La "légitime défense différée" pourrait-elle être appliquée en France ?

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La "légitime défense différée" pourrait-elle être appliquée en France ?

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Manifestation contre les violences faites aux femmes et pour la libération de Jacqueline Sauvage en 2016 à Paris
Manifestation contre les violences faites aux femmes et pour la libération de Jacqueline Sauvage en 2016 à Paris
© AFP - François Guillot

Une manifestation a lieu cet après-midi à Paris pour lutter contre les violences conjugales. Parmi les revendications des personnalités qui appellent au rassemblement, figure le souhait de voir inscrire dans la loi une "légitime défense différée", inspirée notamment du droit canadien. Bonne ou fausse bonne idée ?

Le téléfilm inspiré de l'histoire de Jacqueline Sauvage a battu tous les records lundi dernier, avec près de 8 millions de téléspectateurs sur TF1. L'interprète du film Muriel Robin a profité de cette tribune pour appeler à lutter contre les violences conjugales. La comédienne propose un rassemblement ce samedi à 14h, devant l'ancien palais de justice de Paris, sur l'ile de la Cité, "pour que les victimes de violences conjugales ne meurent plus dans l'indifférence totale".

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123 femmes et 34 hommes sont morts en 2016 sous les coups de leur conjoint. Parmi les revendications des personnalités qui appellent à ce rassemblement, on trouve une proposition sur une "légitime défense différée", qui permettrait de faire acquitter des personnes ayant tué leur conjoint violent. C'est notamment ce qu'avaient plaidé (en vain) les avocates de Jacqueline Sauvage.

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Des protections différentes en France et au Canada

En France, les conditions de la légitime défense en droit sont strictes : la réponse doit être dans le même temps, proportionnelle, et nécessaire. Une femme qui tue son mari violent, à un moment où il ne la menace pas, ne peut donc pas être acquittée.

Au Canada, depuis 1990, un arrêt reconnaît une version plus extensive de la légitime défense. Une personne victime de violences répétées peut être considérée comme en état de danger permanent. Ce "syndrome de la femme battue" permet d'acquitter une personne qui tue son conjoint, même à un moment où sa vie n'est pas menacée.

Faut-il introduire cette possibilité dans la loi française ? L'avocat général Luc Frémiot, qui avait obtenu l'acquittement d'Alexandra Lange en 2012 (elle avait tué son mari alors qu'il l'agressait), est opposé au principe de la légitime défense différée.

C'est un non-sens ! Ce droit que l'on donnerait à ces femmes à la dérive, marquées par la souffrance, le droit de tuer parce que l'institution démissionne... Parce que les pouvoirs politiques et institutionnels feraient passer ce message : "débrouillez-vous toutes seules, vous qui êtes sous emprise, défendez-vous, nous sommes incapables de le faire."

En France, contrairement au Canada, la loi permet de moduler la condamnation des femmes qui tuent leur conjoint violent : en prenant en compte les circonstances de l'acte, la peine peut même être entièrement assortie de sursis.