La Covid-19 aura-t-elle la peau des stages de 3e ?
Par Sonia Princet
Les fameux stages de 3e, passage obligé pour tout élève en fin de scolarité obligatoire, commencent en décembre et s'étalent jusqu'au printemps. Mais cette année, beaucoup d'élèves et leurs parents ont du mal à trouver des lieux pour les accueillir. Pour 800 000 élèves, c'est le parcours du combattant qui commence.
Appelés "séquences d'observation en milieu professionnel", ces stages sont obligatoires pour les élèves de 3e qui, pendant cinq jours, sur le temps scolaire, sont accueillis dans une entreprise ou une administration. Mais en période de Covid, beaucoup de familles se demandent si elles pourront trouver un stage pour leur enfant, tant les refus s'accumulent.
C'est le cas de Léna. Cette élève de 3e avait imaginé faire son stage à la télévision ou à la radio. Mais en raison de la crise sanitaire, elle n'a reçu que des réponses négatives, comme elle le raconte : "Je dois faire mon stage d'observation la semaine juste avant Noël, en décembre. Je voulais suivre un journaliste dans ses interviews et voir comment ça se passe mais je n'ai pas trouvé parce qu'ils ne prennent pas de stagiaire". Sa mère, Florence, continue les recherches mais est un peu découragée : "On a fait pas mal de demandes et on a refus sur refus. Ma fille voulait suivre quelqu'un qui faisait des interviews pour préparer un plateau télé, mais on s'est reporté sur la radio et puis là, on est en train de changer notre fusil d'épaule et on va essayer de s'orienter vers la presse écrite et puis après on changera de domaine si on voit qu'il n'y a plus d'espoir !"
Choix limités
Léna envisage de se replier sur le domaine du sport, où elle pense avoir davantage de chances de décrocher un stage. Mais ce n'est pas ce qui l'intéresse pour son projet professionnel et elle est un peu déçue. Cette année, les élèves vont devoir revoir leurs ambitions à la baisse. Les choix seront limités. De nombreuses entreprises qui doivent appliquer un protocole sanitaire strict et privilégier le télétravail n'ont pas suffisamment de personnels pour accueillir les stagiaires dans de bonnes conditions.
Benoît Serre, vice-président délégué de l'association nationale des DRH, reconnaît que "déjà accueillir un stagiaire de 3e en période normale, l'insérer dans une équipe, ce n'est pas toujours facile, mais alors en ce moment, c'est encore plus compliqué". Il confie que "beaucoup de DRH s'interrogent, non pas sur l'opportunité de le faire, mais sur la capacité à le faire".
Décalé dans le temps
Quels sont les obstacles ? Selon Benoît Serre, "d'abord vous risquez d'accueillir des jeunes stagiaires dans des entreprises qui sont quasi-vides, puisque les gens sont en télétravail. Ensuite, le stagiaire de 3e sera soumis au protocole sanitaire comme les autres, donc avec un masque, la distanciation physique et ça va limiter ses interactions. Et puis on a quand même des contraintes de place, explique le DRH. Dans certains cas, on ne peut pas faire revenir 100 % de nos collaborateurs parce qu'on n'a pas la place donc ce n'est pas pour en rajouter un supplémentaire malgré la volonté qu'on pourrait avoir de le faire. Peut-être qu'il faut attendre d'être sorti de la zone rouge ? En tout cas dans la zone écarlate pour la région parisienne et d'autres zones, je pense qu'il va falloir attendre un petit peu".
On attend plutôt de savoir si le Ministère de l'Éducation nationale maintient ce principe ou pas. Peut-être que ça va être décalé dans le temps.
Pour l'instant, le ministère de l'Éducation nationale maintient les stages de 3e. Mais des réunions sont prévues cette semaine pour évoquer les conditions d'accueil des élèves.
Une note transmise aux chefs d'établissement courant septembre précise les modalités qui pourront être ajoutées à la convention de stage : le protocole sanitaire de l'entreprise s'applique à l'élève, le port du masque est obligatoire. Les élèves scolarisés en zone verte ne doivent pas se déplacer dans un département en zone rouge où le virus circule activement.
Renforcer l'aide à la recherche
Mais le ministère a tout de même prévu qu'à titre exceptionnel le stage n'ait pas lieu. Dans cette note, il est écrit "La séquence d'observation peut ne pas être réalisée en raison du contexte sanitaire qui complexifierait l'accueil des élèves de 3e".
C'est le chef d'établissement qui conserve la responsabilité d'accepter et d'organiser ces stages puisqu'il signe les conventions.
Audrey Chanonat, principal d'un collège à La Rochelle et du syndicat des chefs d'établissement SNPDEN, encourage les familles à persévérer dans leurs recherches. Pour elle, ce stage est important. C'est souvent le premier contact avec le monde de l'entreprise. Beaucoup d'élèves choisissent de présenter leur rapport de stage et leur découverte du monde professionnel lors de l'oral du brevet.
Elle prévoit d'ores et déjà de renforcer l'aide à la recherche de stage, grâce à des outils, par exemple des plateformes de recherche de stage qui sont mises en place par la Région et par le site de l'Onisep. "On va renforcer cet accompagnement sans doute bien davantage que nous ne le faisions les années précédentes, précise-t-elle. On sait que cette année, ça ne va pas être facile". La principale reste optimiste : "Si jamais on n'y arrive pas, il nous reste quelques possibilités pour décaler les semaines de stage. On a aussi des conventions qui existent avec les Chambres de commerce et d'industrie. On pourra toujours essayer d'ajuster au cas par cas, pour qu'un maximum d'élèves accèdent à ses stages. On est très rarement à du 100% dans les établissements. Moi j'ai toujours deux ou trois élèves sur 130 élèves de 3e qui n'en ont pas. Cette année, ça va sans doute être un peu plus."