La lettre politique de Thomas Legrand #23 : "Compromis, chose due !"
Par Thomas Legrand
Samedi 25 juin 2022 - Législatives : J+6
Rapport de force
C’est à un joli bal des faux-culs auquel nous assistons en ce moment. Alors que la situation politique issue des législatives et de la composition de la nouvelle Assemblée devrait pousser tous les partis à changer de culture et à passer du principe de l’affrontement et du "tout ou rien" à celui du compromis, chacun semble dire "Ok pour le compromis du moment que le résultat de ce compromis aboutisse à ce que ce soit mon programme et mes solutions qui soient adoptés." Cette phrase contient son contraire. Tout se passe comme si le blocage était acquis et que chacun maintenant s’organisait pour mener la prochaine bataille, celle de la responsabilité du blocage.
Qui sera responsable du blocage, quand, dans trois, six, neuf mois, on constatera qu’aucun accord sur aucun texte majeur n’aura été trouvé ? Qui sera responsable, la majorité trop rigide ou les oppositions trop obtuses ? Le président, dans ce jeu de dupes, dispose d’une carte maîtresse. Il est - pour utiliser une expression devenue un poncif de l’analyse de la macronie, mais qui ici a tout son sens - le maître des horloges. C’est lui qui décidera le bon moment pour appuyer sur le bouton nucléaire de la politique : la dissolution de l’Assemblée. Il décidera de renvoyer les parlementaires faire campagne, pas avant quelques mois, les Français sont fatigués de voter, à un moment où il sera évident, pour l’opinion que c’est l’opposition qui exagère et est la cause du blocage. Dès lors, les élections sont fixées, c’est la règle, entre 20 et 40 jours après la date de publication du décret de dissolution signé par le président. L’idée, c’est bien sûr de prendre de court les opposants, de préférence à un moment où ils sont divisés. Mais les opposants ont déjà intégré cette donnée et donc restent en mode campagne électorale. De ce fait, la mue du parlementaire, passant de candidat à législateur, risque d’être artificielle et donc de nourrir des conflits et des polémiques à la c... noix à profusion. Ce qui donnera des arguments à la nécessaire dissolution. Bref, la spirale de la culture de l’affrontement est infernale, malgré le message pourtant clair des électeurs : démerdez-vous, entendez-vous !
Dans les coulisses de la matinale
François Bayrou est arrivé pour son interview tout sourire ! En off, il nous décrivait une situation politique qui aboutissait forcément à un remaniement et à la nomination d’un homme d’expérience béarnais et centriste à Matignon. En quelques décennies de reportages et chroniques politiques, j’ai souvent croisé François Bayrou avec ce regard à la fois réjoui et comploteur qui semble dire : "c’est mon moment." C’est beau, d’une certaine façon cette foi en lui-même, à son âge.
Hier, Yannick Jadot était l’invité de la matinale. Alexis Braud, son plus proche collaborateur, l’écoute et live-tweete.

Alors que les trois éditorialistes (Pierre Haski, Dominique Seux et moi-même) discutions gaiement, comme des collégiens après les derniers cours de la semaine un vendredi (à l’heure de l’invité, nous avons tous les trois fait notre chronique), Alexis Braud, nous dit : "Écoutez ce qu’il va dire là ! C’est nouveau !" Et c’est le moment où Yannick Jadot dit, l’air de rien que si, par hypothèse, Emmanuel Macron proposait un plan radical de financement des énergies renouvelables et une politique plus ambitieuse pour le pouvoir d’achat, il n’y aurait pas de raison de na pas gouverner avec lui ! Alexis Braud craignait qu’on loupe ce qui est une position singulière parmi des Verts engagés à fond, avec Julien Bayou, dans une opposition totale et inconditionnelle au sein de la Nupes.
Quand Yannick Jadot sort du studio je lui dis : "Donc
un accord est possible ? C’est nouveau !", "Mais non, rien de nouveau !" me répond-il, démentant Alexis Braud. C’est tout un art de faire passer un changement de pied stratégique pour une continuité logique. Il vaut mieux, en politique, laisser penser que c’est le vent qui va dans le sens de la girouette et pas l’inverse.
À bientôt,
Thomas Legrand