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© Getty - Stephen Swintek

Multiplication des supports de l’écriture, diversification des niveaux de lecture, enjeux multipliés à l’infini, lire devient un exercice où notre conscience se prend de vertiges. Et pourtant, l’exercice reste une expérience intime fondatrice et un formidable outil de reliance au monde.

N’avons-nous pas ces souvenirs d’enfance de nos premières lectures, inscrits en nous comme autant de jouissances intellectuelles et sensibles ? N’avons-nous pas ces premiers états amoureux gravés en notre mémoire, couronnés par quelque citation d’un poète admiré et choisi ? 

Lire est peut-être l'un de ces chemins d’humanité, pour chaque jour et pour toujours.

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Jules Renard, dans son Journal (1887-1910) :

Quand je pense à tous les livres qu’il me reste à lire, j’ai la certitude d’être encore heureux.

Lire, partage d’humanité

Parmi les textes les plus anciens, ceux qui ont traversé les siècles, citons l’épopée mythologique du poète Homère, L'Iliade et l'Odyssée, dont l’écrivain voyageur, Sylvain Tesson, invité de Léa Salamé sur France Inter, disait :

L'Iliade et l'Odyssée, un petit trésor poétique (...) si on le lit à haute voix par exemple, ces vers ont été écrits magnifiquement et la musique ne s'est jamais tue.

Déjà dans ses Essais, Montaigne appréhendait la multiplication infinie des ouvrages, comme autant de points de vue sur l’existence. 

Michel de Montaigne, Essais, III, 13 :

Il y a plus affaire à interpréter les interprétations qu'à interpréter les choses, et plus de livres sur les livres que sur autre sujet : nous ne faisons que nous entregloser.  

Vers la fin des années 1960, Julia Kristeva avait créé le terme d'intertextualité, une « interaction textuelle » qui validait la sensation du lecteur de relire les mêmes thèmes :

Tout texte se construit comme une mosaïque de citations, tout texte est une absorption et transformation d'un autre texte.

Revenons, par pur plaisir de la rencontre et parce qu'il se livre avec beaucoup de sincérité, au lauréat du Prix du Livre Inter 2018, David Lopez, pour son roman Fief, paru en août 2017 aux éditions du Seuil.

David Lopez nous parle de son livre mais aussi de ses inspirations :

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David Lopez :

Il y a des passages des bouquins que je lis, qui m'interpellent et j'en garde une trace, donc, moi, j'ai un cahier…

Dans Fief, roman au rythme syncopé, le verbe occupe tout l'espace du récit, un roman généreux et jouissif, une victoire de l'oralité.

Lire, expérience de réalité virtuelle

Avec une programmation de deux millions d’années pour le langage oral, notre cerveau a été contraint de s’adapter au langage écrit, apparu seulement il y a quatre mille ans ; des aires cérébrales spécifiques à la reconnaissance de l’écriture sont apparues au fil de l'évolution humaine.

Alberto Manguel, dans Une Histoire de la Lecture 

Puisque je pouvais transformer des traits nus en réalité vivante, j’étais tout puissant. Je savais lire.

Le décodage des mots par notre cortex surprend par son processus, car le lobe temporal gauche convertit les lettres lues en sons, un peu comme si nous écoutions une conversation dans notre tête. De plus, au cours de la lecture, le cerveau simule tout ce qui est raconté. 

Vivre les péripéties d’un roman correspondrait donc bien à une réalité neuronale !

Par ailleurs, des neurologues de l’INSERM ont observé que certains patients atteints d'AVC ne pouvaient plus décrypter les lettres, mais conservaient la compréhension du langage parlé. Une partie de notre matière grise est donc bel et bien consacrée à la lecture.

La vision du mot provoque une sensation visuelle, puis la perception d'un objet-mot qui débouche sur la perception du sens et l'articulation en langage oral :

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Pour exemple, en 2006, des chercheurs de l’Université Jaume, en Espagne, ont découvert que des mots comme gingembre, cannelle ou jasmin stimulaient les régions du cerveau liées à l’odorat. 

Et si la lecture provoquait aussi en nous les mêmes effets qu'une expérience de réalité virtuelle ?

Lire, universelle panacée

- Diodore, historien grec du premier siècle avant notre ère, considérait déjà les livres comme les remèdes de l'esprit.

- Vers 1916, dans un hôpital militaire d’Alabama, grâce à Sadie Peterson Delaney, bibliothécaire soucieuse du bien-être des patients touchés par le traumatisme de la Première Guerre mondiale, naît la bibliothérapie, (du grec biblios : livre et therapeuien : soigner) une approche authentique de l’être en souffrance, permettant de soigner par la lecture. 

Cette démarche thérapeutique reste balbutiante en France.

Dans son émission L'Heure des Rêveurs, la journaliste Zoé Varier s'entretient avec l'une des pionnières de la bibliothérapie en France, Régine Detambel. Cette femme écrivain et thérapeute a publié, entre autre, Les livres prennent soin de nous (Pour une bibliothérapie créative)

Pour une bibliothérapie créative
Pour une bibliothérapie créative
© Getty - Mitshu

Sur le même thème, retrouvez sur France Inter, l’émission Grand Bien vous fasse qui évoque Les romans qui nous aident à vivre. Parmi les invités, Régine Detambel, s’exprime en confirmant que : 

Les récits ont ce pouvoir étonnant, dans les mouvements de la lecture ou de l’écriture, d’arracher à soi-même et à sa douleur, en proposant des fictions enveloppantes et du sens toujours renouvelé.

- Régine Detambel revendique également la lecture à voix haute, tout comme Daniel Pennac. 

L'écrivain était, en 2018, parrain de la deuxième Nuit de la Lecture, comme défenseur du partage à voix haute des textes, pour transmettre, en plus d'une histoire, le plaisir de lire. 

Daniel Pennac :

Le temps de lire, comme le temps d'aimer, dilate le temps de vivre.

Dans Comme un roman, paru en 1992 aux éditions NRF Gallimard, l'auteur a défini les dix "droits imprescriptibles" du lecteur qui sont les suivants : le droit de ne pas lire, de sauter des pages, de ne pas finir un livre, de relire, de lire n’importe quoi, de lire n’importe où, de grappiller, de lire à haute voix, de nous taire et enfin, le droit au bovarysme, c’est-à-dire la satisfaction immédiate de nos sensations en lisant.

Retrouvons la verve de l'écrivain dans l'émission Ça peut pas faire de mal dans laquelle il se délecte à lire des extraits de ses textes en compagnie de Guillaume Gallienne. 

Et complétons notre bonheur avec la rediffusion en ce mois de juillet 2018, du Grand Atelier avec Vincent Josse, Daniel Pennac, le goût des mots.

Et puisque nous sommes amenés à chercher en nous-mêmes les traces des impacts littéraires ou poétiques, réécoutons la journaliste Marie Sauvion et ses invités dans l’émission de ce mardi 7 août 2018, intitulée justement La Passion de Lire. Quelques belles surprises dans cette émission où la diversité des invités permet un débat savoureux, où se mêlent titres d'ouvrages anciens et contemporains, sans complexe et pour notre plus grand plaisir, sans oublier une certaine vision du personnage d'Emma Bovary !

Jean Rochefort sur Youtube, dans la série du Boloss des Belles Lettres, qui raconte Madame Bovary de Gustave Flaubert :

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Emma, elle se fait raccommoder la crinoline par des bad boys dans des calèches.