L'une des plus grandes mines européennes de lithium va ouvrir en France d'ici 2027
Par AFP
Le groupe français de minéraux industriels Imerys va ouvrir une mine de lithium dans l'Allier, d'ici 2027. Il s'agira d'une des plus grandes mines de lithium d'Europe. Elle doit permettre d'équiper l'équivalent de 700.000 véhicules électriques par an.
Il est décrit comme le nouvel "or blanc". Le lithium, minéral indispensable dans la confection des batteries de voitures électriques, est au cœur de toutes les convoitises. Dans cette course, la France a franchi un cap ce lundi avec l'annonce de l'ouverture d'une mine de lithium dans l'Allier d'ici 2027. Elle est située dans une carrière détenue depuis 2005 par le groupe français de minéraux industriels Imerys à Beauvoir.
Le projet "Emili" a été présenté lundi matin. Cette mine sera l'une des plus grandes d'Europe et devrait permettre à la France et ses partenaires de sortir du pétrole et de se défaire de sa dépendance quasi-complète à l'égard de la Chine, en avance sur l'extraction de lithium.
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Le groupe promet à terme 1.000 emplois directs et indirects en Auvergne-Rhône-Alpes, sur deux sites : la mine d'extraction souterraine contenant le lithium, à Beauvoir ; et une usine de purification des minéraux et de transformation en hydroxyde de lithium, à moins de 100 kilomètres de la mine.
Répondre à l'impératif de transition énergétique
Avec l'exploitation de ce gisement, "nous allons aider l'Europe à se décarboner", a déclaré à la presse Alessandro Dazza, directeur général d'Imerys. À partir de 2035, les véhicules neufs vendus dans l'Union européenne ne devront être que des voitures électriques, l'objectif étant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le gisement "devrait fournir une source domestique durable et compétitive d'approvisionnement pour les constructeurs automobiles français et européens et contribuerait largement à relever les défis de la transition énergétique", a ajouté le directeur général. Le projet est soutenu par le gouvernement français. "Ce projet, exemplaire sur le plan environnemental et climatique, réduira drastiquement nos besoins d'importation de lithium", a salué le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, dans le communiqué du groupe.
Mais ce nouveau projet minier au cœur de la France pose bel et bien des questions environnementales. Pour trouver du lithium, il faut creuser entre 75 et 300 mètres et extraire 100 tonnes de roche pour en récupérer une de lithium. Imerys assure que la mine adoptera un standard international en cours d'élaboration, appelé "IRMA", qui vise à réduire les rejets toxiques et à minimiser la consommation d'eau. L'exploitation se fera en souterrain, ce qui minimisera les poussières, et le transport des roches se fera par canalisation et voie ferrée pour éviter les camions entre la mine et le site industriel. Quant aux émissions générées par l'exploitation, le groupe les estime à 8kg de C02 par tonne de lithium, contre 16 à 20kg en Australie et Chine, selon lui.
Des explications qui ne sont pas suffisantes aux yeux d'Antoine Gatet, vice-président de France nature environnement (FNE). "Il faut arrêter avec le mythe de la mine propre ! Tout ça c'est de la communication et du flan. On ne sait pas extraire de la matière du sous-sol de façon propre, car une mine ça implique toujours à côté une grosse usine chimique de transformation, ce qui entraîne une exploitation, et à terme une pollution, de l'eau et des quantités importantes de déchets qu'on ne sait pas gérer", s'est-il insurgé auprès de l'AFP. "Est-ce qu'on est vraiment prêt à sacrifier une partie de l'eau et de l'écosystème du Massif central tout ça pour faire des voitures électriques à 40.000 euros que très peu de gens pourront se payer ?" s'est-il interrogé, dénonçant l'absence de consultations publiques préalable à la mise en place de ce projet. De son côté, Michel Jarry, président de FNE pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, s'inquiète pour la forêt présente sur le site. "C'est au milieu d'une belle forêt, très ancienne, un milieu décrit par l'office du tourisme comme encore sauvage", a-t-il souligné dans le journal de 13 heures sur France Inter. "C'est une bonne nouvelle peut-être pour les emplois mais pas pour la nature."
Équiper "700 000 véhicules électriques" par an
Une dizaine d'autres projets d'exploitation de lithium sont à l'étude en Europe. Celui d'Imerys est le deuxième plus important, derrière celui de la start-up Vulcan en Allemagne. Il a fallu 18 mois de sondages et d'études menés par des spécialistes de l'extraction minière dans le sous-sol de la carrière de Beauvoir pour confirmer l'intérêt économique de la mine. Les "concentrations et quantités" de lithium ont été jugées "très attractives" dans cette carrière, qui produit 30.000 tonnes de kaolin par an depuis 1850. Cette argile blanche est destinée à la porcelaine ou au carrelage.
Depuis les années 1960, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) avait bien identifié la présence de lithium dans ce sous-sol. Mais Imerys ignorait jusqu'à récemment la teneur et donc si le site pouvait être rentable. "Nous estimons le gisement autour d'un million de tonnes d'oxyde de lithium", a dit Alessandro Dazza. Soit "beaucoup plus que ce que pensait le BRGM" initialement (320.000 tonnes). De quoi produire "34.000 tonnes d'hydroxyde de lithium par an à partir de 2028 pour une durée d'au moins 25 ans", et "équiper l'équivalent de 700.000 véhicules électriques en batteries lithium-ion" par an, selon Imerys.
L'enjeu de la souveraineté industrielle
Ce niveau de production est loin d'être négligeable : la production mondiale actuelle de carbonate ou hydroxyde de lithium, les deux éléments utilisés dans les batteries, ne dépasse pas les 450.000 tonnes dans le monde, selon Imerys. Et d'ici 2040, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévoit qu'elle soit multipliée par 40. D'autant qu'à Beauvoir, "il pourrait y avoir plus que ce que nous avons estimé, nous allons continuer les études pour voir si on pourrait avoir 30 ou 35 ans d'exploitation", a ajouté Alessandro Dazza.
L'enjeu est la souveraineté industrielle de la France, particulièrement face à la Chine, en avance dans le domaine. Le pays est le plus gros investisseur, sur ses terres et à l'étranger, et a désormais le quasi-monopole de la matière première et de la production de batteries. Les principales zones de production sont l'Australie, le Chili et l'Argentine. La Bolivie dispose des réserves inexploitées les plus importantes.