L'inflation des sondages en question, à six mois de la présidentielle

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L'inflation des sondages en question, à six mois de la présidentielle

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Une Marianne avec un masque sanitaire à Nice
Une Marianne avec un masque sanitaire à Nice
© AFP - ARIE BOTBOL / Hans Lucas

À six mois du premier tour de la présidentielle de 2022, ils ont rarement été aussi présents et déboussolants. Les sondages semblent avoir une influence inédite sur la campagne, dictant comme jamais les unes de magazines, les débats télévisés, voire les stratégies politiques. Parfois même au mépris de la déontologie.

Sondage, mon beau sondage ! C'est devenu une course infernale depuis la fin août... Ils sont commentés, font et défont les stratégies, malgré des précédents douloureux (vote sur le Brexit, élection de Trump, victoire de Fillon à la primaire de la droite et du centre en 2016, abstention record non anticipée aux régionales).

Un duel annoncé... entre deux non-candidats

À la rédaction de France Inter, nous avons fait le choix de ne pas commander de sondages sur les intentions de vote durant cette campagne. En 2017, Le Parisien/Aujourd'hui en France avait également renoncé à de tels sondages pendant la campagne.

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C'est loin d'être le cas partout : rien qu'en septembre, 13 sondages d'intentions de vote ont été publiés dans les médias (il y en avait eu 17 en septembre 2016, mais on était alors à quelques semaines de la primaire de la droite et du centre, avant celle de la gauche un mois plus tard). On en compte déjà cinq rien que sur la première semaine d'octobre (contre 4 sur la même période en 2016), dont un prophétisant un duel final Zemmour / Macron au second tour... alors qu'aucun des deux n'est encore candidat déclaré ! Une inflation, un traitement et un manque de transparence sur les précautions d'usage qui interrogent.

Depuis 1995, jamais un institut n'avait donné, si tôt à l'avance, un ordre d'arrivée au premier tour. Et pour cause : trop d'incertitudes, des panels plus ou moins fiables, et des intentions de vote calculées seulement sur la base de ceux qui sont certains d'aller voter...

L’instant M
17 min

"Tout média doit indiquer les marges d'erreur"

Jean-Pierre Sueur est un sénateur qui rumine et a l'impression de prêcher dans le désert. Le socialiste est l'auteur d'une loi, en 2016, pour mieux encadrer la sincérité des sondages. Et c'est justement ce manque de transparence actuel sur les marges d'erreur qui scandalise l'élu. "Une personne qui est à 15 %, c'est en gros entre 12,5 et 17,5 %, si le sondage a été bien fait. Or cela, on doit le dire ! La loi est bafouée tous les jours, car elle dit que tout média doit indiquer les marges d'erreur. Il y a une folie des sondages."

Avec des conséquences en chaîne très concrètes, même avant le vote ! Car pour prêter aux candidats, les banques regardent qui est donné à 5 %, le seuil minimum pour être remboursé par l'État.

Une commission qui valide à peu près tout

Depuis 1977, les sondages sont pourtant régulés par une commission, composée de six hauts magistrats et trois experts, qui peuvent constater et signaler les abus. Mais la commission n'a encore jamais saisi le procureur. En interne, le débat est en train de monter. La commission est-elle trop tolérante face au lobbying des instituts ?

Dans son dernier rapport, page 8, la présidente Marie-Eve Aubin valide même, par exemple, les sondages sur le second tour qui ne tiennent pas compte des résultats du premier... Au motif que "des candidats qui ne sont pas 'donnés d'avance' au second tour par les sondages peuvent en pratique y parvenir". Les sanctions à sa disposition semblent également peu contraignantes : dans ce même rapport, on évoque la possibilité, si un candidat à une élection publie une estimation dont il refuse d'indiquer la source ou la méthodologie, de "publier un communiqué qui précise que [la commission] n'a pas été en mesure d'exercer son contrôle". Question déontologie, les sondeurs n'ont pas encore trop de souci à se faire.