"L’Homme en rouge" : "Le Masque & la Plume" transporté par la Belle-époque de Julian Barnes
À travers la vie exceptionnellement brillante du médecin Samuel Pozzi, peint par John Sargent en 1881, c’est une vision en coupe des relations franco-britanniques durant la Belle-époque que nous fait découvrir Julian Barnes sous son regard acéré qui n'a pas manqué de saisir absolument "Le Masque & la Plume".
Le livre présenté par Jérôme Garcin
Traduit par Jean-Pierre Aoustin, au Mercure de France. C'est une nouvelle preuve de l'érudition, de la francophilie de cet écrivain britannique qu'est Julian Barnes. Le docteur Samuel Pozzi, né à Bergerac en 1847, pionnier de la gynécologie, était aussi un Don Juan que ses maîtresses - dont pas mal d'artistes et d'actrices comme Sarah Bernhardt et Réjane - avaient surnommé "l'Amour Médecin".
Pozzi était aussi au cœur de la vie littéraire. Il était l'ami de Jean Lorrain, de Robert de Montesquiou, des frères Goncourt, de Leconte de Lisle. Il fut même le médecin du jeune Marcel Proust. C'est un portrait de la belle époque de la médecine d'alors. Un livre qui se termine par une charge contre les artisans du Brexit.
Pozzi fut tué en 1918 par un de ses patients et le titre fait référence à son portrait de John Sargent, en 1881, où il pose en robe de chambre rouge.
C'est aussi tout ce qui différencie à cette époque-là l'Angleterre et la France
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Arnaud Viviant : "c'est un pur bonheur"
"Ce n'est pas une biographie, c'est ça qui est intéressant. Et Julian Barnes parle beaucoup justement de l'impossibilité parfois de faire une véritable biographie d'un tel personnage avec notamment cette phrase qu'il répète plusieurs fois : "on ne peut pas savoir". Car on ne peut pas savoir si Samuel Pozzi a été l'amant ou non de Sarah Bernhardt. On peut penser qu'il l'a été, mais on ne peut pas le savoir absolument.
Ce n'est pas non plus une biographie parce que c'est plus effectivement un portrait de groupe de ses personnages de la Belle Époque avec Oscar Wilde qui est très présent notamment, et tant d'autres. C'est comme une sorte de traité un peu foutraque qui part dans tous les sens. Un traité aussi sur le dandysme, sur ce qu'il a été à cette époque-là, comment il a été créé à partir de Robert de Montesquiou, qu'on retrouve évidemment chez Marcel Proust comme modèle du comte de Charlus. Enfin, du moins, on peut le penser.
C'est tout une modélisation et une esthétisation de la Belle Époque qui fait le centre du livre.
Le plus important du livre c'est tout de même ses relations intellectuelles entre la France et l'Angleterre. C'est pour cela qu'il se permet cette note sur le Brexit qui est très cruelle, très bien torchée dans le livre. Il y va, il enfonce la lame très profondément en deux pages. Mais c'est parce qu'il voit et raconte ce qu'a été aussi la vie intellectuelle franco-anglaise à cette époque-là. On pourrait dire aussi qu'il s'y trouvent les Etats-Unis car on note la présence d'Oscar Wilde et sa formidable tournée en Amérique. C'est toute cette relation historico-intellectuelle, qui commence par un voyage de Montesquiou, qui est importante. Samuel Pozzi fait l'objet d'un shopping intellectuel et décoratif. C'est ces relations qui existent. Il y a l'écrivain Henry James également. Ce que j'ai adoré ce sont les vignettes de Félix Potin qui représentaient toutes les célébrités de l'époque, glissées dans les plaquettes de chocolat".
Le livre est magnifique. En tant qu'objet, c'est absolument splendide, c'est un pur bonheur.
Patricia Martin salue "un livre aussi foutraque que distrayant"
"Barnes s'est intéressé absolument à tout, à la science, à l'international. Ce que j'ai adoré, ici, c'est que c'est totalement foutraque mais c'est un livre qui a plusieurs niveaux.
D'un côté, on parle du journal des frères Goncourt et, d'un autre côté, on te parle du kyste qui va être enlevé à Sarah Bernhardt. Un kyste gros comme la tête d'un enfant de 14 ans.
Toujours est-il qu'il raconte tout ça avec une classe et un flegme britanniques.
Ça pourrait ne ressembler à rien et c'est extrêmement distrayant".
Nelly Kaprièlian a adoré "la biographie que Barnes dresse de la Belle Époque"
"J'ai adoré cette époque qu'il ressuscite sous nos yeux. Je m'y suis sentie bien, même s'il y a quand même peu de femmes. C'est dommage qu'elles ne soient pas toujours très bien traitées, de même qu'elles ne traitent pas toujours bien les hommes non plus.
Parce que dans la vie de Samuel Pozzi, on comprend assez vite que c'est sa femme qui ne l'aime pas et qui le rejette très jeune, tandis que sa fille Catherine va lui en vouloir. D'ailleurs, il y a une très grande partie consacrée à Catherine Pozzi.
J'ai adoré la biographie de cette époque, d'une fin de siècle, extrêmement esthète, dandy, très éprise de la culture, d'idées, de beautés !
J'ai hurlé de rire quand j'ai appris que Jean Lorrain appelait Montesquiou "le comte de Grotesquiou". Je trouve qu'il a mis en lumière les liens qui se tissaient entre tous ces hommes du XIXe siècle romantique et dandy.
Mais, parfois, je n'arrive pas à situer Julian Barnes. Là, il y a des petits coups de griffes brandis régulièrement contre les Français et c'est pour ça que j'étais un peu perturbée car je le pensais plus francophile que ça".
Michel Ciment : "Peu d'écrivains sont capables de faire ce que réalise Barnes"
"Je voudrais juste insister sur l'extraordinaire qualité de la reproduction des tableaux dans ce livre parce que c'est beaucoup mieux que de l'illustration. Ça fait vraiment partie de la démarche intellectuelle de Barnes et ça m'a énormément intéressé.
Il y a une pléiade de tableaux de personnages de l'époque que je ne connaissais pas et qui sont vraiment tous extraordinaires.
C'est un livre sur la genèse de la recherche de Proust qui est en background dans ce livre. Car tout le milieu qui est évoqué et ressuscité dans le livre, c'est le milieu dans lequel Proust s'est formé, dans lequel il a mûri. Je trouve ça vraiment très fort et réussi. Peu d'écrivains sont capables de le faire".
Aller plus loin
Écoutez l'intégralité des critiques échangées sur le livre :
"L’Homme en rouge" de Julian Barnes
8 min
📖 LIRE - "L’Homme en rouge" de Julian Barnes (Éditions Mercure de France)
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