L’OL a été condamné pour avoir baissé le salaire d’une joueuse professionnelle pendant sa grossesse
Par Victor Vasseur
L’Olympique Lyonnais a été condamné pour ne pas avoir versé le salaire de la joueuse islandaise Sara Bjork Gunnarsdottir pendant sa grossesse.
Dans une tribune publiée mardi, la joueuse islandaise Sara Bjork Gunnarsdottir, 32 ans, révèle que son club l’Olympique Lyonnais n’avait pas payé la totalité de son salaire pendant sa grossesse en 2021. L’OL a été condamné par le Tribunal du football de la Fifa en mai 2022 à verser environ 82.094 euros et des intérêts à la footballeuse. Le club n'a pas fait appel. Le salaire de la joueuse avait chuté entre avril 2021 et la naissance de son fils, en novembre 2021. Le club invoque la différence entre le droit français et le règlement de la FIFA pour expliquer le non-versement d'une partie de son salaire.
Des nausées à l'entaînement
Après quatre années passées en Allemagne, la joueuse s’est engagée avec Lyon en 2020 et l'a quitté à l'été 2022, club avec lequel elle a remporté la Ligue des champions et des titres de champion de France, "l'un des moments les plus fiers de ma carrière", se souvient la joueuse pour la plateforme The Players' Tribune. En mars 2021, elle tombe enceinte. Elle vomit à l’entraînement, "se sent horrible", a des nausées et refuse d’entrer en cours de match à cause de son manque de forme. Elle finit par annoncer sa grossesse dans le vestiaire, à ses coéquipiers, le staff, la direction : "C'était drôle de voir leurs réactions, car certains d'entre eux étaient tellement choqués. Je pense qu'il y avait beaucoup d'émotions mitigées." La joueuse rentre dans son pays natal poursuivre sa grossesse. "En Europe, pendant, longtemps, ce n'était pas vraiment une chose normale pour une joueuse de tomber enceinte. Il y a eu des progrès, mais la culture est toujours la culture", poursuit Sara Björk Gunnarsdóttir.
"Je me sentais confuse, stressée et trahie"
La footballeuse continue de s’entraîner avec un coach personnel ( sa grossesse est relatée dans ce documentaire), mais constate que son salaire n’arrive plus : "Tout ce qui a été déposé n'était qu'un petit pourcentage de la Sécurité sociale." La joueuse n'avait reçu, selon la décision du tribunal de la Fifa consultée par l’AFP, qu'environ 27.000 euros nets sur les 109.000 euros initialement dus. La joueuse contacte le club. "Cela fait partie de mes droits et cela ne peut pas m'être contesté, même par un club aussi grand que Lyon", écrit Sara Björk Gunnarsdóttir dans la tribune.
D’abord, le directeur général du football Vincent Ponsot s’excuse, puis promet qu’elle sera payée. Mais il n’en n’est rien. Selon Sara Björk Gunnarsdóttir, Vincent Ponsot aurait déclaré : "Si Sara va à la FIFA avec ça, elle n'a aucun avenir à Lyon." En novembre 2021, son bébé Ragnar naît. La joueuse rentre à Lyon. Son compagnon poursuit sa carrière dans l’équipe de Rodez, en Ligue 2.
La joueuse pointe aussi du doigt le comportement du patron de l'OL, Jean-Michel Aulas : "Le président est également entré dans la pièce (lors d'une réunion avec Vincent Ponsot) pendant que j'y étais. C'était la première fois qu'il me voyait depuis que j'étais revenue avec mon bébé. Il ne m'a même pas salué, n'a pas regardé ni salué Ragnar. Mais Vincent venait de me rassurer, cinq minutes plus tôt, concernant l'affaire, que "ce n'était pas personnel". Après ce moment, avec le président, il était pourtant clair que c'était le cas."
"Tout ce que je voulais, c'était profiter de ma grossesse et travailler dur pour revenir aider l'équipe et le club. Mais au lieu de cela, je me sentais confuse, stressée et trahie", déplore Sara Björk Gunnarsdóttir. Le club ne montre hésitant face à sa demande de faire les voyages avec son bébé, de peur que ses pleurs dérangent les autres joueuses.
L'OL réagit et s'explique
C’est une "décision historique", s’est réjoui le syndicat mondial des joueurs (Fifpro), qui a accompagné la joueuse, désormais à la Juventus Turin, dans ses démarches judiciaires.
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Le litige est lié à une différence entre la Fifa et le droit français. La Fifa impose plusieurs mesures aux clubs pour les joueuses enceintes au cours de leur carrière. Ils doivent proposer un congé maternité "d’au moins 14 semaines, dont huit après la naissance", rémunéré "au minimum les deux tiers du salaire contractuel" de la joueuse. Le règlement de la Fifa précise qu’une joueuse qui ne joue pas à cause de sa grossesse a le droit d’exercer une autre activité dans son club. Dans un communiqué, l’OL se défend : "La FIFA nous reproche aujourd’hui de ne pas avoir proposé un autre travail à Sara Björk Gunnarsdóttir durant son arrêt maladie puis son congé maternité, alors qu’en parallèle, la loi nous l’interdit en France et que la joueuse nous avait demandé expressément de pouvoir retourner vivre en Islande."
Le club assure que les "chemins se sont séparés pour des raisons purement sportives", et ajoute : "Si elle souhaite nous aider aujourd'hui à faire évoluer davantage le droit français, nous serions heureux de pouvoir l'impliquer dans nos démarches aux côtés d'Amel Majri pour permettre à toutes les athlètes de vivre pleinement leur grossesse ainsi que leur retour à la compétition", ajoute le club. "L’Olympique Lyonnais a toujours été précurseur en matière de football féminin et d’accompagnement des athlètes dans tous les moments de leur vie."
Une poignée de mamans joueuses
Mardi soir, le président de l’OL Jean-Michel Aulas n’a pas réagi directement à la polémique. Dans un tweet, il a plutôt félicité la joueuse lyonnaise de 29 ans Amel Majri, de retour sur les terrains après une grave blessure au genou en 2021. Quelques mois plus tard, l’ailière est devenue en juillet 2022 la première internationale française en activité à avoir un enfant. "Merci Amel d’avoir envisagée après ta blessure au genou de devenir une athlète maman", a écrit le président lyonnais.
L'ancienne joueuse de l'OL et star du foot féminin Megan Rapinoe a critiqué le club sur Twitter : "C’est tout à fait honteux de la part de l’OL. Vous adorez parler de combien vous soutenez les femmes, mais ces calculs ne sont pas des calculs. Je vous implore d’être le club qui soutient toujours les femmes, pas le club qui l’a fait autrefois."
Selon la BBC, lors du précédent Euro, une dizaine de joueuses ont participé à la compétition, tout en étant maman. En 2017, un rapport sur l'emploi du syndicat mondial des joueurs Fifpro révélait que seulement 2% des joueurs étaient des mères.