"La nature sauvage commence à partir de là où ça ne capte plus" Serge Joncour en lice pour le Livre Inter 201
Par Anne Audigier
Lundi 10 juin nous connaîtrons le lauréat du Prix du Livre Inter 2019. D'ici là, découvrez les romans de la sélection présentés par leurs auteurs.
Serge Joncour a écrit Chien-loup (Flammarion)
L'histoire par l'auteur
"C'est à la fois un roman historique, un roman psychologique, un roman sentimental et c'est un roman aussi et peut-être avant tout sur l'homme et la nature. J'ai le sentiment qu'on ne sait plus très bien où on en est avec la nature. Et j'avais envie, ces deux personnages, qui sont de parfait citadins, qui ne connaissent pas vraiment la nature, de les immerger en pleine nature pour qu'ils découvrent cette forme de beauté et de sauvagerie.
Je trouve ça magnifique de considérer que finalement la nature sauvage commence à partir de là où ça ne capte plus
La nature, pour s'y plonger, c'est pas la peine de prendre l'avion. Il suffit parfois d'aller dans ces petits territoires, ce qu'on appelle les zones blanches.
Ils vont découvrir aussi qu'il y a une sorte de monde, un peu parallèle, à quelques heures de Paris. Et là, la vie change. Mes personnages, je les ai perdus exprès dans la nature pour qu’ils se retrouvent."
"C'est un roman. Pour moi, le roman est le genre qui peut tout englober. C'est un roman qui essaye d'englober tous les genres parce que nos vies sont faites de tous les genres. À certains moments, j'ai le sentiment moi-même d'être dans la romance, parfois dans la peur, dans le suspens, dans l'angoisse et tout ça, ça fait un roman. Et ce roman, je le voulais multiforme.
J'ai voulu explorer deux histoires à 100 ans d'intervalle et en même temps ça me permet de montrer que la guerre de 14, c'est pas si loin que ça. J'ai en tête les discours de mes grands-mères me parlant de leurs mères et qui à chaque fois me renvoyaient cette histoire de femmes qui accompagnaient les hommes à cette petite gare, et à partir de là, ces hommes partaient, on ne sait pas bien où, parce que l'Allemagne vue du Lot, c'est loin, en 14, et on ne savait même pas s'ils reviendraient.
Et ça me permet de résonner un peu avec cet ustensile qu'est le portable. Ces hommes n'étaient plus joignables et on ne savait même pas pour combien de temps.
Aujourd'hui ce serait fou de vivre ça, on ne pourrait pas.
L'animal
"Cette planète, c'est avant tout la leur. D'une certaine façon, on l'occupe avec eux, on cohabite. Et pour certains, il n'est plus possible de manger des animaux. C'est assez récent dans l'histoire de l'Humanité de se poser ces questions là. Alors qu'en 14 on se posait plutôt la question de savoir ce qu'on allait manger.
Le chien-loup, c'est un peu nous tous. Il y a une partie domestiquée, docile et à certains moments, il en faut peu pour basculer du côté du loup. On est sur cette ambiguïté-là, en permanence. C'est ça la civilisation. C'est d'apaiser le loup et que le chien reprenne le dessus."
L'auteur en quelques lignes
- Il commence sa carrière d'écrivain sur le tard après avoir exercé divers métiers (publicité, maître nageur)
- Son roman U.V. (2003) a été adapté en 2007 par Gilles Paquet-Brenner
- Son roman L'idole (2005) a été adapté au cinéma par Xavier Gianoli qui la rebaptisé Superstar
- Il a écrit le scénario du film Elle s'appelait Sarah, d'après le roman de Tatiana de Rosnay
Écoutez l'interview dans son intégralité
Serge Joncour avec Eva Bettan
8 min