« La mort ne doit pas être le seul moyen de sortir de Guantanamo »

Le camp de détention de Guantanamo, ouvert en 2002, reste ce territoire de non droit que les Etats-Unis aimeraient oublier sans y arriver.
Et la grève de la faim que plus de 100 prisonniers pratiquent depuis deux mois pour certains, est là pour rappeler aux américains et à l’administration Obama que 166 détenus sont encore emprisonnés, sans qu’aucun chef d’accusation n’ait été retenu contre eux.
Le nombre de grévistes de la faim est en constante augmentation depuis le début du mouvement le 6 février, et depuis les premiers chiffres fournis par les autorités militaires, qui évoquaient 9 grévistes de la faim le 11 mars. Il se rapproche de plus en plus des estimations des avocats des détenus, qui clament depuis le début qu'environ 130 hommes observent ce jeûne.
Parmi les 100 grévistes de la faim dénombrés hier, 20 étaient alimentés par des tubes reliés directement à l'estomac par le nez, selon le lieutenant-colonel Samuel House. Et parmi ces 20 prisonniers, cinq étaient toujours hospitalisés mais n'étaient pas en "danger de mort", selon le porte-parole.
Selon les avocats, le mouvement a été déclenché quand des corans avaient été examinés d'une manière que les prisonniers ont jugée blasphématoire. Mais c'est maintenant plus largement leur détention illimitée depuis 11 ans, sans inculpation ni procès, que dénoncent la plupart des protestataires.
Le CICR et d'autres organisations de défense des droits de l'homme interdisent l'alimentation forcée qu'ils jugent "contraire aux critères éthiques professionnels et médicaux établis" au niveau international. "Si quelqu'un sain d'esprit exprime le souhait de n'être ni alimenté ni hydraté, le personnel médical a l'obligation éthique d'accéder à ses voeux", a déclaré le Dr Vincent Lacopino, expert de Physicians for Human Rights.
A Washington, Fabienne Sintes
P Guantanamo
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Un prisonnier a publié une tribune dans le New-Yortk Times
Samir Naji al-Hasan Moqbel est emprisonné depuis plus de 11 ans à Guantanamo. Comme beaucoup d'autres détenus de cette prison il n'a jamais été jugé, ni même inculpé. Il n'est pas considéré non plus comme une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis mais il ne peut être libéré à cause d'un moratoire sur le rapatriement des Yéménites décrété par Barack Obama en 2009. Le 16 avril, il a raconté ses conditions de détention dans une tribune publiée par le New York Times.
En grève de la faim depuis le 10 février, le Yéménite, qui dit avoir perdu 15 kilos, est nourri de force par sonde nasale qu’on lui enfonce deux fois par jour. Sa souffrance, il l’a racontée au téléphone son avocat qui l’a transcrite dans ce texte "Guantanamo est en train de me tuer". "Je ne peux pas décrire à quel point c'est douloureux d'être nourri de cette façon", raconte le prisonnier âgé de 35 ans."Deux fois par jour ils m'attachent à une chaise dans ma cellule. Mes bras, mes jambes et ma tête sont sanglés. Je ne sais jamais quand ils vont venir. Parfois ils ne viennent qu'à 23H00 quand je dors déjà", explique encore le gréviste de la faim.
Vendredi, la Maison Blanche a indiqué qu'elle continuait à "suivre de près" la grève de la faim, réaffirmant "l'engagement du président Barack Obama à fermer la prison". "Des progrès ont été faits sous cette administration et la précédente, cependant le Congrès a voté et renouvelé une loi afin d'empêcher la fermeture du centre de détention", a déclaré à la presse son porte-parole Jay Carney. "Un obstacle fondamental à la fermeture de ce centre de détention reste entre les mains du Congrès", a-t-il ajouté.
« Accusez-les ou libérez-les ! »
Aux Etats-Unis, ceux qui demandent depuis des années la fermeture de Guantanamo n’en démordent pas et jeudi, à l'occasion d'une journée d'action "pour fermer Guantanamo et mettre fin à la détention illimitée", 25 organisations de défense des droits de l'homme ont réclamé à Barack Obama la fermeture de la prison controversée et "des mesures rapides pour gérer humainement et légalement les causes immédiates de la grève de la faim".
Devant la Maison Blanche, neuf manifestants couverts de cagoules noires et vêtus de combinaisons orange représentaient les détenus morts à Guantanamo. "Je suis mort en attendant la justice", proclamait une pancarte, "Combien d'autres?".
A New York, une trentaine de protestataires, dont certains encagoulés et habillés d'orange, exigeaient de "fermer Guantanamo". D'autres actions similaires avaient lieu à San Francisco, Los Angeles, Chicago.
"La crise en cours à Guantanamo ne peut pas être dissociée du fait que la vaste majorité des 166 prisonniers sont détenus depuis plus de 11 ans sans charge et ne connaissent toujours pas leur destin", écrivent dans leur lettre les associations, dont Amnesty International, le Centre pour les droits constitutionnels, Human Rights First, Human Rights Watch ou l'Union américaine de défense des libertés civiles (ACLU).
Sur les 779 hommes qui sont passés par Guantanamo, neuf sont morts, sept ont été condamnés et six sont actuellement renvoyés devant un tribunal militaire. De plus, 86 ont été déclarés libérables faute de preuves.