La guerre des médias occidentaux en Syrie

Publicité

La guerre des médias occidentaux en Syrie

Par

Alep (Syrie)
Alep (Syrie)
© unautreroman

« Une vue impressionniste et kaléïdoscopique de la situation », « un regard borgne ». C’est ce que décrivaient Sébastien Laugénie, de France Inter et Jean-Louis Le Touzet, journaliste à Libération, de retour de Syrie vendredi dernier, dans « Partout ailleurs ». Quelques fragments de vie, à la frontière Nord et à Alep, rapportés sur notre plateau. Les deux journalistes y exprimaient leur impression d’une situation figée et leur regret de ne pas pouvoir croiser les sources. Bref, d’avoir une vision très parcellaire du conflit.

Quand on se rend en Syrie, on part presque systématiquement avec l’Armée syrienne libre (ASL). On n’a donc pas accès à un discours critique à l’égard des rebelles. « On ne voit qu’une partie de la guerre, expliquait Jean-Louis Le Touzet, il est toujours difficile de trouver un fixeur neutre. »

Publicité

La couverture du conflit syrien fait également l’objet, ce mois-ci, d’une enquête de Marc de Miramon et Antonin Amado dans le Monde Diplomatique . Une « guerre médiatique » que taisent la plupart des organes de presse.

La réalité du terrain est difficile à percevoir, très peu de visas sont accordés par les autorités, détaille l’article. Les journalistes parvenus à entrer en Syrie sont presque tous passés par l’ASL. Leurs récits sont donc toujours partiels et développent la rhétorique des opposants au régime. Pas de neutralité possible en Syrie. Les journalistes qui acceptent l’invitation du régime sont eux contraints de développer un tout autre discours : ils décrivent des cadavres de l’Armée régulière mutilés, des minorités terrorisées par les ‘rebelles…

Les informations chiffrées proviennent presque toujours de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), qui fournit bilans et récit des affrontements. Son fondateur, Rami Abdel Rahmane, basé au Royaume Uni, affirme avoir « deux cents correspondants bénévoles en Syrie, en Egypte, en Turquie et au Liban » et n’être financé par personne. L’AFP, Reuters et Associated Press l’utilisent presque systématiquement comme source. L’AFP reconnaît pourtant que ces données ne sont pas toujours fiables. L’agence continue de les diffuser car « les autres agences font la même chose. Et notre secteur est très concurentiel. »

Donatella Rovera, de l’organisation Amnesty International, explique l’extrême difficulté à recueillir des données chiffrées exactes sur le terrain : « Les hôpitaux ne sont pas des sources fiables, car les blessés ne peuvent pas s’y rendre sans se faire arrêter par les forces de sécurité. » En juillet, Amnesty parlait de 12 000 morts contre 19 000 pour l’OSDH…

« Séparer le bon grain révolutionnaire de l’ivraie djihadiste s’avère parfois délicat », conclut le Monde Diplo . D’autant plus que seulement quelques acteurs se partagent la couverture du conflit : notamment Al-Arabiya et Al-Jazira, les principales chaînes satellites du Golfe. « Ces monarchies absolues […] mènent une « guerre froide régionale » à la Syrie, dernier régime arabe participant, selon elles, à l’ « arc chiite » qui s’étendrait de Beyrouth à Bagdad »…