enregistrements de leurs disputes. Lorsqu’ils ont résonné dans la salle d’audience au premier procès, en juin 2021, Violetta et Lucien ont pris la mesure de l’ampleur de ses souffrances.

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Des années de violences

"Il a mis quatre minutes pour la tuer mais les violences ont duré des années", glisse le père. "C’était très dur d’entendre la voix de ma fille, frappée, traitée de salope, de pute, de bonne à rien", explique la mère. Six mois avant sa mort, Julie avait révélé à ses parents qu’elle était maltraitée, alors qu’elle se séparait de Bruno Garcia.

L’accusé n’a jamais exprimé de regrets. Son avocat, Me Jean-Paul Eon, a indiqué qu’il souhaitait "réserver ses observations à la Cour d’assises". En première instance, les psychiatres ont décrit un homme impulsif, atteint de graves troubles paranoïaques, imperméable aux soins. La Cour d’assises de Bastia l’a condamné à la peine maximale : la réclusion criminelle à perpétuité avec 22 ans de sureté et le retrait de son autorité parentale. Ses enfants désormais âgés de 14 et 11 ans vivent chez leurs grands-parents maternels.

Les jurés ont retenu la préméditation. Avant son passage à l'acte, Bruno Garcia avait effectué des recherches sur internet. "Peine pour homicide avec arme", "Partir vivre en Thaïlande". Il pistait Julie. Une traque jusqu’à la veille de son assassinat où elle avait dû se réfugier dans un parking pour lui échapper.

"Nous n’avons pas su l’écouter"

Julie a déposé "cinq ou six plaintes", se souvient son père. Des mains courantes aussi, pour harcèlement et menaces de mort. "Un jour, un gendarme lui a lancé en souriant : c’est pas bientôt fini vos histoires ?", raconte Lucien Douib avec amertume.

"Où sont passés ces plaintes ?", se demandent les parents. Elles ont toutes été classées sans suite. Cette question les hante. Ils n’ont jamais vraiment obtenu de réponses. Au premier procès, dans son réquisitoire, l'avocate générale Charlotte Beluet a reconnu des manquements. Encore aujourd’hui, la magistrate regrette toutes les questions qui n’ont pas été posées à temps.

"On n'a pas demandé à Julie si son ex-conjoint avait des armes. Si elle avait des photos de ses blessures après avoir reçu des coups. Si elle s’était confiée à quelqu’un. S'il y a avait des témoins. On ne les a pas cherchés. Dans ses silences, cette victime a crié beaucoup de choses. Nous n’avons pas su l’écouter, nous n’avons pas su l’entendre", déplore Charlotte Beluet.

Des progrès ont néanmoins été faits, souligne la magistrate, notamment pour former les policiers et les gendarmes à l’accueil des victimes. Le grenelle contre les violences conjugales a été lancé six mois après l’assassinat de Julie, en présence de son père. "Mais le chemin est encore long", confie Charlotte Beluet. La liste des victimes aussi. Selon le collectif Féminicides par compagnons ou ex, 110 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint l’an passé. "Si Julie doit être le symbole de cette violence, qu’elle le soit. Il faut que ça bouge !", espère Lucien Douib.