La 5G pourrait augmenter significativement les émissions de CO2 de la France, d'après un nouveau rapport
Par Sandy Dauphin
Dans un rapport commandé par le Sénat, le Haut conseil pour le climat estime que l'arrivée de la 5G pourrait générer entre 2,7 millions et 6,7 millions de tonnes eqCO2 d'ici 2030. Les experts pointent aussi la difficulté d'évaluer l'impact carbone car aujourd'hui, les futurs usages de la 5G sont largement méconnus.
Certains défenseurs de la 5G avancent des arguments écologiques pour défendre cette technologie numérique. Rien n'est moins sûr, à la lecture du nouveau rapport du Haut conseil pour le climat. Cette instance indépendante a été saisie par le Sénat pour évaluer l'impact carbone de la cinquième génération de réseaux mobiles.
Pour préparer son arrivée, l'État a mis aux enchères en octobre 2020 de nouvelles fréquences radio, autour de 3,5GHz (contre 700 à 2600 MHz pour la 4G), ces fréquences ont vocation à être complétées par une troisième gamme de fréquences (autour de 26GHz).
Les experts ont examiné plusieurs scénarios en fonction de l'ampleur du déploiement. D'après leurs conclusions, l'arrivée de la 5G va générer entre 2,7 et 6,7 millions de tonnes de CO2 (Mt éqCO2) en 2030. "Une augmentation significative", note Corinne Le Quéré présidente du Haut Conseil pour le climat, surtout si l'on compare à l'empreinte carbone actuelle du numérique, estimée à environ 15 millions de tonnes de CO2 (Mt éqCO2).

54 % de l'impact carbone de la 5G dus au renouvellement des appareils
Ces émissions de gaz à effet de serre (GES) supplémentaires "seraient principalement dues à la fabrication des terminaux - téléphones et objets connectés - dont le renouvellement pourrait se voir accélérer". La construction de nouvelles infrastructures comme les antennes et les centres de données aura également un impact carbone non négligeable, 14% du total.

Autre particularité, les émissions liées au déploiement de la 5G seront majoritairement situées à l'étranger, là où sont fabriqués les biens électroniques et où sont installés de nombreux data centers. Le rapport chiffre ces émissions dites "importées" dans une fourchette comprise entre 1,8 Mt éqCO2 et 4,6 Mt eqCO2.
Or aujourd'hui, rappelle Corinne Le Quéré, "aucune mesure ne permet le contrôle des émissions de CO2 importées en France, bien qu'un plafond soit prévu dans la loi 'énergie climat' en 2022". C'est d'ailleurs l'une des recommandations du rapport : faire adopter par l'Europe des normes de réduction des émissions importées liées aux équipements électriques et électroniques.
Autre point de vigilance, l'arrivée de la 5G fait peser des risques sur la qualité des prévisions météorologiques. En effet, si la 5G utilise à l'avenir la bande de fréquence autour de 26 GHz (pour l'instant, ces fréquences n'ont pas été attribuées), "il risque d'y avoir des interactions avec les fréquences utilisées par les satellites d'observation de la Terre" d'après le rapport.
Difficile d'évaluer l'impact CO2 induit par les usages de la 5G
Les experts préviennent, il va falloir anticiper une hausse importante de la consommation d'électricité avec le déploiement de la 5G. Une augmentation estimée entre 16 TWh et 40 TWh en 2030, soit "entre 5% et 13% de la consommation finale d'électricité du résidentiel et du tertiaire en 2019".
En revanche, les auteurs du rapport ont eu plus de mal à évaluer l'impact carbone induit par les nouveaux usages liés à la 5G, car beaucoup restent "largement méconnus". Dans le secteur industriel, la 5G pourrait favoriser le pilotage des plateformes logistiques, ou encore développer les voitures autonomes. Certaines collectivités s'intéressent à la 5G pour la télésurveillance ou l'optimisation de la collecte des déchets. Quant aux particuliers les plus "geeks", ils attendent une meilleure qualité des vidéos sur leur écran de téléphone, la possibilité de jouer à des jeux en ligne sans téléchargement (le "cloud gaming") ou des applications de réalité virtuelle ou augmentée. Difficile de mesurer l'impact des usages qui commencent à peine à se dessiner : "L'expérience du déploiement des technologies numériques montre que les usages finaux sont rarement ceux anticipés", note le rapport.
"Certains usages de la 5G aideront à réduire les émissions de CO2, mais d'autres peuvent au contraire les augmenter", précise Corinne Le Quéré, la présidente du Haut Conseil pour le climat. On peut ainsi espérer que cette révolution numérique permettra de faire des économies d'énergie (c'est l'un des arguments régulièrement avancés par les défenseurs de la 5G), mais pour l'instant "aucune évaluation chiffrée ne permet de le confirmer", explique-t-elle. De même, la 5G peut en théorie favoriser le télétravail, et donc contribuer à réduire les émissions de CO2 des transports. Sauf qu'aujourd'hui, c'est impossible à quantifier.
Le Haut Conseil pour le climat fait des recommandations pour limiter le bilan carbone de la 5G. Les experts ne formulent pas de demande de moratoire, comme l'ont réclamé sans succès la Convention citoyenne sur le climat, car "les fréquences ont déjà été attribuées", fait remarquer Corinne Le Quéré. "On est plutôt sur une position de retourner voir les opérateurs, et de leur demander un cahier des charges afin de prendre des mesures pour réduire les émissions."
Le Haut Conseil estime également qu'il faut une évaluation environnementale plus vaste du déploiement de la 5G, et s'étonne même qu'elle n'ait pas déjà été faite. Ce rapport "comble une partie du manque", notent les experts, mais "ne saurait se substituer à une évaluation complète de l'ensemble des impacts environnementaux, sanitaires et économiques, financiers et sociaux, qui aurait dû avoir lieu au préalable".