La France mise en cause dans les cinq dernières années de répression égyptienne

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La France mise en cause dans les cinq dernières années de répression égyptienne

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a entamé en juin 2018 un nouveau mandat de quatre ans, en pleine vague d'arrestations d'opposants
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a entamé en juin 2018 un nouveau mandat de quatre ans, en pleine vague d'arrestations d'opposants
© AFP - EGYPTIAN PRESIDENCY

Dans un rapport commun de 64 pages, quatre ONG assurent que "l'État français et plusieurs entreprises françaises ont participé à la sanglante répression égyptienne des cinq dernières années".

La France a livré depuis cinq ans à l'Égypte des armes, des machines et des systèmes de surveillance que le régime du président al-Sissi utilise pour "écraser le peuple égyptien", dénoncent lundi des ONG de défense des droits de l'homme.

Dans un rapport commun de 64 pages publié lundi, la Fédération internationale des ligues des Droits de l'homme (FIDH), le Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS), la Ligue des droits de l'homme (FDH) et l'Observatoire des armements (ObsArm) l'assurent :

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L'État français et plusieurs entreprises françaises ont participé à la sanglante répression égyptienne des cinq dernières années.

Ventes d'armes et contrôle des masses

Paris a livré au Caire des armes de guerre (de 2010 à 2016 les ventes sont passées de 39,6 millions à 1,3 milliard d'euros, assurent les ONG) mais aussi les logiciels et le matériel informatique permettant "la mise en place d'une architecture de surveillance et de contrôle orwellienne, utilisée pour briser toute velléité de dissidence et de mobilisation".

Le rapport cite notamment "des technologies de surveillance individuelle, d'interception de masse, de collecte des données individuelles et de contrôle des foules (...) qui ont conduit à l'arrestation de dizaines de milliers d'opposants ou de militants". 

"La révolution égyptienne de 2011 [a] été portée par une génération Facebook ultra-connectée ayant su mobiliser les foules ; la France participe aujourd'hui à l'écrasement de cette génération via la mise en place d'un système de surveillance et de contrôle visant à écraser dans l'œuf toute expression de contestation", a accusé Bahey Eldin Hassan, directeur du CIHRS.  

Répression tous azimuts, sous couvert de lutte contre le terrorisme

Ainsi selon les ONG la France n’a pas seulement maintenu la livraison d’équipements pouvant servir à la répression en Égypte, prenant ainsi le risque de se rendre complice de sérieuses exactions. Elle a également fait le choix de passer outre un certain nombre de ses obligations européennes et internationales en matière de droits humains.

Le rapport note que la liste des personnes victimes d’arrestations arbitraires, de détentions préventives et de poursuites pour violations de la loi sur les protestations de novembre 2013 s’allonge sans cesse.

Islamistes, révolutionnaires, activistes, défenseurs des droits humains, juristes, journalistes, écrivains, chercheurs : depuis 2013, des milliers d’arrestations arbitraires ont conduit à l’incarcération seulement jusqu’en août 2016 d’au moins 60 000 prisonniers politiques, estime l’Arabic Network for Human Rights Information.

En août 2015, une nouvelle loi contre le terrorisme prévoit la mort et des peines de réclusion allant de 10 ans à la perpétuité pour appartenance à une "organisation terroriste". Des milliers de personnes suspectées d’opposition au régime ont été accusées de ce chef. L’accusation extrêmement vague de "promotion d’idées incitant à la violence", ou de fréquentation de sites internet promouvant de telles idées, est punie d’une peine allant de 5 à 7 ans de prison.  

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La loi sur les Entités terroristes donne aux autorités le droit d’interdire les organisations, leurs activités et leurs réunions, ainsi que de geler leurs avoirs. Les personnes ajoutées à la "liste de terreur" sont soumises à des interdictions de voyager et à un gel de leurs avoirs. 

Plus de 500 sites internet, y compris ceux d’organisations de défense des droits humains nationales et internationales, ont déjà été bloqués, explique le rapport. 

Les ONG rappellent que le 21 août 2013 le conseil des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) déclarait que les États membres suspendaient les licences d'exportation vers l'Égypte de tous les équipements qui pourraient être utilisés à des fins de répression interne.

Or selon les ONG, au moins huit entreprises françaises, encouragées par les gouvernements successifs, ont au contraire profité de cette répression pour engranger des profits records. Elles réclament aux entreprises et aux autorités françaises la cessation immédiate de ces exportations mortifères et demandent la mise en place d'une enquête parlementaire sur les livraisons d'armes à l'Égypte depuis 2013.