La guerre se fera bientôt à très haute altitude

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La guerre se fera bientôt à très haute altitude

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Les batteries de défense sol-air Mamba de prochaine génération devraient être capables d'intercepter les missiles hypersoniques à très haute altitude
Les batteries de défense sol-air Mamba de prochaine génération devraient être capables d'intercepter les missiles hypersoniques à très haute altitude
© AFP - Thomas SAMSON

La guerre de demain se prépare dans les couches les plus hautes de l'atmosphère. Celles-ci sont de plus en plus souvent investies par des engins, d'espionnage ou d'attaque, alors même que la surveillance de ces espaces est pour le moins lacunaire.

Les "très hautes altitudes" sont une sorte d'espace de non-droit. On les définit par la couche atmosphérique située entre 20 et 100 km au-dessus du sol, cette dernière altitude marquant l'entrée dans l'espace interplanétaire, là où l'attraction terrestre ne se fait plus sentir, même si l'on peut faire orbiter des satellites dès 80 km.

Les avions commerciaux évoluent eux, en altitude de croisière, autour de 30 000 pieds, soit près de 10 km. L'essentiel du trafic aérien d'aujourd'hui se déploie à ces hauteurs ; le seul avion stratosphérique commercial, Concorde, volait à quelque 18 km, ce qui lui permettait des vitesses largement supersoniques (au-delà de Mach 2), lui permettant de rallier New-York en trois heures et demi. Mais Concorde volait encore sous le plafond des 20 km, c'est-à-dire dans l'espace aérien de souveraineté des États, là où le trafic est régulé, où les repérages radar sont possibles et où une police du ciel comme une défense aérienne peuvent encore opérer.

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Bien plus haut, au-delà des 100km c'est l'espace interplanétaire, où s'appliquent aussi quelques rares règles, notamment celles du "traité de l'espace" de 1967, qui interdit le déploiement et la mise en orbite d'armement nucléaire ou d'armes de destruction massive. Mais entre 20 et 100 km, c'est le flou, la zone de non-droit international où, comme en haute mer, chacun évolue comme il l'entend.

Les avions-espions par exemple - comme le U2 américain, développé dans les années 50, toujours utilisé , et volant aux alentours des 23 km - peuvent parfaitement s'affranchir des règles de navigation internationales ; et survoler le territoire français, par exemple, sans avoir à en demander l'autorisation.

Au moins six pays développent des armes hypersoniques

Or des engins volant à ces altitudes, il y en a de plus en plus, notamment des missiles ou des planeurs hypersoniques , utilisant ces hautes couches de l'atmosphère pour voler à plus de 6000 km/h. Au moins six pays ont développé des engins de ce type, pour le moment de simples démonstrateurs. Seule la Russie a déployé un armement hypersonique opérationnel... et l'aurait même déjà utilisé en Ukraine.

"On voit apparaitre deux types d'objets à ces altitudes", explique le général Philippe Morales, commandant de la défense et des opérations aériennes en France. "Des planeurs hypersoniques qui peuvent naviguer dans ces couches de l'atmosphère, puis ensuite venir frapper avec une trajectoire imprévisible, complètement différente de la trajectoire d'un missile balistique".

Et puis on trouve aussi des engins beaucoup plus lents ou quasi stationnaires : des ballons stratosphérique ou des dirigeables manœuvrants, qui peuvent rester au-dessus d'un point du globe pendant des semaines voir des mois, remplissant les mêmes fonctions qu'un satellite espion, mais pour une fraction de son prix. "On pense à des systèmes d'imagerie et de reconnaissance visuelle, d'écoute, de guerre électronique" , précise encore le général Morales. Tout le problème est qu'à ces très hautes altitudes, les contre-mesures (pour "aveugler" un ballon d'observation) ne sont pas légion ; le repérage radar est lacunaire, et en droit, l'opération n'aurait rien d'illégal.

"Est-ce que demain on accepte d'avoir, à la verticale de Paris, un ballon d'un compétiteur étranger qui vient se mettre au-dessus de la capitale ?", demande le Chef d’État-major de l'armée de l'air et de l'espace, le général Stéphane Mille : "c'est une question qu'on doit se poser et je n'ai pas de réponse toute faite aujourd'hui".

Plusieurs programmes en France

Raison pour laquelle l'Armée de l'air et de l'espace prépare sa future doctrine d'emploi, de gestion, de surveillance et de défense de ces très hautes altitudes. "Nous en avons quand même pour quelques mois de réflexion avant de savoir ce que l'on veut y faire, avant de valider une stratégie et de décliner une doctrine... On a un peu de temps devant nous mais il faut s'y atteler !", prévient encore le général Mille.

Au-delà de la défense et des contre-mesures, certains programmes plus intrusifs ou même offensifs sont d'ores et déjà en cours en France : des ballons stratosphériques d'imagerie ou des dirigeables d'observation à très haute altitude, par exemple. Le développement d'un missile hypersonique nucléaire, l'ASN4G est également en cours. Il doit remplacer l'ASMP-A à l'horizon 2035.

Quant au premier vol du démonstrateur d'un planeur hypersonique français, baptisé V-Max (pour Véhicule MAnoeuvrant eXpérimental) , il était prévu pour la fin 2021, avait prévenu le ministère des Armées. Mais, depuis, aucune annonce n'est venue confirmer ou démentir l'existence de cet objet volant non encore totalement identifié.