Créé en 2017 à Paris, l’Atelier des artistes en exil permet de soutenir des artistes qui ont trouvé refuge en France. Il reçoit ce mardi le prix Culture pour la paix de la Fondation Chirac.
C’est un havre de paix pour des artistes menacés dans leurs pays. Sur un étage de 1000 m² d’un immeuble du XVIIIe arrondissement de Paris, 200 artistes du monde entier viennent peindre, sculpter, danser, chanter, faire de la musique. Judith Depaule et Ariel Cypel, anciens dirigeants de Confluences, lieu de promotion culturel, sont à l’origine de ce projet unique en France et en Europe.
"L’idée, explique Judith Depaule, est de fournir des espaces de travail à des artistes en exil, de les accompagner de la façon la plus individualisée possible, et des aider dans leurs démarches administratives". Ceux qui ne sont pas francophones peuvent suivre des cours d’apprentissage du français.
Mohamed Hijazi, un jeune réalisateur d’animation et de documentaire syrien, fréquente assidûment l’Atelier. Aujourd’hui réfugié politique, il a fui la répression du régime de Bachar Al-Assad. "J’ai été emprisonné en Syrie, raconte-il. La situation est très difficile sur place et encore plus quand vous avez fait de la prison en tant qu’opposant."
Pour lui, c’est un plaisir de venir à l’Atelier : "L’ambiance est sympa ici, poursuit Mohamed Hijazi.
C'est un lieu super pour travailler, les artistes s'entraident entre eux
Un espace convivial
Quand on déambule dans les ateliers et les studios, on découvre un flûtiste soudanais accompagné par un pianiste russe. Dans cette ruche multiculturelle, Ibrahim Diallo pianote sur son clavier d’ordinateur dans un espace de convivialité où les artistes peuvent boire un café et échanger.
Ce comédien de 30 ans vient de Guinée. Il est arrivé en France il y a un an. "Ici, je suis le bienvenu comme si c’était chez moi, se réjouit Ibrahim Diallo. J’ai quitté la Guinée pour des raisons politiques.
Quitter ma famille et mes amis n’était pas un choix facile, mais il y a avait une pression intérieure. Connaissant la réalité du terrain, il me fallait m’éclipser
L’Atelier des artistes en exil accueille environ 25% de femmes. Certaines peintres venues du Yémen et d’Afghanistan ont leur propre atelier à l’abri du regard des hommes. "Ces femmes ont vécu parfois des choses assez terribles et viennent de pays à domination masculine extrêmement violente," explique Judith Depaule.
Dans cette tour de Babel de la culture, les artistes en exil viennent évidemment pour pratiquer leur discipline selon leur rythme et leurs envies. Certains viennent quotidiennement, d’autres de façon épisodique.
Il n’y a aucune condition pour venir à l’Atelier. "Il suffit d’être un artiste et être exil," précise Judith Depaule. "Ce sont plutôt des exilés récents. Nous ne nous occupons pas de ceux qui sont installés depuis longtemps."
Mais l’Atelier des artistes en exil est aussi victime de son succès. Le nombre de demandes d’artistes afflue. Les initiateurs du projet songent à trouver des locaux encore plus grands et peut-être créer le même type de structure.